« Tonnerre » est le premier long-métrage de Guillaume Brac. Un musicien revient habiter quelques temps dans la maison de son père. Il y rencontre une jeune fille avec laquelle il vit une passion orageuse, qui aurait pu finir mal. Mais c’est aussi l’occasion pour Maxime, le personnage principal joué par Vincent Macaigne, de revisiter ses liens familiaux et de s’immerger dans la vie de la petite ville de Tonnerre. Ce film entremêle avec virtuosité le dramatique et la paradoxale intensité que revêtent alors les scènes du quotidien, touchant ainsi au plus intime de l’expérience humaine.
Voici quelques extraits des réponses de Guillaume Brac, soumis à la question des psychanalystes lors de la projection dans le cadre des Rencontres Cinéma et Psychanalyse…
« Le personnage principal, Maxime, parle peu… »
– « Je me suis aperçu que tous les personnages du film ont un rapport très particulier au langage et à la parole.
Et il se trouve que le personnage principal interprété par Vincent Macaigne peut avoir tendance à répéter plusieurs fois les mots, les phrases, à buter, à ne pas avoir une parole très limpide et très claire et là, quand même, il y avait le désir d’être assez précis, de gommer pas mal de choses dans son jeu mais ce qui reste est très contenu, très retenu, et une difficulté à sortir les choses. (…).
Mais ce que j’aime c’est justement le côté très vivant de cette parole, parce que moi ce qui me frappe souvent au cinéma, c’est qu’il y a une parole assez normée parce que les comédiens sont quand même pour la plupart, je ne parle pas de Woody Allen, ou de quelques-uns, mais la plupart sont des gens qui s’expriment très bien, très clairement et je me rends compte que dans mes films, j’aime que la manière de parler soit vivante, soit heurtée, empêchée, qu’il y ait quelque chose qui soit plus proche de ce qu’on peut entendre dans la vie. »
De la présence d’un personnage tiers :
– « Il y a quelques scènes où on voit le père et le fils partager une sorte de complicité, la scène des anoraks par exemple. C’est pas un hasard s’ils rigolent, s’ils partagent cette légèreté là en présence d’un tiers féminin et d’ailleurs pendant le repas, un des seuls moments où le personnage de Maxime se raconte devant son père, le repas où il y a aussi l’amie du père, là on voit Maxime raconter un souvenir d’adolescence, et c’est certainement la présence de ces 2 femmes qui permet ça. C’est comme si le face à face était quand même un peu compliqué et que le chien au début et puis après les femmes le permettaient. »
- « Une chose qui m’intéressait, et on en avait parlé avec mon monteur pendant le montage, était qu’on puisse avoir le sentiment que tout est possible tout le temps, y compris le pire d’ailleurs, et qu’à un moment, il n’y ait plus de limites vraiment. »
« Il est très peu question de morale, le film ne juge, je pense, aucun des personnages, enfin les personnages se jugent à certains moments dans le film, mais quand le film se termine, je pense qu’on n’est plus dans le jugement. »
« Ce qui m’intéressait, c’était d’avoir un personnage de père qui soit faillible, qui ait lui-même raté des choses, (…) enfin un modèle à l’envers en quelque sorte mais c’est aussi le fait que le père ait raté des choses dans sa vie qui permet à ce fils et à ce père de se parler et de se comprendre. »
Et l’Inconscient derrière tout ça ?
– « C’est comme si Maxime pouvait toucher comme ça des doigts le bonheur et que ce bonheur lui était retiré à chaque fois. »
« La neige n’est pas un hasard, c’est évidemment à la fois un élément incontrôlable pendant un tournage, mais c’était quelque chose qui était très important pour moi, je tenais absolument à tourner le film au cœur de l’hiver, je savais que la neige allait apporter quelque chose si elle tombait.
La mort traverse tout le film, ces branches prises dans la neige, dans le givre, il y a une sorte de royaume des morts, enfin c’est assez étrange, c’est comme si on allait les rechercher là-bas en fait, après je vais devenir un peu lyrique mais dans un sens, c’est un peu le tombeau de cette passion, et heureusement en fait, comme on se disait avec ma scénariste, heureusement que les gendarmes arrivent parce que leur histoire est morte. Et finalement, il y a comme ce dernier moment suspendu comme ça où ils peuvent partager de nouveau quelque chose mais c’est une impasse et ils ne peuvent pas aller plus loin. »
« J’ai eu enfant une éducation catholique, et puis à un moment donné, je me suis éloigné de ça, et finalement je pense que ça revient différemment dans mes films, il y a toujours cette dimension des personnages qui se sauvent. Et cette petite chapelle qui apparaît au début, où il n’y a plus de rites, ou alors des rites étranges, des rites païens, ce qui m’intéressait c’était que pendant quelques instants, ça soit presque comme une cérémonie de mariage, que les deux personnages soient devant l’autel comme ça et puis juste après, le baiser a lieu dans l’ancienne prison de Tonnerre, dans un cachot qui les enferme. Du coup il y a les 2 dimensions d’un amour : une sorte de pacte, de mariage, et puis aussitôt après, un pacte de possession, d’enfermement. »
- « Dans ce film comme dans mon précédent, il y a la possibilité d’une bonté chez les hommes, même si ça fait suite à beaucoup d’égoïsme, beaucoup de violence, et indépendamment des lois, il reste quelque chose sur lequel s’appuyer, un postulat de bonté malgré tout. »
- « J’ai un rapport au sérieux et à la gravité assez particulier qui fait que je ne supporte pas quand les choses s’installent trop durablement dans la gravité et j’aime du coup ce genre de rupture, de contraste comique qui fait qu’il puisse y avoir souvent des ruptures de ton et qu’on ne sache pas trop sur quel pied danser au niveau des émotions, des ressentis. »
Merci d’avoir joué le jeu et répondu aussi généreusement à nos questions !