Œdipe Parricide de Marcos Malavia – 6 au 24 Mars 2018

Explo­ra­tion des racines psy­chiques de la folie cri­mi­nelle qui embrase les soifs de pou­voir tota­li­taire, les géno­cides, les dési­rs d’extermination, ŒDIPE PARRICIDE de Mar­cos Mal­avia revi­site les deux tra­gé­dies de Sophocle, Œdipe-Roi et Œdipe à Colone, fai­sant coha­bi­ter les dif­fé­rents âges d’Œdipe. La tombe du père, au centre de la scène, est une force cen­tri­pète fai­sant émer­ger la véri­té devant Œdipe-Can­dide, dévo­rant l’âme d’Œdipe-Roi et condui­sant vers la lumière Œdipe-Aveugle, vieil homme en quête de récon­ci­lia­tion avec son ancien rival, et avec lui-même. Dans ce monde apo­ca­lyp­tique des rivaux, avec son cor­tège de dic­ta­tures et de vio­lence, de gran­di­lo­quence ridi­cule et assas­sine, la méta­mor­phose de la rela­tion aux femmes, confi­nées d’abord au rang de vic­times, devient sou­dain la mince flamme d’espérance qui se lève du fond de cette arène tra­gique.

 « Œdipe par­ri­cide », un spec­tacle qui ne laisse pas neutre…

Ce qui marque, dans un pre­mier temps, c’est l’in­ten­si­té de la vio­lence, omni­pré­sente dans cette pièce, ce qui pour­rait ne guère lais­ser d’es­pace pour pen­ser. L’i­mage d’un navire, pro­je­tée pen­dant la créa­tion théâ­trale, attra­pant, de plein fouet, des vagues d’une vio­lence inouïe, pour­rait être une figu­ra­tion de ce qui est d’a­bord éprou­vé, face au jeu des acteurs.
Mais cette même vio­lence, per­met sans doute aus­si de remettre à sa juste place, l’in­ten­si­té des affects qui secouent l’en­fant en plein Œdipe et qui n’a rien à voir avec l’in­tel­lec­tua­li­sa­tion dou­ce­reuse et défen­sive accom­pa­gnant le dis­cours psy­cho­lo­gi­sant de ceux qui savent car ils ont lu tant de choses sur le sujet…

De ce point de vue, il est inté­res­sant de sou­li­gner les liens faits avec la folie cri­mi­nelle. Un Œdipe roi deve­nu Füh­rer, repré­sen­ta­tion du désir oedi­pien d’un enfant d’être ce dic­ta­teur à qui l’on voue un culte de la per­son­na­li­té, un enfant pris dans les rets d’en­jeux pul­sion­nels où l’ex­ter­mi­na­tion du parent rival haï devient la solu­tion finale fan­tas­ma­tique. Du fan­tasme à la réa­li­té, de l’i­ma­gi­naire à la vio­lence réel­le­ment agie, le vacille­ment ter­rifiant et pos­sible vers la folie meur­trière rat­trape le spec­ta­teur, réveillant l’en­fant en lui, comme dans un cau­che­mar, effrac­tion interne de la période dite oedi­pienne.

L’al­ter­nance des deux autres « médiums », ( pro­jec­tions d’ex­traits de films, chants) vient tour à tour figu­rer ou per­mettre d’en­tendre ce qui est par­fois diffi­cile à se repré­sen­ter par trop de vio­lence, sidé­rant les capa­ci­tés psy­chiques de liai­son. Ces deux médiums donnent, en contre­point, de quoi pen­ser et s’in­ter­ro­ger sur les des­tins d’une vio­lence subie ( navire secoué lors d’une vio­lente traversée/tempête en mer/mère, tel un tout petit pen­dant l’é­preuve de sa nais­sance, sadisme de la cor­ri­da et retour­ne­ment de la vio­lence sur Soi, délé­ga­tion de sa propre vio­lence à un leader/ fürher…chant énig­ma­tique mais uni­ver­sel où les mots broyés et déman­ti­bu­lés ren­voient à un ori­gi­naire mélan­co­lique.)

Un regret sur le jeu des acteurs, quoique talen­tueux, peut-être tou­jours un peu dans le même registre plu­tôt psy­cho­pathe. Comme si Œdipe can­dide, Œdipe roi et Œdipe aveugle ne semblai(en)t pas avoir beau­coup évo­lué et étai(en)t tou­jours agi(s) par ce pul­sion­nel qui le(s) déborde et s’en­raye dans une com­pul­sion de répé­ti­tion déses­pé­rante, sans trou­ver d’is­sue de trans­for­ma­tion. Les deux médiums sus cités sont peut être alors là comme une alter­na­tive pour ten­ter de trans­for­mer cette impen­sable vio­lence.

Magnifique voix que celle de Jocaste, venant pan­ser par sa mélo­pée, la déchi­rure de la révé­la­tion de l’i­den­ti­té d’Œ­dipe.
Voi­là très briè­ve­ment, quelques frag­ments de ce qui nous a par­ti­cu­liè­re­ment tou­chées, lors de ce spec­tacle, le thème de la vio­lence scan­dant sur­tout nos sou­ve­nirs de cette créa­tion « Œdipe par­ri­cide ».

Hélène d’A­vout,
Muriel Sou­lié,
Jolan­ta Tijus Gla­zews­ki
Psy­cha­na­lystes membres SPRF