La psychanalyse du couple et de la famille, pour quoi faire ?

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L’expérience vécue au sein de la famille est une expé­rience fon­da­trice. N’entend-t-on pas sou­vent dire que dans la vie les his­toires se répètent ? Les émo­tions et les affects qui sont res­sen­tis dans l’enfance consti­tuent en effet la toile de fond de toute construc­tion psy­chique.
Inves­tis­se­ments de la part de l’environnement – plus ou moins ambi­va­lents – séduc­tions et limi­ta­tions, seront ain­si la source même de nos futurs inves­tis­se­ments d’objets, et l’origine de la façon par­ti­cu­lière dont cha­cun pour­ra se trou­ver inves­ti à son tour dans sa vie d’adulte. Les forces qui opèrent auront non seule­ment des réper­cu­tions sur ce que l’on devient, mais aus­si sur la construc­tion du couple et d’une famille lorsque le temps sera venu.   – Qu’est-ce que la psy­cha­na­lyse de couple et de famille ?
C’est une méthode de trai­te­ment par le lan­gage et par l’écoute, qui a pour objec­tif d’appréhender les pro­blèmes nés des dys­fonc­tion­ne­ments fami­liaux, et ce fai­sant de réta­blir une meilleure com­mu­ni­ca­tion entre ses membres. Ins­pi­rée de la psy­cha­na­lyse des groupes et de l’anthropologie de la paren­té, sa visée est un chan­ge­ment de fonc­tion­ne­ment men­tal du couple ou de la famille consi­dé­rés alors comme un groupe, c’est-à-dire doté d’un fonc­tion­ne­ment psy­chique propre. La par­ti­cu­la­ri­té de ce groupe est d’être consti­tué de per­sonnes qui ont des liens de paren­té ou d’alliance entre elles.   – Quel est dans ce cas par­ti­cu­lier, le rôle du psy­cha­na­lyste ?
Son rôle va jus­te­ment être d’aider ce groupe à sur­mon­ter ses dif­fi­cul­tés en abor­dant non seule­ment les sources du conflit grou­pal, mais aus­si les défenses mises en place, les fan­tasmes et affects com­muns, ain­si que la place de cha­cun de ses membres. La thé­ra­pie en couple ou en famille por­te­ra sur l’analyse des liens que les dif­fé­rents membres ont construits entre eux. Ce tra­vail implique donc pour le psy­cha­na­lyste de se décen­trer du conflit intra­psy­chique de cha­cun pour écou­ter ce qu’il en est du lien inter­sub­jec­tif et de la moda­li­té rela­tion­nelle par lequel il s’exprime. Une atten­tion par­ti­cu­lière est ain­si por­tée au trans­fert grou­pal et au contre-trans­fert sur le ou les thé­ra­peutes, trans­fert qui sera mis à jour et éla­bo­ré en com­mun.
En aucun cas le psy­cha­na­lyste ne peut inter­ve­nir dans la réa­li­té ou dis­pen­ser des conseils.
En aucun cas il ne pren­dra par­ti dans le conflit appa­rent qui se rejoue devant lui.
Pour les couples, cette ana­lyse ouvre sur la ques­tion du sens du choix amou­reux et des cir­cons­tances de ce choix. Elle passe par la com­pré­hen­sion des symp­tômes ame­nés sous forme de reproches, de plaintes, et leur inté­gra­tion dans l’économie psy­chique du couple et des conjoints, afin que ceux-ci puissent soit conti­nuer ensemble, soit se sépa­rer à moindre risque psy­chique pour cha­cun d’eux.
En ce qui concerne les familles, il s’agira de leur per­mettre de retrou­ver leurs fonc­tions posi­tives en déjouant et en ana­ly­sant les manœuvres patho­gènes incons­cientes mises en place pour des motifs sou­vent mul­ti­fac­to­riels. Par fonc­tion posi­tive, on entend géné­ra­le­ment celles de dis­pen­ser l’amour, de conte­nir la souf­france psy­chique, et de pen­ser les vécus et les évè­ne­ments afin qu’ils puissent être trans­for­més et inté­grés dans une chaine de sens à la fois fami­liale et indi­vi­duelle.   – Quelles sont les indi­ca­tions pour une psy­cha­na­lyse de couple ou de famille ?
Les motifs de la thé­ra­pie fami­liale ou de couple sont nom­breux, mais la souf­france trai­tée est tou­jours une souf­france grou­pale, même si bien sou­vent le couple ou la famille consulte pour un de ses membres, le « malade dési­gné », c’est-à-dire celui dont le com­por­te­ment est l’origine appa­rente de la souf­france du groupe. En défi­ni­tive, il s’avère être le plus sou­vent le « symp­tôme » d’un malaise col­lec­tif qui affecte le groupe tout entier ; tel ado­les­cent fait des fugues, se désco­la­rise, s’adonne à la drogue ou pré­sente des pro­blèmes ali­men­taires, tel conjoint s’alcoolise ou a des rela­tions extra-conju­gales etc. En atta­quant les capa­ci­tés fonc­tion­nelles posi­tives de la famille ou du couple, cette souf­france rend la vie com­mune dou­lou­reuse, par­fois même vio­lente, et entrave la com­mu­ni­ca­tion entre ses membres. Elle limite aus­si les pro­ces­sus de matu­ra­tion de cha­cun, et notam­ment des enfants. Des parents peuvent aus­si consul­ter car ils sont en dif­fi­cul­té édu­ca­tive et se sentent en faillite au niveau de l’exercice de l’autorité.   – Com­ment ça se passe ?
Après quelques entre­tiens pré­li­mi­naires, le groupe qui consulte est convié à des séances régu­lières. Le pro­to­cole thé­ra­peu­tique recom­mande, pour les couples, la venue des deux per­sonnes qui le com­posent, et pour les familles que tous les membres du groupe-famille soient pré­sents aux séances, ou au moins un repré­sen­tant de chaque géné­ra­tion lorsque la venue de tous n’est tem­po­rai­re­ment pas pos­sible. Une res­ti­tu­tion de ce qui s’est pas­sé est faite quand un membre a été absent ou lorsque l’un d’eux a com­mu­ni­qué un mes­sage en dehors des séances.
Les séances durent de une heure à une heure et demi à rai­son d’une fois par semaine à une fois par mois.
Les consignes don­nées ouvrent la pos­si­bi­li­té pour cha­cun de dire, mais aus­si de gar­der pour soi ce que l’on désire ne pas com­mu­ni­quer. Les enfants sont invi­tés à des­si­ner s’ils le sou­haitent, et leurs pro­duc­tions sont consi­dé­rées comme du maté­riel thé­ra­peu­tique au même titre que les paroles échan­gées.
Même si les symp­tômes cèdent sou­vent dans les pre­miers mois de ren­contre avec un ana­lyste, la durée de la thé­ra­pie est variable en fonc­tion des résis­tances de chaque groupe qui consulte et de la pro­fon­deur du conflit incons­cient à l’origine des troubles.

Emma­nuelle Sar­fa­ti, Psy­cha­na­lyste