« L’interprétation du rêve est la via regia menant à la connaissance de l’inconscient dans la vie d’âme. » La via regia c’est la voix royale qui mène à Rome. Plus précisément à la Rome imaginaire de Freud, celle d’une archéologie de rêve qu’il décrit en ouverture au Malaise dans la culture : « Faisons l’hypothèse fantastique que Rome n’est pas un lieu d’habitations humaines, mais un être psychique qui a un passé pareillement long et riche en substance et dans lequel rien de ce qui s’est produit n’a disparu... à l’emplacement du Palazzo Cafarelli se dresserait de nouveau, sans qu’on est besoin de raser cet édifice, le temple de Jupiter Capitolin... » Le rêve ignore moins le temps que le découpage de celui-ci, tous les passés, tous les présents, toutes les promesses réunis par la vie onirique en un même espace-plan. Et le transfert n’est pas loin de faire de même. Plus encore que d’être un objet privilégié pour la psychanalyse, le rêve en inspire la méthode et en modèle le dispositif.
Ce rêve fondateur de Freud, celui de la Traumdeutung, ne s’est pas brisé, il s’est compliqué, voire déformé. À quoi travaille le rêve ? À déguiser un désir aussi inconscient qu’infantile afin de lui permettre de trouver le chemin vers la surface, fut-elle nocturne ? Ou à traiter, transformer un trauma passé ou actuel, sinon pour le « guérir », au moins pour en diminuer la force de destruction et l’implacable répétition ? Accomplir un désir ou prendre soin ? Ouverte par Freud (on peut rêver au-delà du principe de plaisir), la question n’a pas pris une ride. La voie royale du rêve mène toujours à la démesure de la vie psychique, que la source puise au sexuel le plus inconciliable ou à la destructivité la plus obscure.
« Peut-être l’inconscient ne dort-il jamais... » Surtout pas la nuit.
« Toi, tu dors la nuit / Moi j’ai de l’insomnie / Je te vois dormir / Ça me fait souffrir / Lorsque tu dors je ne sais pas si tu m’aimes / T’es tout près mais si loin quand même... »
Jacques Prévert, réécrit et chanté par Mouloudji.
C’est sans conteste avec une grande subtilité que Jean François Chiantaretto nous invite à explorer ce qui est au cœur même de la relation analytique ; à savoir le rapport intime que l’analyste entretient avec lui-même au cours de la séance, non pas bien sûr par excès de zèle égocentrique mais pour développer son interlocution...
Archéologie : le mot est emphatique en l’occurrence, et il faut l’entendre ici comme l’activité de deux néophytes, archéologues en herbe qui, « sur le terrain » (au moins est-ce authentiquement le leur) rencontrent des objets de toutes sortes, des mélanges de pièces antiques et de fragments d’un « passé » immédiat. Mélanges,...
« L’époque est sombre. Ce n’est heureusement pas mon devoir de l’éclairer. » Ces mots adressés par Freud à Arnold Zweig datent de mai 1935, quelques années, donc, après avoir écrit "Psychologie des masses et analyse du moi", "L’avenir d’une illusion", "Malaise dans la culture et Pourquoi la guerre ?". Autant dire qu’il...
Article de : Editorial de Jacques André
La vie rêvée (Janvier 2021) - Numéro 5 de la revue Présent de la psychanalyse de l'APF

La vie rêvée - Présent de la psychanalyse n°5
Publié le 16/01/21« L’interprétation du rêve est la via regia menant à la connaissance de l’inconscient dans la vie d’âme. » La via regia c’est la voix royale qui mène à Rome. Plus précisément à la Rome imaginaire de Freud, celle d’une archéologie de rêve qu’il décrit en ouverture au Malaise dans la culture : « Faisons l’hypothèse fantastique que Rome n’est pas un lieu d’habitations humaines, mais un être psychique qui a un passé pareillement long et riche en substance et dans lequel rien de ce qui s’est produit n’a disparu... à l’emplacement du Palazzo Cafarelli se dresserait de nouveau, sans qu’on est besoin de raser cet édifice, le temple de Jupiter Capitolin... » Le rêve ignore moins le temps que le découpage de celui-ci, tous les passés, tous les présents, toutes les promesses réunis par la vie onirique en un même espace-plan. Et le transfert n’est pas loin de faire de même. Plus encore que d’être un objet privilégié pour la psychanalyse, le rêve en inspire la méthode et en modèle le dispositif.
Ce rêve fondateur de Freud, celui de la Traumdeutung, ne s’est pas brisé, il s’est compliqué, voire déformé. À quoi travaille le rêve ? À déguiser un désir aussi inconscient qu’infantile afin de lui permettre de trouver le chemin vers la surface, fut-elle nocturne ? Ou à traiter, transformer un trauma passé ou actuel, sinon pour le « guérir », au moins pour en diminuer la force de destruction et l’implacable répétition ? Accomplir un désir ou prendre soin ? Ouverte par Freud (on peut rêver au-delà du principe de plaisir), la question n’a pas pris une ride. La voie royale du rêve mène toujours à la démesure de la vie psychique, que la source puise au sexuel le plus inconciliable ou à la destructivité la plus obscure.
« Peut-être l’inconscient ne dort-il jamais... » Surtout pas la nuit.
« Toi, tu dors la nuit / Moi j’ai de l’insomnie / Je te vois dormir / Ça me fait souffrir / Lorsque tu dors je ne sais pas si tu m’aimes / T’es tout près mais si loin quand même... »
Jacques Prévert, réécrit et chanté par Mouloudji.
"La perte de soi" de Jean François Chiantaretto

La technique analytique - Une archéologie

Editorial Présent de la psychanalyse n°7
