En 2020, le 80e Congrès des Psychanalystes de Langue Française (CPLF) se tiendra en Israël, à Jérusalem ; une première pour le CPLF que nous sommes très heureux d’annoncer et de promouvoir. Son thème : « Espace psychique, lieux, inscriptions ».
Il est organisé par le Conseil du CPLF de la SPP avec le concours de la Société psychanalytique d’Israël (SPI), et la participation des 23 autres sociétés composantes du CPLF dont les présidents ou représentants forment ensemble le Bureau international du CPLF. La tâche de ce dernier est d’anticiper, proposer et discuter les thèmes et les lieux des futurs congrès, et d’infléchir ceux-ci en fonction du contexte et des circonstances, tant dans leurs formes que dans leurs contenus. Il a un pouvoir consultatif, le pouvoir exécutif étant assuré par le Conseil du CPLF et in fine le Conseil d’administration de la SPP.
Ces instances et lieux de réflexion sont de véritables ferments de la pensée psychanalytique avec la prise en compte du contexte des lieux où elle va s’exprimer. Depuis 2019, 23 sociétés et associations composent le Bureau du CPLF, et deux organisations lui sont associées : les sociétés psychanalytiques de Belgique, brésiliennes de Brasilia (SPBsb), de Porto Allègre (SPPA), de Rio de Janeiro (SBPRJ) et de Sao Paulo (SBPsp), britannique, canadienne, espagnole, hellénique, d’Israël, italienne, de Paris, portugaise, roumaine, suisse et de Recherche et de Formation (SPRF) ; et les associations psychanalytiques allemande, de France, d’Istanbul, Italienne, libanaise, de Madrid, Psike Istanbul. L’Association Psychanalytique Argentine (APA) et Núcleo portugais de Psychanalyse sont associés au CPLF. En 2019, l’Association psychanalytique allemande (DPV) nous a rejoints. D’autres nous ont informés qu’elles souhaitaient le faire.
Cet enrichissement encourage le Conseil du CPLF à soutenir l’originalité de ce congrès au sein du paysage des congrès de psychanalyse proposés dans le monde.
Le congrès se tiendra au YMCA. Situé au cœur de Jérusalem, ce splendide bâtiment Art déco de 1933 présente de belles parties communes avec des arches et des jardins luxuriants. Il est à 10 mn à pied de la vieille ville par la porte de Jaffa qui s’ouvre sur le quartier arménien et les 3 autres quartiers de la ville. Le YMCA est aussi un hôtel avec un restaurant ouvert toute la journée avec une magnifique terrasse.
Le choix de ce lieu n’est pas fortuit et ne tient pas seulement à sa beauté architecturale, ni seulement à sa situation géographique, mais c’est le souhait des organisateurs de soutenir sans concession la laïcité du CPLF, une laïcité étendue aux sensibilités, aux choix et opinions politiques, en fait à toutes les idéologies partisanes, ce qui correspond au souhait des YMCA dont l’origine chrétienne protestante n’est toutefois pas dissimulée.
La phrase qui définit la philosophie de la YMCA de Jérusalem a été déterminante dans ce choix : « Voici un lieu où règne une atmosphère de paix, où les jalousies politiques et religieuses peuvent être oubliées et où l'unité internationale peut être favorisée et développée. » Le CPLF s’engage ainsi à accepter les inscriptions de tous les collègues qui souhaitent y participer sans discrimination religieuse ni politique, dans la mesure où leur expression n’a pas lieu durant la durée du congrès. Le souhait du CPLF est aussi de soutenir un état d’esprit de réflexion sur l’ensemble de nos sensibilités individuelles aptes à devenir des convictions, des croyances et idéologies collectives. Aussi des temps d’échange seront aménagés au sein du congrès afin de mener une telle réflexion envers les incidences sur la recherche, le développement et la pratique psychanalytique de l’état de guerre quasi permanent dans un pays régi par une démocratie parlementaire. Il convient de souligner que la psychanalyse n’est pas visée directement par cette situation ; mais elle est obligatoirement influencée par cette réalité. La laïcité est le principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse. Il trouve ses racines dans l’antiquité, puis sa formulation moderne chez Locke, pour qui il s’agissait d'un droit individuel de liberté de conscience, enfin ses applications pragmatiques légales dans de nombreux pays au cours des 19e et 20e siècles.
Ce vœu de laïcité et de démocratie est la base minimale sur laquelle se sont réunis le Conseil du CPLF (membres de la SPP), le Bureau international du CPLF et le Comité local israélien (membres de la SPI et du TAICP), afin de préparer ensemble ce congrès, ce qui implique une ouverture du congrès sans discrimination de confession ni d’opinion.
Rappel : le CPLF est ouvert à tous les membres et analystes en formation de l’IPA et à toute autre personne parrainée par un analyste de l’IPA, ou qui souhaite l’être en envoyant une lettre de présentation adressée au secrétariat du congrès, avec l’engagement moral de maintenir en latence durant le congrès ses sensibilités religieuses, politiques et idéologiques.
Mais cette base de laïcité et de démocratie ne peut ignorer l’histoire ancienne de Jérusalem ni celle actuelle d’Israël ; ni les multiples paramètres individuels et collectifs impliqués dans lesdites sensibilités. Ces facteurs fondent le contexte historique, religieux, politique, géographique, stratégique, identitaire, psychique, etc. de chaque pays d’accueil et de chacun d’entre nous.
Le CPLF exige donc que soit maintenue une référence à la laïcité et à la démocratie, que ne soient pas confondues les organisations psychanalytiques de l’IPA et les options politiques des gouvernements. À ces conditions, le CPLF peut se dérouler dans tout pays qui respecte les organisations psychanalytiques et la pratique de la psychanalyse en son sein.
Tel est le cas en Israël. La psychanalyse y est vivante, voire même florissante. Les deux organisations impliquées dans le congrès, la SPI (société composante de l’API) et l’IPCTA (Institut en projet de rejoindre l’API) reçoivent chacune chaque année environ 50 demandes de formation, et limitent le nombre d’admissions à 15 chacune. Les analystes en formation n’ont aucune difficulté pour avoir des patients en analyse et supervision et la SPI maintient parmi ses critères pour devenir formateur l’exigence d’un nombre minimal de patients en analyse.
La Société Psychanalytique de Palestine fut fondée en 1933 par Eitingon, forcé de quitter Berlin. Elle fut reconnue en 1934 société composante de l’API. Elle fut renommée après 1948 Société Psychanalytique d’Israël et devint plus tard société composante de la FEP (Fédération européenne de psychanalyse). Elle fait aussi partie du Bureau international du CPLF.
Bien sûr personne n’est en mesure d’imposer à un pays l’état d’esprit qu’il souhaiterait. Le congrès se tient donc parfois dans des contrées marquées par des contextes religieux et politiques que les psychanalystes vivant dans ce pays ou venant de l’étranger ne partagent pas et ne souhaitent pas soutenir.
Tel est le cas cette année avec Israël. Certains collègues ne pourront pas participer au congrès du fait des limitations de la libre circulation tant à l’intérieur qu’avec l’extérieur. Ainsi en est- il par exemple des collègues travaillant au Liban et appartenant à un groupe fidèle au CPLF, l’ALDeP. Nous le déplorons vivement. Nous souhaitons bien évidemment la présence et la participation de nombreux collègues palestiniens d’Israël et d’autres pays.
Ces questions ont été débattues à diverses reprises au sein de la SPP et du Bureau international du CPLF ; sauf à renoncer a priori à organiser un CPLF en Israël où la psychanalyse se développe avec vigueur grâce à la SPI, et grâce aussi à de nombreux autres groupes locaux, en particulier l’IPCTA.
Les collègues libanais ont eu la générosité et la sagesse de ne pas imposer un véto sur ce projet d’un CPLF en Israël. Nous les en remercions et espérons que notre congrès sera perçu par tous comme l’expression de notre aspiration à la paix. Pour les organisateurs, il ne s’agit ni de neutralité, ni d’œcuménisme, ni de tolérance ni d’opprobre, ni de déni, ni de complicité. Jérusalem et Israël sont particulièrement propices à inspirer une réflexion sur les rapports à la guerre et à la paix. Telle fut la question posée par Einstein à Freud et qui fut à l’origine de la lettre de Freud « Pourquoi la guerre ? ».
Notre responsabilité et notre engagement envers la réalité psychique exigent l’implication de notre jugement d’existence, et l’espoir de faire advenir également un jugement de sens. Délicate démarche toujours ouverte aux révisions tellement la contextualisation est infinie. Une gageure impossible, au sens des trois métiers impossibles ; celle de poursuivre notre réflexion sur la vie psychique, sur ses multiples modalités, ses apories et ses négativités, sans réduire notre appréhension de ses manifestations sublimes ou atroces à quelque opinion immédiate ou quelque réaction affective aussi légitime soit-elle.
Les termes mêmes des titres des rapports – espace, lieu, inscription, mais aussi traumatisme, génocide et makom – témoignent des enjeux de transposition de réalités psychiques sur les travaux scientifiques du congrès. L’implication de la réalité inconsciente ne peut être absente des choix, des inclinations, des sensibilités, des passions, des engagements de chacun, d’où les analogies toujours possibles entre nos travaux et nos sensibilités.
Le congrès, ses lieux
Jérusalem. Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions monothéistes juive, chrétienne et musulmane. Ville divisée en quatre quartiers peu ou prou entremêlés selon les hostilités, cohabitations et imbrications ; les quartiers juif, arabe, chrétien et arménien. Plus de 4 000 ans d’histoire et d’inscriptions. Les premières traces de son nom datent des XXe et XIXe siècles avant J.-C. Il signifie « ville fondée par Shalem », le dieu des Cananéens ; et par ses racines Yeru et Shalem, la ville de l’achèvement, de la complétude ; d’où la ville de la paix au sens d’une paix inattéignable.
Ville aux « sacs » successifs, avec les destructions et les reconstructions du Temple. Ville traversée par tant de guerres mêlant les motifs religieux, politiques, économiques, ethniques. Ville « trois fois sainte » qui rassemble les trois monothéismes, mais aussi de nombreuses autres religions. Ville qui exalte par et au-delà des cultes, une atmosphère de spiritualité comme aucune autre au monde.
Toute l’histoire du Proche-Orient et du Moyen-Orient s’y condense comme sur une surface de projection. Depuis l’ère chrétienne, c’est l’histoire de l’Europe qui, par les Croisades d’abord, a ajouté ses teintes à celles de l’antiquité ; et plus récemment, c’est l’horreur de la Seconde Guerre mondiale qui a réactivé et amplifié, au-delà de ce que les sacs et les génocides ont inscrit dans les mémoires affectées, l’effroi lié à la dimension traumatique inscrite dans l’identité juive. Cette qualité traumatique qui ne peut que s’éprouver intervint certainement dans la possibilité de Freud d’entrevoir l’existence d’un au-delà du principe de plaisir. La démesure des atrocités de la Seconde Guerre mondiale a précipité dangereusement la civilisation occidentale vers un risque d’extinction. Elle est venue ainsi corroborer bien au-delà de ce que semblait impliquer en chacun de nous un noyau irréductible de névrose traumatique, la puissance démoniaque de cette nouvelle qualité pulsionnelle, sa tendance régressive au retour à un état antérieur jusqu’à l’inorganicité du sans vie. La grande Histoire est venue révéler la potentialisation de masse dont l’attraction extinctive individuelle peut être l’objet, matérialisée par des plans d’extermination implacables et méthodiques prescrivant effacements et disparitions, plans focalisés dans un premier temps puis étendus sans retenue à l’humanité. Le déni de cette tendance et de sa possible potentialisation exige la destruction de masse qui sonne sa réalisation.
Cette double présence, du traumatique démoniaque et de l’aspiration à la spiritualité fait de Jérusalem un choix particulièrement en adéquation avec la conception de la vie pulsionnelle progressivement élaborée par Freud et pensée depuis par les psychanalystes. C’est cette même tension pulsionnelle qui génère tant de belles lignes à propos de Jérusalem : « Jérusalem est une ville extraordinaire parce qu'elle est la mémoire du monde, la rencontre des trois monothéismes, la ville d'une haute spiritualité. Il faut la célébrer non en tant que capitale d'un État, mais en tant que lieu où l'Esprit élève les consciences vers une espérance de fraternité et de paix » (Tahar Ben Jelloun).
« Ce lieu fait signe vers l'autre, l'autre homme, un autre de l'homme et un autre que l'homme : l'étranger... Ce lieu, où l'éthique de l'hospitalité est plus et autre chose qu'un droit ou une politique du refuge, c'est Jérusalem » (Jacques Derrida).
La YMCA : son histoire remonte au XIXe siècle. La YMCA (the Young Men's Christian Association) est une association et une ONG d'origine chrétienne protestante interconfessionnelle. Devenue œcuménique, elle s’est toujours voulue indépendante des Églises et ne cesse de se référer à la laïcité.
Elle regroupe plus de 15 000 associations locales de jeunes, présentes dans 120 pays, représentant 65 millions de membres qui œuvrent dans de nombreux domaines. La première YMCA a été fondée à Londres en 1844 par George Williams (1821-1905). Son siège est à Genève, en Suisse.
Le but de George Williams et de ses amis était d’atteindre l'harmonie entre le corps, l'intellect et l'esprit ; d’où le choix du triangle équilatéral en tant qu’insigne. Très vite, les actions des fondateurs ont dépassé le domaine spirituel pour s'engager concrètement dans l'assistance mutuelle aux plus démunis dont ils faisaient partie. George Williams dépensa beaucoup d'énergie pour améliorer les conditions de travail des jeunes et fit don du tiers de ses revenus aux YMCA.
La philosophie de départ s’est prolongée et matérialisée dans les pratiques pédagogiques et les multiples activités proposées qui visent à développer l’autonomie, le sens et la prise de responsabilité des jeunes. La construction du bâtiment du YMCA de Jérusalem a débuté en 1925. Il fut inauguré en 1933. Conçu par l'architecte américain Arthur Loomis Harmon, architecte de l'Empire State Building, les détails du bâtiment, avec ses élégantes arches, ses dômes et sa tour, ont été décrits lors de l’inauguration, par la presse mondiale, comme une source de vie culturelle, sportive, sociale et intellectuelle.
Cette inauguration eut lieu sous l’égide d’une devise :
“Here is a place whose atmosphere is peace, where political and religious jealousies can be forgotten and international unity be fostered and developed.”
Le CPLF, en évolution
Le CPLF se transforme régulièrement d’une année sur l’autre. Il tente de s’adapter à chaque organisation partenaire, à chaque pays où il se tient, à chaque thème1. En fait, ce mouvement évolutif s’impose par le biais de paramètres divers ; certes la langue française confrontée aux langues des pays d’accueil, des sociétés composantes et de l’universalisation de l’anglais ; d’où l’influence des traductions sur la théorisation par les implicites des termes retenus ; mais aussi le contexte mondial de la psychanalyse, chaotique, voire éclatée, en pleine efflorescence dans certains pays, en crise de croissance au sein des sociétés les plus anciennes ; et également l’influence du sourd travail de la théorisation qui impose un travail d’appropriation sans fin ; enfin les tendances réductrices et simplificatrices, et les après-coups des impératifs à complexifier la culture psychanalytique.
En 2020, le lieu, Jérusalem, la langue d’accueil, l’Hébreu, le thème, les notions d’espace psychique, de lieux, d’inscriptions sous toutes les modalités dont dispose la psyché, ont orienté l’organisation du congrès que nous avons placé sous le qualificatif pluriel d’« éclaté ». Ce terme rend compte aussi de l’histoire du développement de la psychanalyse en Israël et du foisonnement de très nombreux groupes psychanalytiques. La SPI a souhaité impliquer dans le comité d’organisation local des collègues qui appartiennent à de telles organisations partenaires, en particulier l’IPCTA (Institut de Psychanalyse contemporaine de Tel-Aviv). Plusieurs intervenants sont ainsi membres de cet IPCTA sans être membres de la SPI, bien que formés auprès de la SPI.
Ce congrès devrait nous aider à penser le fonctionnement psychique tel que nous l’écoutons actuellement en séance, selon des topiques éclatées, des dynamiques enchevêtrées, des économies dispersées. Sans surprise, le thème fait surgir des charges émotionnelles intenses, réactualise des désarrois incommensurables qui tendent à outrepasser les capacités du dire ou qui rendent les tentatives d’énonciation dérisoires du point de vue de l’intensité.
C’est toute l’inscription de l’Histoire de plus de quarante siècles portée à l’incandescence par celle du XXe siècle qui est convoquée à travers nos histoires singulières. Par le traumatique, la tentation de centrer le congrès sur la Shoa fut certes forte. Ont été préférés l’élargissement aux génocides et le creusement de l’intimité du divan ; mais aussi les contre- appels à la spiritualité avec l’exaltation du travail et de la créativité, de l’inscription concrète dans tous les champs de la culture. Aussi avons-nous décidé d’inviter des personnalités travaillant dans d’autres disciplines et vivant en Israël, afin qu’elles nous fassent part de leurs recherches, de leurs talents, de leurs pensées tournées vers l’avenir, de leurs joies à faire advenir des ressources de vie, et cela au contact des abysses de douleur creusés par l’aveugle cruauté. Ce seront bien sûr les Rapports rédigés et distribués avant le congrès qui formeront le socle du congrès, et qui seront mis à l’honneur dès l’ouverture.
Cette année, c’est Eva Weil pour la SPP et Viviane Chetrit-Vatine avec Michel Granek pour la SPI qui les présenteront grâce à leurs conférences d’introduction suivies des interventions de leurs discutants respectifs. Immédiatement après auront lieu deux séries de six ateliers animés chacun par 3 collègues, parmi lesquels l’un d’eux assurera la fonction de relanceur de la discussion. Ces ateliers sont centrés sur les apports cliniques et théoriques de chaque rapport. Dans chaque série d’ateliers, l’un d’eux se tiendra dans l’amphithéâtre et pourra profiter des traductions simultanées en hébreu et en anglais.
Afin d’ouvrir le congrès au plus grand nombre, toutes les plénières seront traduites en hébreu et en anglais. Six tables rondes s’inscriront dans le thème général afin d’en approfondir tel ou tel aspect, certes en référence aux rapports, mais avec la liberté d’élargir le champ du thème. Parmi ces six tables rondes, deux seront consacrées à la psychanalyse avec l’enfant et l’adolescent. Intercalées entre les tables rondes, le CPLF recevra des personnalités émanant d’autres disciplines qui nous conduiront sur les chemins de la sublimation et de la culture, mais aussi sur les effets des traumatismes de l’Histoire et de l’état de guerre quasi permanent qui règne en Israël.
Côté analystes en formation, quatre ateliers cliniques, avec dans chacun un analyste formateur, sont organisés par les AeF de l’IPSO et des Instituts des sociétés composantes. Enfin les ateliers de l’International Journal of Psychoanalysis (IJP) et de la Revue française de psychanalyse (RFP) nous rappelleront les rapports de la psychanalyse, de son élaboration et de sa transmission, avec l’écriture ; l’inscription encore.
Au total, ce sont environ 60 intervenants, sans compter les présidents de séance ni les secrétaires scientifiques du Congrès, qui nourriront de leurs apports les discussions avec les congressistes en plénières et ateliers.
Le thème : « Espace psychique, lieux, inscriptions »
Nous l’avons déjà largement abordé dans les lignes précédentes, tellement il est imbriqué à l’histoire mondiale et à la situation actuelle du Proche-Orient. Chaque rapport le décline selon ses orientations. Eva Weil engage une très large et très personnelle réflexion sur les lieux psychiques du traumatique, et sur cette parole qui émane d’un hors lieu du psychisme. Elle interroge et reconnaît dans les génocides et dans les nouages de l’individuel au collectif une conséquence de ce traumatique qui hante le psychisme voué à jamais à rester au-delà de tout lieu.
Avec les notions d’espace psychique et de lieu analytique, Viviane Chetrit-Vatine et Michel Granek se sont recentrés sur la topique transposée sur la séance. Mais en introduisant le terme hébreu de makom, ils rejoignent le questionnement présent dans l’autre rapport émanant du terme de « lieu », dès lors que celui-ci est renvoyé au traumatique et à la parole.
Si le titre du congrès convoque par la notion d’espace la dimension topique, il invite à quitter l’apparente positivité de ce terme en suivant la polysémie et les signifiés délocalisés, voire éclatés de celui de lieu.
Enfin l’introduction du terme d’inscription invite à une réflexion sur la téléologie du travail psychique, sa recherche d’un aboutissement, et sur les diverses modalités par lesquels cette dernière trouve à s’accomplir, à s’interpréter par les langages du verbe, de l’image, des perceptions, du corps, de l’affect, de la sensualité, de l’acte.
La topique.
Il s’agit de l’un des trois registres de la métapsychologie (topique, dynamique, économique). Si Freud a toujours soutenu que l’usage de ces trois voies était la garantie d’une approche métapsychologique d’un objet psychique, il a toujours souligné que le point de vue topique était une métaphore insatisfaisante du point de vue de la rigueur scientifique. Par la visualisation, elle introduit des effets de déformation et de limitation de la pensée théorique abstraite eu égard à la réalité du psychisme ainsi figurée.
Il a souvent signalé la nécessité et l’impossibilité de se libérer de cette métaphore spatiale. En 1931, il tente de la remplacer par une approche qualitative : celle des qualités libidinales (« Des types libidinaux », 1931). Puis il insiste à nouveau dans le chapitre 4 de L’Abrégé de psychanalyse, « Les qualités psychiques » (Freud, 1939). Dans ces deux textes, il tente de remplacer les représentations topiques par une différenciations des divers matériaux- investissements psychiques selon leurs qualités.
Enfin, en 1938, il montre comment les notions d’espace et de spatialité sont nées d’une qualité inconsciente du psychisme, son « extension ». Sa courte proposition nous invite à différencier extension et spatialité. Ainsi la spatialité est-elle une émanation de l’extension inconsciente de psyché qui n’en sait rien. La notion d’espace psychique ne rend donc compte que très imparfaitement de l’extension inconsciente du psychisme.
« La spatialité pourrait bien être la projection de l’extension de l’appareil psychique. Vraisemblablement aucune autre dérivation. Au lieu des conditions a priori de notre appareil psychique selon Kant. La psyché est étendue, n’en sait rien. » Cette citation très connue peut se décliner aussi à propos de la temporalité en introduisant l’intermittence de la psyché qui ne sait pas plus qu’elle est intermittente.
« La temporalité pourrait bien être la projection de l’intermittence de l’appareil psychique. Vraisemblablement aucune autre dérivation. Au lieu des conditions a priori de notre appareil psychique selon Kant. La psyché est intermittente, n’en sait rien. »
Lieu
Ce terme se décline selon diverses significations qui concernent toutes la parole induite par la règle fondamentale tant du côté du patient que de celui de l’analyste.
– le lieu, l’endroit, la place. Immédiatement se trouve convoquée la notion d’espace, mais aussi celle de temps qui est le plus souvent sous-entendue ; d’où une ouverture vers l’espace-temps des séances qui concerne très concrètement le protocole, mais aussi l’articulation atemporalité- intemporalité-temporalité. Cette signification se retrouve dans de nombreuses expressions : en tout lieu, lieux d’aisance, en lieu et place de, en temps et lieu, en haut lieu, état des lieux, vider les lieux, mais aussi en premier lieu, en dernier lieu, etc.
– le lieu, l’événement, sa réalisation. C’est l’expression avoir lieu qui évoque alors le travail psychique et ses façons de s’inscrire en séance, certes par l’énonciation langagière, mais aussi par le récit du rêve, par les éprouvés de séance tant affectifs, émotionnels que sensoriels et sensuels. Tous sont censés s’exprimer par la libre association, mais aussi au sein de l’attention en égal suspens par le travail d’interprétation.
– le lieu, la source, l’inspiration. Cette signification s’avance au-devant de l’une des préoccupations majeures de ce congrès, celle portant sur les lieux du traumatique et les lieux d’inscription, tels que les éprouvés du traumatique et l’inspiration des sublimations en témoignent et impliquent un au-delà du principe de plaisir, donc un hors lieu psychique.
Ce sens se retrouve dans certaines expressions concernant la parole, par exemple quand il est fait référence aux lieux communs. Cette expression, tout comme celle de lieux oratoires, renvoie à la source où puise celui qui parle, mais aussi aux sources de son inspiration. Se trouvent ainsi désigné un référentiel qui peut être trivial (la langue commune, le code juridique, la règle ecclésiastique, etc.) ou divin (la parole et l’essence divine). Nous retrouvons le double sens de makom.
En séance, il s’agit du lieu d’où un sujet parle, mais aussi du lieu qui le parle, donc ses identifications inconscientes ou son Moi inconscient (cf. la métaphore du cavalier et du cheval). Le célèbre « ça parle » de Lacan renvoie tout autant au symptôme qu’à une inspiration artistique ou mystique.
Quant à l’inscription, au-delà de la classique double inscription des représentations, de choses et de mots, elle est ce qui permet l’accès à la conscience selon des modalités qui ne sont pas que langagières, mais qui sont toutes reliées à un principe d’encodement, c’est-à-dire à un principe langagier, qu’il soit verbal, pictural, animiste (le langage des fleurs, du vol des oiseaux, etc.) ou émotionnel (le langage de l’amour), corporel et érogène (la carte de l’érogène) L’inscription est portée par un impératif à advenir qui est à la base de la règle fondamentale de l’analyse ; un impératif d’inscription.
Nos invités
L’orientation du congrès vers la notion de lieu, la pluralité de sens de ce terme, la reconnaissance en Jérusalem d’une parfaite métaphore de cette atmosphère ouverte et diffractée, « éclatée », métaphore du hors lieu de la diaspora, a suscité notre curiosité et nous a incité à ouvrir notre thème et notre congrès vers des spécialistes de disciplines multiples et différentes de la nôtre, dans laquelle certaines notions ou concepts utilisés en psychanalyse existent aussi, déployant d’autres significations pouvant s’interpeler les unes les autres.
Nous souhaitons aussi que ces invitations nous aident à nourrir notre réflexion au sein de forums où pourront être abordées les implications de l’histoire ancienne et actuelle d’Israël sur l’ensemble de la culture, sur les vies privées et sur le travail quotidien des psychanalystes et des non-psychanalystes invités.
Daniel Zajfman, physicien israélien dont les recherches sont centrées sur la physique moléculaire. Depuis 2006, il est président de l’Institut Weissman des sciences, classé en 2019 au troisième rang mondial dans le classement normalisé de l’Indice Nature Daniel Zajfman soutient que les plus grandes découvertes n'ont pas été faites par des gens qui cherchaient à résoudre des problèmes, mais de façon inattendue, par sérendipité.
« Notre moteur, c'est avant tout la curiosité ! » ; « Ce sont les différentes approches culturelles qui font avancer la science. » ; « Je veux voir de la lumière dans les yeux des chercheurs ». « Israël a démontré qu’il pouvait regarder vers le futur et construire quelque chose basé sur l’espoir, et non l’extermination, le malheur et la douleur. »
Amos Gitai, cinéaste israélien, réalisateur, artiste engagé. L’œuvre de Amos Gitaï compte près de quatre-vingt-dix titres. Élu professeur à la chaire de « Création artistique » du Collège de France, il a donné une série de neuf leçons sur le cinéma (octobre-décembre 2018), suivies d'un colloque en juin 2019.
Ses films sont surdéterminés par ses origines familiales, la génération à laquelle il appartient (la première après la fondation de l’État d’Israël), ses études d’architecture, son expérience de la guerre de Kippour, la réalisation de House et ses effets suite à son interdiction en Israël, la controverse suscitée par son film Journal de campagne, d’où son long exil en France, etc.
« On n’a pas le choix, il faut rester optimiste malgré ce que l’on sait. Il faut injecter l’espoir dans le réel. » « Mon cher pays, que j’aime beaucoup, ne va pas très bien. Lui manque, en particulier, une figure politique qui aurait le courage, je dirais même l’optimisme, en dépit de tout ce qui se passe au Proche-Orient, d’avancer, de tendre la main, de créer un dialogue dans ce monde impossible. Cette absence d’un personnage visionnaire est dramatique. Dans ce contexte, que puis-je faire ? Je ne suis pas un homme politique. J’ai une formation d’architecte et je suis cinéaste. Alors, je me suis souvenu de ce que m’avait dit un jour Jeanne Moreau : « Tout nouveau projet est pour moi l’occasion d’apprendre certaines choses que je ne sais pas encore. » J’ai donc décidé de faire ce film. C’était l’occasion de poser une question à la société israélienne » (Le Monde, 9 septembre 2015).
Avraham Yehoshua, romancier israélien, il a écrit de nombreux romans et est considéré comme l'un des plus brillants auteurs contemporains en Israël. Auteur engagé, il s’est exprimé en faveur du processus de paix israélo-palestinien et a participé à l'initiative de Genève. Après avoir soutenu la solution de deux états, il pense aujourd'hui que la solution passe par un État binational.
Depuis son premier roman en 1975, Trois jours et un enfant, jusqu’à Tunnel en 2019, l’écrivain n’a cessé de revenir sur l’importance de l’histoire et de la mémoire, mais aussi sur les vertus de l’oubli. Il a remporté le prix Bialik et le prix Israël, ainsi que le Los Angeles Times Book Prize en 2006. Il a reçu le prix Médicis étranger 2012 pour son roman Rétrospective paru aux Éditions Grasset.
« Je pense que la vie privée n’est jamais tout à fait isolée de la vie publique. La question de
l’identité nationale, les conflits, tout cela se mélange en nous jusque dans les aspects les plus personnels de notre existence [...] Le contexte leur donne du relief ».
Christina von Braun, professeure des sciences culturelles à la Humboldt Universität zu Berlin, théoricienne des questions de genre, auteure et réalisatrice. Elle a produit et publié plus de cinquante films, vingt livres et de nombreux articles et essais portant sur l’histoire culturelle, la religion, le genre, la modernité, la laïcisation et l'histoire de l'antisémitisme.
En 2012, elle a été co-fondatrice et première directrice du centre d’études juives (Zentrum Jüdische Studien) Berlin-Brandenburg. Vice-présidente du Goethe-Institut depuis 2008, membre du comité consultatif de l’Université psychanalytique internationale de Berlin, elle a reçu en 2013, le prix Sigmund Freud de la culture de l'Association psychanalytique allemande (DPV) et de la Société psychanalytique allemande (DPG) pour son œuvre en tant que chercheur exceptionnel.
Rav Daniel Epstein, docteur en philosophie, écrivain, talmudiste et rabbin, Professeur à l’Institut Universitaire Elie Wiesel, à l’Institut Psychanalytique de Tel-Aviv, et au Collège Matan de Jérusalem. Spécialiste de Levinas dont il a traduit en hébreu les deux volumes des Lectures talmudiques. Participe depuis plusieurs décennies à l’émission du Rabbin Josy Eisenberg : « La source de vie », et plus récemment au programme du site Akadem. Est intervenu dans plusieurs congrès psychanalytiques en tant que représentant de la pensée et de l’éthique juive.
Eli Barnavi, historien, essayiste, chroniqueur, diplomate israélien (ambassadeur d’Israël en France en 2000-2002), professeur émérite d’histoire de l’Occident moderne à l’Université de Tel-Aviv. Il est membre des Rencontres internationales d’Avignon sur la Culture et du Conseil international du Musée international de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, et Conseiller scientifique auprès du Musée de l’Europe à Bruxelles.
Il a aussi été Directeur d’études à l’Institut de Défense nationale, membre du mouvement La paix maintenant. En novembre 2014, dans une lettre cosignée par 660 figures publiques israéliennes, il appelle les parlementaires européens à reconnaître immédiatement l'État palestinien.
Il travaille au développement du grand projet européen d’exposition relative aux relations entre l’Europe et la civilisation musulmane au fil des siècles. Élie Barnavi est titulaire de plusieurs prix, dont le Grand prix de la Francophonie de l’Académie française, reçu en 2007 pour l’ensemble de son œuvre, le prix Aujourd'hui pour Les religions meurtrières, et le prix Montaigne pour L’Europe frigide. Réflexions sur un projet inachevé.
Deux de nos invités sont des psychanalystes de la SPP et de la SPI, Julia Kristeva (philologue, psychanalyste SPP, écrivaine) et Yolanda Gampel (psychanalyste SPI, Professeure de psychologie clinique). Nous profiterons de leur présence et de leurs réflexions pour échanger en large groupe à propos des incidences du contexte de guerre sur la psychanalyse et sa pratique en Israël.
Inscription en ligne http://colloques.societe-psychanalytique-de-paris.net
NOTES :
Incertitude pandémique
Ne pas savoir de quoi demain sera fait. Ou bien, apprendre à l'occasion de circonstances inhabituelles et dramatiques, qu'en réalité on ne le sait jamais, mais qu'on l'oublie, comme on oublie la plupart du temps qu'on est mortel … alors que c'est la seule certitude dont nous disposons. Nous sommes nés un...
Nous publions ici à La Tribune parue le 21 Septembre 2021 dans le journal L'express, à la demande des signataires et avec leur autorisation.
Associées à l'Observatoire des discours idéologiques sur l'enfant et l'adolescent, collectif de professionnels de l'enfance et de chercheurs (médecins, psychiatres, psychanalystes, juristes,...
Ce court article reprend la tribune du journal Libération du 1er avril, appelant en titre à reconnaitre et soutenir de toute urgence les enfants troublés dans leur genre. La question étant comment : tout en actes et décisions ou en mesure de complexité et prudence... ?
Le 1er avril 2021 (sans doute pas un poisson d’avril), le...
Article de : Bernard Chervet et Marilia Aisenstein
Secrétaires scientifiques du CPLF - Tous deux membres titulaires formateurs de la SPP et anciens présidents de la SPP

"De quel lieu parlez-vous ?" - A propos du 80eme CPLF - Jérusalem Mai 2020
Publié le 12/12/19En 2020, le 80e Congrès des Psychanalystes de Langue Française (CPLF) se tiendra en Israël, à Jérusalem ; une première pour le CPLF que nous sommes très heureux d’annoncer et de promouvoir. Son thème : « Espace psychique, lieux, inscriptions ».
Il est organisé par le Conseil du CPLF de la SPP avec le concours de la Société psychanalytique d’Israël (SPI), et la participation des 23 autres sociétés composantes du CPLF dont les présidents ou représentants forment ensemble le Bureau international du CPLF. La tâche de ce dernier est d’anticiper, proposer et discuter les thèmes et les lieux des futurs congrès, et d’infléchir ceux-ci en fonction du contexte et des circonstances, tant dans leurs formes que dans leurs contenus. Il a un pouvoir consultatif, le pouvoir exécutif étant assuré par le Conseil du CPLF et in fine le Conseil d’administration de la SPP.
Ces instances et lieux de réflexion sont de véritables ferments de la pensée psychanalytique avec la prise en compte du contexte des lieux où elle va s’exprimer. Depuis 2019, 23 sociétés et associations composent le Bureau du CPLF, et deux organisations lui sont associées : les sociétés psychanalytiques de Belgique, brésiliennes de Brasilia (SPBsb), de Porto Allègre (SPPA), de Rio de Janeiro (SBPRJ) et de Sao Paulo (SBPsp), britannique, canadienne, espagnole, hellénique, d’Israël, italienne, de Paris, portugaise, roumaine, suisse et de Recherche et de Formation (SPRF) ; et les associations psychanalytiques allemande, de France, d’Istanbul, Italienne, libanaise, de Madrid, Psike Istanbul. L’Association Psychanalytique Argentine (APA) et Núcleo portugais de Psychanalyse sont associés au CPLF. En 2019, l’Association psychanalytique allemande (DPV) nous a rejoints. D’autres nous ont informés qu’elles souhaitaient le faire.
Cet enrichissement encourage le Conseil du CPLF à soutenir l’originalité de ce congrès au sein du paysage des congrès de psychanalyse proposés dans le monde.
Inscription en ligne http://colloques.societe-psychanalytique-de-paris.net
Le CPLF, lieu de laïcité, de démocratie et d’engagement envers la vie psychique.Le congrès se tiendra au YMCA. Situé au cœur de Jérusalem, ce splendide bâtiment Art déco de 1933 présente de belles parties communes avec des arches et des jardins luxuriants. Il est à 10 mn à pied de la vieille ville par la porte de Jaffa qui s’ouvre sur le quartier arménien et les 3 autres quartiers de la ville. Le YMCA est aussi un hôtel avec un restaurant ouvert toute la journée avec une magnifique terrasse.
Le choix de ce lieu n’est pas fortuit et ne tient pas seulement à sa beauté architecturale, ni seulement à sa situation géographique, mais c’est le souhait des organisateurs de soutenir sans concession la laïcité du CPLF, une laïcité étendue aux sensibilités, aux choix et opinions politiques, en fait à toutes les idéologies partisanes, ce qui correspond au souhait des YMCA dont l’origine chrétienne protestante n’est toutefois pas dissimulée.
La phrase qui définit la philosophie de la YMCA de Jérusalem a été déterminante dans ce choix : « Voici un lieu où règne une atmosphère de paix, où les jalousies politiques et religieuses peuvent être oubliées et où l'unité internationale peut être favorisée et développée. » Le CPLF s’engage ainsi à accepter les inscriptions de tous les collègues qui souhaitent y participer sans discrimination religieuse ni politique, dans la mesure où leur expression n’a pas lieu durant la durée du congrès. Le souhait du CPLF est aussi de soutenir un état d’esprit de réflexion sur l’ensemble de nos sensibilités individuelles aptes à devenir des convictions, des croyances et idéologies collectives. Aussi des temps d’échange seront aménagés au sein du congrès afin de mener une telle réflexion envers les incidences sur la recherche, le développement et la pratique psychanalytique de l’état de guerre quasi permanent dans un pays régi par une démocratie parlementaire. Il convient de souligner que la psychanalyse n’est pas visée directement par cette situation ; mais elle est obligatoirement influencée par cette réalité. La laïcité est le principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse. Il trouve ses racines dans l’antiquité, puis sa formulation moderne chez Locke, pour qui il s’agissait d'un droit individuel de liberté de conscience, enfin ses applications pragmatiques légales dans de nombreux pays au cours des 19e et 20e siècles.
Ce vœu de laïcité et de démocratie est la base minimale sur laquelle se sont réunis le Conseil du CPLF (membres de la SPP), le Bureau international du CPLF et le Comité local israélien (membres de la SPI et du TAICP), afin de préparer ensemble ce congrès, ce qui implique une ouverture du congrès sans discrimination de confession ni d’opinion.
Rappel : le CPLF est ouvert à tous les membres et analystes en formation de l’IPA et à toute autre personne parrainée par un analyste de l’IPA, ou qui souhaite l’être en envoyant une lettre de présentation adressée au secrétariat du congrès, avec l’engagement moral de maintenir en latence durant le congrès ses sensibilités religieuses, politiques et idéologiques.
Mais cette base de laïcité et de démocratie ne peut ignorer l’histoire ancienne de Jérusalem ni celle actuelle d’Israël ; ni les multiples paramètres individuels et collectifs impliqués dans lesdites sensibilités. Ces facteurs fondent le contexte historique, religieux, politique, géographique, stratégique, identitaire, psychique, etc. de chaque pays d’accueil et de chacun d’entre nous.
Le CPLF exige donc que soit maintenue une référence à la laïcité et à la démocratie, que ne soient pas confondues les organisations psychanalytiques de l’IPA et les options politiques des gouvernements. À ces conditions, le CPLF peut se dérouler dans tout pays qui respecte les organisations psychanalytiques et la pratique de la psychanalyse en son sein.
Tel est le cas en Israël. La psychanalyse y est vivante, voire même florissante. Les deux organisations impliquées dans le congrès, la SPI (société composante de l’API) et l’IPCTA (Institut en projet de rejoindre l’API) reçoivent chacune chaque année environ 50 demandes de formation, et limitent le nombre d’admissions à 15 chacune. Les analystes en formation n’ont aucune difficulté pour avoir des patients en analyse et supervision et la SPI maintient parmi ses critères pour devenir formateur l’exigence d’un nombre minimal de patients en analyse.
La Société Psychanalytique de Palestine fut fondée en 1933 par Eitingon, forcé de quitter Berlin. Elle fut reconnue en 1934 société composante de l’API. Elle fut renommée après 1948 Société Psychanalytique d’Israël et devint plus tard société composante de la FEP (Fédération européenne de psychanalyse). Elle fait aussi partie du Bureau international du CPLF.
Bien sûr personne n’est en mesure d’imposer à un pays l’état d’esprit qu’il souhaiterait. Le congrès se tient donc parfois dans des contrées marquées par des contextes religieux et politiques que les psychanalystes vivant dans ce pays ou venant de l’étranger ne partagent pas et ne souhaitent pas soutenir.
Tel est le cas cette année avec Israël. Certains collègues ne pourront pas participer au congrès du fait des limitations de la libre circulation tant à l’intérieur qu’avec l’extérieur. Ainsi en est- il par exemple des collègues travaillant au Liban et appartenant à un groupe fidèle au CPLF, l’ALDeP. Nous le déplorons vivement. Nous souhaitons bien évidemment la présence et la participation de nombreux collègues palestiniens d’Israël et d’autres pays.
Ces questions ont été débattues à diverses reprises au sein de la SPP et du Bureau international du CPLF ; sauf à renoncer a priori à organiser un CPLF en Israël où la psychanalyse se développe avec vigueur grâce à la SPI, et grâce aussi à de nombreux autres groupes locaux, en particulier l’IPCTA.
Les collègues libanais ont eu la générosité et la sagesse de ne pas imposer un véto sur ce projet d’un CPLF en Israël. Nous les en remercions et espérons que notre congrès sera perçu par tous comme l’expression de notre aspiration à la paix. Pour les organisateurs, il ne s’agit ni de neutralité, ni d’œcuménisme, ni de tolérance ni d’opprobre, ni de déni, ni de complicité. Jérusalem et Israël sont particulièrement propices à inspirer une réflexion sur les rapports à la guerre et à la paix. Telle fut la question posée par Einstein à Freud et qui fut à l’origine de la lettre de Freud « Pourquoi la guerre ? ».
Notre responsabilité et notre engagement envers la réalité psychique exigent l’implication de notre jugement d’existence, et l’espoir de faire advenir également un jugement de sens. Délicate démarche toujours ouverte aux révisions tellement la contextualisation est infinie. Une gageure impossible, au sens des trois métiers impossibles ; celle de poursuivre notre réflexion sur la vie psychique, sur ses multiples modalités, ses apories et ses négativités, sans réduire notre appréhension de ses manifestations sublimes ou atroces à quelque opinion immédiate ou quelque réaction affective aussi légitime soit-elle.
Les termes mêmes des titres des rapports – espace, lieu, inscription, mais aussi traumatisme, génocide et makom – témoignent des enjeux de transposition de réalités psychiques sur les travaux scientifiques du congrès. L’implication de la réalité inconsciente ne peut être absente des choix, des inclinations, des sensibilités, des passions, des engagements de chacun, d’où les analogies toujours possibles entre nos travaux et nos sensibilités.
Le congrès, ses lieux
Jérusalem. Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions monothéistes juive, chrétienne et musulmane. Ville divisée en quatre quartiers peu ou prou entremêlés selon les hostilités, cohabitations et imbrications ; les quartiers juif, arabe, chrétien et arménien. Plus de 4 000 ans d’histoire et d’inscriptions. Les premières traces de son nom datent des XXe et XIXe siècles avant J.-C. Il signifie « ville fondée par Shalem », le dieu des Cananéens ; et par ses racines Yeru et Shalem, la ville de l’achèvement, de la complétude ; d’où la ville de la paix au sens d’une paix inattéignable.
Ville aux « sacs » successifs, avec les destructions et les reconstructions du Temple. Ville traversée par tant de guerres mêlant les motifs religieux, politiques, économiques, ethniques. Ville « trois fois sainte » qui rassemble les trois monothéismes, mais aussi de nombreuses autres religions. Ville qui exalte par et au-delà des cultes, une atmosphère de spiritualité comme aucune autre au monde.
Toute l’histoire du Proche-Orient et du Moyen-Orient s’y condense comme sur une surface de projection. Depuis l’ère chrétienne, c’est l’histoire de l’Europe qui, par les Croisades d’abord, a ajouté ses teintes à celles de l’antiquité ; et plus récemment, c’est l’horreur de la Seconde Guerre mondiale qui a réactivé et amplifié, au-delà de ce que les sacs et les génocides ont inscrit dans les mémoires affectées, l’effroi lié à la dimension traumatique inscrite dans l’identité juive. Cette qualité traumatique qui ne peut que s’éprouver intervint certainement dans la possibilité de Freud d’entrevoir l’existence d’un au-delà du principe de plaisir. La démesure des atrocités de la Seconde Guerre mondiale a précipité dangereusement la civilisation occidentale vers un risque d’extinction. Elle est venue ainsi corroborer bien au-delà de ce que semblait impliquer en chacun de nous un noyau irréductible de névrose traumatique, la puissance démoniaque de cette nouvelle qualité pulsionnelle, sa tendance régressive au retour à un état antérieur jusqu’à l’inorganicité du sans vie. La grande Histoire est venue révéler la potentialisation de masse dont l’attraction extinctive individuelle peut être l’objet, matérialisée par des plans d’extermination implacables et méthodiques prescrivant effacements et disparitions, plans focalisés dans un premier temps puis étendus sans retenue à l’humanité. Le déni de cette tendance et de sa possible potentialisation exige la destruction de masse qui sonne sa réalisation.
Cette double présence, du traumatique démoniaque et de l’aspiration à la spiritualité fait de Jérusalem un choix particulièrement en adéquation avec la conception de la vie pulsionnelle progressivement élaborée par Freud et pensée depuis par les psychanalystes. C’est cette même tension pulsionnelle qui génère tant de belles lignes à propos de Jérusalem : « Jérusalem est une ville extraordinaire parce qu'elle est la mémoire du monde, la rencontre des trois monothéismes, la ville d'une haute spiritualité. Il faut la célébrer non en tant que capitale d'un État, mais en tant que lieu où l'Esprit élève les consciences vers une espérance de fraternité et de paix » (Tahar Ben Jelloun).
« Ce lieu fait signe vers l'autre, l'autre homme, un autre de l'homme et un autre que l'homme : l'étranger... Ce lieu, où l'éthique de l'hospitalité est plus et autre chose qu'un droit ou une politique du refuge, c'est Jérusalem » (Jacques Derrida).
La YMCA : son histoire remonte au XIXe siècle. La YMCA (the Young Men's Christian Association) est une association et une ONG d'origine chrétienne protestante interconfessionnelle. Devenue œcuménique, elle s’est toujours voulue indépendante des Églises et ne cesse de se référer à la laïcité.
Elle regroupe plus de 15 000 associations locales de jeunes, présentes dans 120 pays, représentant 65 millions de membres qui œuvrent dans de nombreux domaines. La première YMCA a été fondée à Londres en 1844 par George Williams (1821-1905). Son siège est à Genève, en Suisse.
Le but de George Williams et de ses amis était d’atteindre l'harmonie entre le corps, l'intellect et l'esprit ; d’où le choix du triangle équilatéral en tant qu’insigne. Très vite, les actions des fondateurs ont dépassé le domaine spirituel pour s'engager concrètement dans l'assistance mutuelle aux plus démunis dont ils faisaient partie. George Williams dépensa beaucoup d'énergie pour améliorer les conditions de travail des jeunes et fit don du tiers de ses revenus aux YMCA.
La philosophie de départ s’est prolongée et matérialisée dans les pratiques pédagogiques et les multiples activités proposées qui visent à développer l’autonomie, le sens et la prise de responsabilité des jeunes. La construction du bâtiment du YMCA de Jérusalem a débuté en 1925. Il fut inauguré en 1933. Conçu par l'architecte américain Arthur Loomis Harmon, architecte de l'Empire State Building, les détails du bâtiment, avec ses élégantes arches, ses dômes et sa tour, ont été décrits lors de l’inauguration, par la presse mondiale, comme une source de vie culturelle, sportive, sociale et intellectuelle.
Cette inauguration eut lieu sous l’égide d’une devise :
“Here is a place whose atmosphere is peace, where political and religious jealousies can be forgotten and international unity be fostered and developed.”
Le CPLF, en évolution
Le CPLF se transforme régulièrement d’une année sur l’autre. Il tente de s’adapter à chaque organisation partenaire, à chaque pays où il se tient, à chaque thème1. En fait, ce mouvement évolutif s’impose par le biais de paramètres divers ; certes la langue française confrontée aux langues des pays d’accueil, des sociétés composantes et de l’universalisation de l’anglais ; d’où l’influence des traductions sur la théorisation par les implicites des termes retenus ; mais aussi le contexte mondial de la psychanalyse, chaotique, voire éclatée, en pleine efflorescence dans certains pays, en crise de croissance au sein des sociétés les plus anciennes ; et également l’influence du sourd travail de la théorisation qui impose un travail d’appropriation sans fin ; enfin les tendances réductrices et simplificatrices, et les après-coups des impératifs à complexifier la culture psychanalytique.
En 2020, le lieu, Jérusalem, la langue d’accueil, l’Hébreu, le thème, les notions d’espace psychique, de lieux, d’inscriptions sous toutes les modalités dont dispose la psyché, ont orienté l’organisation du congrès que nous avons placé sous le qualificatif pluriel d’« éclaté ». Ce terme rend compte aussi de l’histoire du développement de la psychanalyse en Israël et du foisonnement de très nombreux groupes psychanalytiques. La SPI a souhaité impliquer dans le comité d’organisation local des collègues qui appartiennent à de telles organisations partenaires, en particulier l’IPCTA (Institut de Psychanalyse contemporaine de Tel-Aviv). Plusieurs intervenants sont ainsi membres de cet IPCTA sans être membres de la SPI, bien que formés auprès de la SPI.
Ce congrès devrait nous aider à penser le fonctionnement psychique tel que nous l’écoutons actuellement en séance, selon des topiques éclatées, des dynamiques enchevêtrées, des économies dispersées. Sans surprise, le thème fait surgir des charges émotionnelles intenses, réactualise des désarrois incommensurables qui tendent à outrepasser les capacités du dire ou qui rendent les tentatives d’énonciation dérisoires du point de vue de l’intensité.
C’est toute l’inscription de l’Histoire de plus de quarante siècles portée à l’incandescence par celle du XXe siècle qui est convoquée à travers nos histoires singulières. Par le traumatique, la tentation de centrer le congrès sur la Shoa fut certes forte. Ont été préférés l’élargissement aux génocides et le creusement de l’intimité du divan ; mais aussi les contre- appels à la spiritualité avec l’exaltation du travail et de la créativité, de l’inscription concrète dans tous les champs de la culture. Aussi avons-nous décidé d’inviter des personnalités travaillant dans d’autres disciplines et vivant en Israël, afin qu’elles nous fassent part de leurs recherches, de leurs talents, de leurs pensées tournées vers l’avenir, de leurs joies à faire advenir des ressources de vie, et cela au contact des abysses de douleur creusés par l’aveugle cruauté. Ce seront bien sûr les Rapports rédigés et distribués avant le congrès qui formeront le socle du congrès, et qui seront mis à l’honneur dès l’ouverture.
Cette année, c’est Eva Weil pour la SPP et Viviane Chetrit-Vatine avec Michel Granek pour la SPI qui les présenteront grâce à leurs conférences d’introduction suivies des interventions de leurs discutants respectifs. Immédiatement après auront lieu deux séries de six ateliers animés chacun par 3 collègues, parmi lesquels l’un d’eux assurera la fonction de relanceur de la discussion. Ces ateliers sont centrés sur les apports cliniques et théoriques de chaque rapport. Dans chaque série d’ateliers, l’un d’eux se tiendra dans l’amphithéâtre et pourra profiter des traductions simultanées en hébreu et en anglais.
Afin d’ouvrir le congrès au plus grand nombre, toutes les plénières seront traduites en hébreu et en anglais. Six tables rondes s’inscriront dans le thème général afin d’en approfondir tel ou tel aspect, certes en référence aux rapports, mais avec la liberté d’élargir le champ du thème. Parmi ces six tables rondes, deux seront consacrées à la psychanalyse avec l’enfant et l’adolescent. Intercalées entre les tables rondes, le CPLF recevra des personnalités émanant d’autres disciplines qui nous conduiront sur les chemins de la sublimation et de la culture, mais aussi sur les effets des traumatismes de l’Histoire et de l’état de guerre quasi permanent qui règne en Israël.
Côté analystes en formation, quatre ateliers cliniques, avec dans chacun un analyste formateur, sont organisés par les AeF de l’IPSO et des Instituts des sociétés composantes. Enfin les ateliers de l’International Journal of Psychoanalysis (IJP) et de la Revue française de psychanalyse (RFP) nous rappelleront les rapports de la psychanalyse, de son élaboration et de sa transmission, avec l’écriture ; l’inscription encore.
Au total, ce sont environ 60 intervenants, sans compter les présidents de séance ni les secrétaires scientifiques du Congrès, qui nourriront de leurs apports les discussions avec les congressistes en plénières et ateliers.
Le thème : « Espace psychique, lieux, inscriptions »
Nous l’avons déjà largement abordé dans les lignes précédentes, tellement il est imbriqué à l’histoire mondiale et à la situation actuelle du Proche-Orient. Chaque rapport le décline selon ses orientations. Eva Weil engage une très large et très personnelle réflexion sur les lieux psychiques du traumatique, et sur cette parole qui émane d’un hors lieu du psychisme. Elle interroge et reconnaît dans les génocides et dans les nouages de l’individuel au collectif une conséquence de ce traumatique qui hante le psychisme voué à jamais à rester au-delà de tout lieu.
Avec les notions d’espace psychique et de lieu analytique, Viviane Chetrit-Vatine et Michel Granek se sont recentrés sur la topique transposée sur la séance. Mais en introduisant le terme hébreu de makom, ils rejoignent le questionnement présent dans l’autre rapport émanant du terme de « lieu », dès lors que celui-ci est renvoyé au traumatique et à la parole.
Si le titre du congrès convoque par la notion d’espace la dimension topique, il invite à quitter l’apparente positivité de ce terme en suivant la polysémie et les signifiés délocalisés, voire éclatés de celui de lieu.
Enfin l’introduction du terme d’inscription invite à une réflexion sur la téléologie du travail psychique, sa recherche d’un aboutissement, et sur les diverses modalités par lesquels cette dernière trouve à s’accomplir, à s’interpréter par les langages du verbe, de l’image, des perceptions, du corps, de l’affect, de la sensualité, de l’acte.
La topique.
Il s’agit de l’un des trois registres de la métapsychologie (topique, dynamique, économique). Si Freud a toujours soutenu que l’usage de ces trois voies était la garantie d’une approche métapsychologique d’un objet psychique, il a toujours souligné que le point de vue topique était une métaphore insatisfaisante du point de vue de la rigueur scientifique. Par la visualisation, elle introduit des effets de déformation et de limitation de la pensée théorique abstraite eu égard à la réalité du psychisme ainsi figurée.
Il a souvent signalé la nécessité et l’impossibilité de se libérer de cette métaphore spatiale. En 1931, il tente de la remplacer par une approche qualitative : celle des qualités libidinales (« Des types libidinaux », 1931). Puis il insiste à nouveau dans le chapitre 4 de L’Abrégé de psychanalyse, « Les qualités psychiques » (Freud, 1939). Dans ces deux textes, il tente de remplacer les représentations topiques par une différenciations des divers matériaux- investissements psychiques selon leurs qualités.
Enfin, en 1938, il montre comment les notions d’espace et de spatialité sont nées d’une qualité inconsciente du psychisme, son « extension ». Sa courte proposition nous invite à différencier extension et spatialité. Ainsi la spatialité est-elle une émanation de l’extension inconsciente de psyché qui n’en sait rien. La notion d’espace psychique ne rend donc compte que très imparfaitement de l’extension inconsciente du psychisme.
« La spatialité pourrait bien être la projection de l’extension de l’appareil psychique. Vraisemblablement aucune autre dérivation. Au lieu des conditions a priori de notre appareil psychique selon Kant. La psyché est étendue, n’en sait rien. » Cette citation très connue peut se décliner aussi à propos de la temporalité en introduisant l’intermittence de la psyché qui ne sait pas plus qu’elle est intermittente.
« La temporalité pourrait bien être la projection de l’intermittence de l’appareil psychique. Vraisemblablement aucune autre dérivation. Au lieu des conditions a priori de notre appareil psychique selon Kant. La psyché est intermittente, n’en sait rien. »
Lieu
Ce terme se décline selon diverses significations qui concernent toutes la parole induite par la règle fondamentale tant du côté du patient que de celui de l’analyste.
– le lieu, l’endroit, la place. Immédiatement se trouve convoquée la notion d’espace, mais aussi celle de temps qui est le plus souvent sous-entendue ; d’où une ouverture vers l’espace-temps des séances qui concerne très concrètement le protocole, mais aussi l’articulation atemporalité- intemporalité-temporalité. Cette signification se retrouve dans de nombreuses expressions : en tout lieu, lieux d’aisance, en lieu et place de, en temps et lieu, en haut lieu, état des lieux, vider les lieux, mais aussi en premier lieu, en dernier lieu, etc.
– le lieu, l’événement, sa réalisation. C’est l’expression avoir lieu qui évoque alors le travail psychique et ses façons de s’inscrire en séance, certes par l’énonciation langagière, mais aussi par le récit du rêve, par les éprouvés de séance tant affectifs, émotionnels que sensoriels et sensuels. Tous sont censés s’exprimer par la libre association, mais aussi au sein de l’attention en égal suspens par le travail d’interprétation.
– le lieu, la source, l’inspiration. Cette signification s’avance au-devant de l’une des préoccupations majeures de ce congrès, celle portant sur les lieux du traumatique et les lieux d’inscription, tels que les éprouvés du traumatique et l’inspiration des sublimations en témoignent et impliquent un au-delà du principe de plaisir, donc un hors lieu psychique.
Ce sens se retrouve dans certaines expressions concernant la parole, par exemple quand il est fait référence aux lieux communs. Cette expression, tout comme celle de lieux oratoires, renvoie à la source où puise celui qui parle, mais aussi aux sources de son inspiration. Se trouvent ainsi désigné un référentiel qui peut être trivial (la langue commune, le code juridique, la règle ecclésiastique, etc.) ou divin (la parole et l’essence divine). Nous retrouvons le double sens de makom.
En séance, il s’agit du lieu d’où un sujet parle, mais aussi du lieu qui le parle, donc ses identifications inconscientes ou son Moi inconscient (cf. la métaphore du cavalier et du cheval). Le célèbre « ça parle » de Lacan renvoie tout autant au symptôme qu’à une inspiration artistique ou mystique.
Quant à l’inscription, au-delà de la classique double inscription des représentations, de choses et de mots, elle est ce qui permet l’accès à la conscience selon des modalités qui ne sont pas que langagières, mais qui sont toutes reliées à un principe d’encodement, c’est-à-dire à un principe langagier, qu’il soit verbal, pictural, animiste (le langage des fleurs, du vol des oiseaux, etc.) ou émotionnel (le langage de l’amour), corporel et érogène (la carte de l’érogène) L’inscription est portée par un impératif à advenir qui est à la base de la règle fondamentale de l’analyse ; un impératif d’inscription.
Nos invités
L’orientation du congrès vers la notion de lieu, la pluralité de sens de ce terme, la reconnaissance en Jérusalem d’une parfaite métaphore de cette atmosphère ouverte et diffractée, « éclatée », métaphore du hors lieu de la diaspora, a suscité notre curiosité et nous a incité à ouvrir notre thème et notre congrès vers des spécialistes de disciplines multiples et différentes de la nôtre, dans laquelle certaines notions ou concepts utilisés en psychanalyse existent aussi, déployant d’autres significations pouvant s’interpeler les unes les autres.
Nous souhaitons aussi que ces invitations nous aident à nourrir notre réflexion au sein de forums où pourront être abordées les implications de l’histoire ancienne et actuelle d’Israël sur l’ensemble de la culture, sur les vies privées et sur le travail quotidien des psychanalystes et des non-psychanalystes invités.
Daniel Zajfman, physicien israélien dont les recherches sont centrées sur la physique moléculaire. Depuis 2006, il est président de l’Institut Weissman des sciences, classé en 2019 au troisième rang mondial dans le classement normalisé de l’Indice Nature Daniel Zajfman soutient que les plus grandes découvertes n'ont pas été faites par des gens qui cherchaient à résoudre des problèmes, mais de façon inattendue, par sérendipité.
« Notre moteur, c'est avant tout la curiosité ! » ; « Ce sont les différentes approches culturelles qui font avancer la science. » ; « Je veux voir de la lumière dans les yeux des chercheurs ». « Israël a démontré qu’il pouvait regarder vers le futur et construire quelque chose basé sur l’espoir, et non l’extermination, le malheur et la douleur. »
Amos Gitai, cinéaste israélien, réalisateur, artiste engagé. L’œuvre de Amos Gitaï compte près de quatre-vingt-dix titres. Élu professeur à la chaire de « Création artistique » du Collège de France, il a donné une série de neuf leçons sur le cinéma (octobre-décembre 2018), suivies d'un colloque en juin 2019.
Ses films sont surdéterminés par ses origines familiales, la génération à laquelle il appartient (la première après la fondation de l’État d’Israël), ses études d’architecture, son expérience de la guerre de Kippour, la réalisation de House et ses effets suite à son interdiction en Israël, la controverse suscitée par son film Journal de campagne, d’où son long exil en France, etc.
« On n’a pas le choix, il faut rester optimiste malgré ce que l’on sait. Il faut injecter l’espoir dans le réel. » « Mon cher pays, que j’aime beaucoup, ne va pas très bien. Lui manque, en particulier, une figure politique qui aurait le courage, je dirais même l’optimisme, en dépit de tout ce qui se passe au Proche-Orient, d’avancer, de tendre la main, de créer un dialogue dans ce monde impossible. Cette absence d’un personnage visionnaire est dramatique. Dans ce contexte, que puis-je faire ? Je ne suis pas un homme politique. J’ai une formation d’architecte et je suis cinéaste. Alors, je me suis souvenu de ce que m’avait dit un jour Jeanne Moreau : « Tout nouveau projet est pour moi l’occasion d’apprendre certaines choses que je ne sais pas encore. » J’ai donc décidé de faire ce film. C’était l’occasion de poser une question à la société israélienne » (Le Monde, 9 septembre 2015).
Avraham Yehoshua, romancier israélien, il a écrit de nombreux romans et est considéré comme l'un des plus brillants auteurs contemporains en Israël. Auteur engagé, il s’est exprimé en faveur du processus de paix israélo-palestinien et a participé à l'initiative de Genève. Après avoir soutenu la solution de deux états, il pense aujourd'hui que la solution passe par un État binational.
Depuis son premier roman en 1975, Trois jours et un enfant, jusqu’à Tunnel en 2019, l’écrivain n’a cessé de revenir sur l’importance de l’histoire et de la mémoire, mais aussi sur les vertus de l’oubli. Il a remporté le prix Bialik et le prix Israël, ainsi que le Los Angeles Times Book Prize en 2006. Il a reçu le prix Médicis étranger 2012 pour son roman Rétrospective paru aux Éditions Grasset.
« Je pense que la vie privée n’est jamais tout à fait isolée de la vie publique. La question de
l’identité nationale, les conflits, tout cela se mélange en nous jusque dans les aspects les plus personnels de notre existence [...] Le contexte leur donne du relief ».
Christina von Braun, professeure des sciences culturelles à la Humboldt Universität zu Berlin, théoricienne des questions de genre, auteure et réalisatrice. Elle a produit et publié plus de cinquante films, vingt livres et de nombreux articles et essais portant sur l’histoire culturelle, la religion, le genre, la modernité, la laïcisation et l'histoire de l'antisémitisme.
En 2012, elle a été co-fondatrice et première directrice du centre d’études juives (Zentrum Jüdische Studien) Berlin-Brandenburg. Vice-présidente du Goethe-Institut depuis 2008, membre du comité consultatif de l’Université psychanalytique internationale de Berlin, elle a reçu en 2013, le prix Sigmund Freud de la culture de l'Association psychanalytique allemande (DPV) et de la Société psychanalytique allemande (DPG) pour son œuvre en tant que chercheur exceptionnel.
Rav Daniel Epstein, docteur en philosophie, écrivain, talmudiste et rabbin, Professeur à l’Institut Universitaire Elie Wiesel, à l’Institut Psychanalytique de Tel-Aviv, et au Collège Matan de Jérusalem. Spécialiste de Levinas dont il a traduit en hébreu les deux volumes des Lectures talmudiques. Participe depuis plusieurs décennies à l’émission du Rabbin Josy Eisenberg : « La source de vie », et plus récemment au programme du site Akadem. Est intervenu dans plusieurs congrès psychanalytiques en tant que représentant de la pensée et de l’éthique juive.
Eli Barnavi, historien, essayiste, chroniqueur, diplomate israélien (ambassadeur d’Israël en France en 2000-2002), professeur émérite d’histoire de l’Occident moderne à l’Université de Tel-Aviv. Il est membre des Rencontres internationales d’Avignon sur la Culture et du Conseil international du Musée international de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, et Conseiller scientifique auprès du Musée de l’Europe à Bruxelles.
Il a aussi été Directeur d’études à l’Institut de Défense nationale, membre du mouvement La paix maintenant. En novembre 2014, dans une lettre cosignée par 660 figures publiques israéliennes, il appelle les parlementaires européens à reconnaître immédiatement l'État palestinien.
Il travaille au développement du grand projet européen d’exposition relative aux relations entre l’Europe et la civilisation musulmane au fil des siècles. Élie Barnavi est titulaire de plusieurs prix, dont le Grand prix de la Francophonie de l’Académie française, reçu en 2007 pour l’ensemble de son œuvre, le prix Aujourd'hui pour Les religions meurtrières, et le prix Montaigne pour L’Europe frigide. Réflexions sur un projet inachevé.
Deux de nos invités sont des psychanalystes de la SPP et de la SPI, Julia Kristeva (philologue, psychanalyste SPP, écrivaine) et Yolanda Gampel (psychanalyste SPI, Professeure de psychologie clinique). Nous profiterons de leur présence et de leurs réflexions pour échanger en large groupe à propos des incidences du contexte de guerre sur la psychanalyse et sa pratique en Israël.
Inscription en ligne http://colloques.societe-psychanalytique-de-paris.net
NOTES :
- Les intervenants qui ne sont pas membre d’une Société Psychanalytique sont nos invités. Suivant une tradition ancienne du Congrès, afin de maintenir aussi bas que possible le prix de l’inscription, notamment celle des analystes en formation, rappelons que tous les autres participants règlent leur inscription au Congrès, à l’exception des rapporteurs et des secrétaires scientifiques.
Éloge de l'incertitude.

Incertitude pandémique
Ne pas savoir de quoi demain sera fait. Ou bien, apprendre à l'occasion de circonstances inhabituelles et dramatiques, qu'en réalité on ne le sait jamais, mais qu'on l'oublie, comme on oublie la plupart du temps qu'on est mortel … alors que c'est la seule certitude dont nous disposons. Nous sommes nés un...
Tribune : Emprise idéologique sur le corps des enfants

Associées à l'Observatoire des discours idéologiques sur l'enfant et l'adolescent, collectif de professionnels de l'enfance et de chercheurs (médecins, psychiatres, psychanalystes, juristes,...
Transexualisme et bisexualité psychique : tribunes et chuchotements

Le 1er avril 2021 (sans doute pas un poisson d’avril), le...