Cette conférence a été donnée dans le cadre de la Conférence annuelle de recherche de la Société britannique, Londres, mercredi 2 décembre 2020.
Elle a pour sous titre : « TRANSPOSER, CHERCHER, TROUVER, RÊVER, RECHERCHER, DÉCOUVRIR, PARTAGER… OFFRIR AU DESTIN »
Vous trouverez la version en anglais à la suite de la version française, ici.
Je vous remercie pour votre invitation qui m’honore. Je remercie Brian O’Neill et tous les membres de la Commission scientifique, ainsi que Rosine Perelberg, votre présidente, avec laquelle j’entretiens des liens amicaux et de travail depuis de nombreuses années. La semaine dernière encore nous avons animer ensemble un webinaire, en français !
Mon regret porte sur le fait de devoir vous parler depuis la France ; je suis privé d’être à Londres en votre compagnie. J’en profite pour souligner que le travail de la pensée à distance est certainement excellent du point de vue des représentations et des émotions mais qu’il lui manque cette autre part de la pensée qui prend en compte la perception sensorielle. D’où parfois au cours des séances à distance une intense activité psychique, voire même un appel au régime hallucinatoire pour fournir des matériaux en « identité de perception » afin de répondre au manque à percevoir. Le tangible nous manque.
Je crains que cette solution à distance attire encore plus votre attention sur les défauts majeurs de ma prononciation et mes difficultés à quitter ma langue maternelle au profit de la vôtre. Une consolation consisterait à insister sur le « charming French accent » et sur le fait que c’est mon maternel qui ne veut pas me lâcher. Maigre consolation !
Mais savoir que vous pouvez lire mon texte tout en m’écoutant, me fait espérer en votre indulgence. Je vous en remercie.
Cette épreuve à laquelle vous me soumettez ce soir et à laquelle je me prête volontiers illustre bien ce dont je souhaite vous parler. Exposer sa pensée à d’autres, d’autant plus quand ils sont bienveillants, c’est prendre le risque de ressentir des éprouvés de manque sans lesquels il n’y aurait aucun progrès. La célèbre pulsion de perfectionnement, récusée par Freud en tant que telle, trouve certainement ici ses origines. M’adresser à vous en anglais et à distance exacerbe ainsi plus qu’à l’accoutumée les éprouvés de manque avec leur arrière fond traumatique. J’aurais pu ne pas accepter votre invitation. Mais nous savons comment l’auto-inhibition est une culture de l’auto-idéalisation. A l’opposé, présenter sa pensée à d’autres c’est se soumettre à l’épreuve du manque et rendre possible une progression. Une recherche ne se finalise que par sa publication et l’épreuve du partage et de son destin groupal. Il en est de même pour la théorie. Freud, puis Bion, nous ont appris qu’une théorie doit être poussée jusqu’à ses limites, jusqu’à ce qu’elle succombe à une épreuve de réalité, jusqu’à ce qu’elle devienne elle-même manquante et laisse la place à une autre. Accepter d’éprouver les affects de manque est à la base de toute évolution tant personnelle que scientifique. Je reviendrai sur le lien entre ces éprouvés, le fait de chercher et son destin en tant que recherche.
La situation sanitaire internationale nous confronte actuellement, d’une façon quasi expérimentale, à de tels éprouvés en lien direct avec l’état traumatique provoqué par le Coronavirus et par le bris du déni des pandémies dans lequel nos pays occidentaux riches vivaient. La dernière pandémie prise en compte en occident est devenue mythique, il s’agit de la grippe espagnole entre 1917 et 1920. Les autres épidémies sont passées inaperçues, aussi bien en 1957 qu’en 1969, ou bien ont été considérées comme des maladies relevant d’autres continents. Cette situation pourrait faciliter un trompe l’œil dans la mesure où les éprouvés de manque et les vécus traumatiques sont immédiatement attribués à une cause externe objectivable. Le manque à savoir à propos du virus et le manque à guérir la maladie ont suscité de colossaux travaux de recherche. Ainsi le contexte actuel se trouve-t-il en adéquation avec notre thème, la recherche, avec ses sources et le mouvement psychique qui consiste à chercher et qui est à l’origine de ce que nous appelons « la recherche ». Les circonstances actuelles ont suscité une grande quantité d’écrits, de travaux, de recherches dans tous les domaines, psychanalytique aussi, puisque de nombreux écrits, articles, forums et livres ont été publiés ou vont l’être, produits par de nombreux psychanalystes du monde entier. Personnellement, je me suis plus particulièrement attaché à penser les modifications que cette situation a engendré dans notre pratique, mais surtout à penser l’effet de réverbération qu’elle a sur certains aspects de notre pratique habituelle, en particulier le rôle du couple perception-représentation au sein des séances, couple passant habituellement inaperçu et qui reste en silence dans le cadre. Cette piste permet de mieux aborder une question d’actualité dans le champ psychanalytique, celle des analyses à distance (remote analysis) comparée aux analyses en présence. La question du rôle mais aussi de la fonction de la perception sensorielle directe de l’autre par sa présence corporelle, n’est pas anodine, avec l’écart entre cette perception sensorielle et sa représentation. La perception sensorielle exige de la vie mentale des fonctionnements différents de ceux utilisés lors des analyses à distance, qui elles convoquent et développent surtout les autoérotismes psychiques. Il n’est donc pas possible d’affirmer qu’une analyse faite à distance est équivalente à une analyse en présence. Ceci ouvre un pan de recherche sur la perception, sur le fait qu’il y a au niveau de la perception quelque chose qui ne peut pas être abordé par les représentations et les émotions et qui exige la production de la pensée. Cet écart perception – représentation-émotion ne peut pas être supprimé par la création hallucinatoire des identités de perception. Par contre, grâce à l’identité de perception, le travail de rêve parvient à saturer la perception interne ce qui permet le repos du sommeil ; d’où la conviction du rêveur qu’il n’y a qu’un monde, celui du rêve. Représentation et perception ne font qu’un durant le temps du rêve grâce à l’identité de perception. Mais nous nous réveillons.
Je ne suivrai donc pas cette simplification que la situation actuelle nous propose, mais m’orienterai vers ce qui initie la recherche, le besoin de chercher tel qu’il apparait pour des raisons internes au psychisme sans qu’il soit forcément induit par un agent externe traumatique.
Mon propos place les éprouvés de manque et ceux sous-jacents traumatiques à l’origine d’un premier temps qui consiste à chercher, et qui pourra devenir dans un second temps, une activité de recherche. Le « re » du français trouve ici sa justification. En Anglais vous utilisez deux mots : to seek et to research ; plus proche du français seraient, to search et to research.
Les situations dites traumatiques, objectivables et externes au chercheur, entrent en corrélation avec ses éprouvés de manque d’origine endogène. La source est du côté de ces éprouvés qui sont plus ou moins fortement éveillés par les circonstances externes, telles que les absences, destructions, pertes, disparitions.
Vous connaissez tous la célèbre scénette des deux Clowns. Sur la scène, se tient Auguste. Il tourne en rond dans le faisceau des projecteurs ; il semble chercher, peut-être quelque chose. Le clown blanc arrive, l’observe et lui demande ce qu’il fait. Auguste répond qu’il cherche ; « quoi » lui demande l’autre ; « ma montre » (le signifiant montre n’est pas indifférent ni en français, ni en anglais). Le Clown blanc lui demande alors s’il est sûr de l’avoir perdue ici. « Non » répond Auguste. « Alors, pourquoi la cherches-tu ici » ; « Parce qu’il y a de la lumière » !
Cette historiette nous présente un homme qui cherche, la désignation d’un objet cherché censé être un objet perdu, le lieu de la recherche. Au-delà du conflit entre la lumière et l’obscurité se tient celui entre exister et disparaître au fondement de la phobie infantile du noir.
La montre s’avère être l’enfant lui-même ayant la phobie de disparaître dans le noir. Nous voici avec le For – Da, avec les phobies infantiles et le « jeu » qui consiste à créer ses propres processus de retenue anti-traumatiques, ceux qui seront nécessaires à la mise en place du travail psychique permettant de traiter mentalement les séparations et les deuils. Le sujet se cherche en recherchant ce qui le montre.
J’ai fait référence à plusieurs reprises à chercher, rechercher, théoriser, sans parler de science. Tous ces termes désignent des champs différents. Je privilégie ce soir le besoin de chercher, en fait la nécessité de chercher-trouver, afin de pouvoir fabriquer des théories causales qui relient les éprouvés traumatiques à des objets tangibles qui seront dès lors qualifiés de traumatiques. Ces théories fournissent des explications ayant pour fonction d’atténuer les éprouvés de menace et de disparition. Elles transforment les impressions floues de manque en un sentiment de manque de quelque chose, un quelque chose qui est censé faire cesser le manque, au moins le représenter et expliquer son avènement. La théorie du fantasme originaire de castration par le père est typique de ce besoin de théories explicatives.
Quand « trouver » n’a pas lieu, s’installe une compulsion de répétition à chercher. Quant à la focalisation sur un objet, elle peut donner lieu à une quête qui se tourne vers un objet idéal hors d’atteinte, hors représentation, imaginaire ; la quête du Graal et de la pierre philosophale.
Ces objets trouvés seront choisis pour des raisons qui peuvent donner lieu ensuite à une recherche, par exemple sur le choix d’objet, le choix de l’analyste par les patients, etc. L’acte de chercher, de trouver un objet ainsi élu et de théoriser une causalité entre les éprouvés et les objets choisis, fonde une retenue à partir de laquelle pourront se développer le psychisme et les divers investissements dont celle de la recherche. Tel est le rôle des théories sexuelles infantiles.
Le fait que cette recherche devienne scientifique exige une autre étape, une épreuve de réalité qui reste toujours énigmatique du point de vue du fonctionnement psychique. Toutes les solutions proposées par Freud ont été successivement jugées insuffisantes par lui-même. Cette épreuve se fait en plusieurs étapes qui sont à rectifier chaque fois que le contexte pris en compte s’enrichit d’un nouveau paramètre.
C’est ainsi que les éprouvés de manque vont créer un besoin de trouver quelque chose qui offre la possibilité de sortir de cet état ; ce besoin soutient le fait de le chercher, voir de le créer. Nous connaissons tous le mot de Picasso : « Je ne cherche pas, je trouve » soulignant bien l’urgence à trouver. Nous voici avec la série : chercher, trouver, créer. Ce qui est trouvé n’est pas encore une découverte, mais un élément de la réalité qui pourra donner lieu dans un second temps à une découverte. Cet élément participe d’abord à la fonction de retenue. Du point de vue de cette fonction anti traumatique du chercher-trouver, nous pouvons dire que toute découverte relève de la sérendipité, du hasard et de l’aléatoire, puisque ce qui est cherché à l’origine est de faire cesser le vécu traumatique.
Chercher, c’est donc avant tout répondre aux éprouvés traumatiques liée à l’angoisse de sa propre disparition, en cherchant ce qui pourrait permettre de résoudre cet effroi généralement dissimulé sous les vécus de manque.
Approchons ces éprouvés traumatiques. Dans un premier temps, Freud a associé les éprouvés de manque avec le refoulé. Il s’agissait pour lui de compléter l’amnésie infantile sur le modèle d’une table de Mendeleïev, mais aussi de retrouver par la régression les expériences du passé porteuses de la qualité traumatique, les perceptions de séduction sexuelle précoce, puis les manifestations trop précoces de la sexualité infantile. Dans sa conception suivante, la régression du rêve est censée permettre de retrouver un état narcissique absolu, celui du fantasme de retour au giron maternel et à la vie intra-utérine, la mère étant occupée à protéger son enfant de la sexualité, qui fait retour du dehors par le père sexuel. Dans les deux cas, le traumatique vient du sexuel, le manque étant dû au fait de ne pas arriver à refouler le sexuel ou à l’éliminer. Sans être fausses ces deux conceptions vont suivre une intériorisation de l’origine de la qualité traumatique. Celle-ci s’avère être une qualité interne à la pulsion, et non pas une sexualité infantile trop tôt éveillée à l’objectalité, ni une sexualité venant menacer un narcissisme absolu. Ce caractère inhérent à toute pulsion, c’est leur tendance régressive la plus élémentaire, leur tendance à faire un retour à un état antérieur jusqu’au sans-vie, jusqu’à l’inorganicité. Nous retrouvons les vécus d’effroi et de disparition, en tant qu’ils traduisent cette tendance première de toute pulsion qu’elle soit de vie ou de mort. Il s’agit d’une tendance extinctive que je dénomme la régressivité extinctive. C’est vis à vis de cette tendance que s’impose le besoin d’établir une retenue, et pour cela de chercher, de trouver et d’établir une théorie causale entre les vécus traumatiques et les objets perçus choisis. Cette retenue fonde le devenir psychique par un renoncement à l’extinction immédiate. Elle est à l’origine du désir et de la pensée qui se déploie sur un fond de masochisme premier produit par la tension de la retenue.
La recherche et la théorie sont donc des moyens pour répondre à cette tendance extinctive, à son urgence traumatique, d’où la conviction qui les accompagne. Celle-ci se reporte sur les théories et sur les découvertes au moment où elles sont faites, dans le but d’assurer une saturation de la conscience. Une nouvelle découverte est toujours vécue comme la pièce manquante, le maillon manquant. Le Euréka est cet effet de vérité auquel le chercheur adhère pour des raisons internes. C’est seulement dans un second temps que cet acte de retenue pourra devenir un souhait de savoir, une appétence ou plus simplement une curiosité envers les choses qui auront d’abord été trouvées par nécessité et utilisées à des fins anti traumatiques grâce au recours à la perception sensorielle.
Nous rencontrons ici les logiques des névroses traumatiques et leur tentative d’évoluer vers des solutions psychiques par le biais de l’accrochage à la perception de réalités tangibles pouvant donner lieu à des traces puis des contenus psychiques. Ces réalités sont perçues au moment où la qualité traumatique a été éprouvée. Freud les a nommées les réalités « voisines » (1937). Un lien de retenue s’établit alors entre cette qualité et les réalités voisines.
Ce n’est qu’en 1923 que Freud reconnaît cette fonction de la perception qui offre la possibilité d’établir un accrochage de retenue. Il écrit dans le moi et le ça, que « ce qui provenant de l’intérieur veut devenir conscient doit tenter de se transposer en perceptions externes » (OCFP XVI p.264–265). Il fait ainsi de la transposition le mécanisme de base du développement du psychisme et du devenir conscient ; mais aussi celui qui permet de créer les outils de la connaissance du monde externe. Vous avez tous en mémoire sa petite phrase de 1939 par laquelle il place la transposition à l’origine de la notion de spatialité. Je le cite : « La spatialité pourrait bien être la projection de l’extension de l’appareil psychique. Vraisemblablement aucune autre dérivation. Au lieu des conditions a priori de notre appareil psychique selon Kant. La psyché est étendue, n’en sait rien » (OCF.P XX, p. 320). La même logique peut être déployée avec la notion de temps par le biais de la discontinuité et de l’intermittence du psychisme qui n’en sait rien. Les qualités inconscientes du psychisme sont ainsi transposées sur la réalité extérieure. D’où la première appréhension animiste du monde par la création de métaphores. L’intériorisation de celles-ci et leur utilisation par les rêves permet de fabriquer les inscriptions psychiques. Ce trajet, né d’un besoin du psychisme de répondre aux éprouvés de manque traumatiques, est à la base d’une utilisation de la perception du monde externe et par ce biais d’une première aperception du monde. Ensuite sera faite la différenciation entre ce qui relève du monde externe et du psychisme. Les sciences s’inscrivent sur ce trajet psychique. Elles profitent de ce besoin du psychisme d’utiliser le monde externe. La connaissance du monde est un effet de surcroit, elle est une reconnaissance. Par contre, la reconnaissance de la réalité psychique nécessite de poursuivre ce cheminement. La psychanalyse est une science seconde par rapport à la connaissance de la réalité externe.
Pour accéder à la réalité du psychisme, il faut prendre en compte ce trajet lui-même. Il débute par une transposition initiale, puis une métaphorisation, puis le travail de rêve dont l’interprétation permet d’aboutir à la reconnaissance des souhaits inconscients et par déduction de l’attraction régressive des tendances extinctives.
Vous reconnaissez ici le trajet même réalisé par Freud. Chaque fois qu’il a pris en compte de nouveaux éléments de la clinique, il a rédigé un nouvel apport à sa doctrine du rêve, la Traumdeutung. Pour devenir une science, les réalités de ce trajet devront être prises elles-mêmes en tant qu’objets spécifiques et désignés au sein d’un corpus de concepts permettant d’en proposer une intelligibilité.
C’est ici que l’épistémologie psychanalytique se distingue de celle plus classique des sciences, en particulier du positivisme. La psychanalyse découvre au-delà de la positivité des contenus psychiques impliqués dans le fonctionnement psychique, au-delà de la positivité de la négativité de l’inconscient, une qualité pulsionnelle qui ne s’inscrit ni dans le positivisme ni dans la négativité positive, puisqu’elle tend au contraire à les faire disparaître.
Cette transposition sur des réalités extérieures grâce aux perceptions sensorielles, est un détour par l’autre et par le monde extérieur, le corps propre inclut. Dans ce cas la transposition se dénomme conversion, terme forgé par Freud. Ces transpositions permettent aussi l’utilisation de cet autre par identification (le Nebenmensch, les personnes auxquelles est conférée une autorité, l’analyste).
Ce détour est à l’origine de la découverte et de la reconnaissance du monde extérieur selon diverses modalités qui ne sont pas scientifiques à l’origine. La tendance extinctive va se transposer sur ce monde extérieur, sur le tangible qui donne lieu à des traces et des représentations, mais aussi sur des réalités non tangibles, les absences, pertes et disparitions qui ne peuvent donner lieu ni à des traces, ni à des représentations, ni à des ressentis et qui exigent une utilisation des contenus fabriqués à partir du tangible, contenus qui ne sont donc pas spécifiques des perceptions ne donnant pas lieu à des traces. Le fait que le processus de la pensée humaine soit en deux temps, reflète et prouve l’existence de réalités sans représentations (la trace manquante). Pour s’opposer aux tendances régressives extinctives, les contenus issus de la réalité tangible devront eux-mêmes suivre un trajet régressif et participer à un travail d’inscription de ces traces en inscriptions psychiques. Les contenus utilisés pour la retenue doivent être rêvés avant d’être disponibles pour reconnaître ensuite le monde en tant que tel. C’est alors, dans un second temps, après que le premier temps de retenue puis que l’entre deux temps du rêve ait été réalisés que peut se déployer une recherche sur ces objets du monde ayant été d’abord cherchés-trouvés puis rêvés et qui sont devenus des objets à découvrir, des objets de la recherche.
Le deuxième temps, plus ou moins libéré des nécessités psychiques, est un temps d’ouverture au monde et de découverte, de redécouverte et de reconnaissance. Le travail de recherche se fait donc en plusieurs temps : chercher un matériau permettant la mise en place d’une retenue, intérioriser ce matériel et l’utiliser par le rêve pour répondre aux tendances régressives extinctives, puis promouvoir le désir d’investir le monde, de le connaître, de l’apprécier, de le transformer et de le modifier par la création de nouveaux éléments faisant que le monde d’après n’est plus le monde d’avant.
Ce procès en deux temps, celui de l’après-coup, remplit dans un premier temps une fonction psychique de retenue, puis il héberge le travail de rêve qui fabrique les inscriptions psychiques, en particulier les représentations de chose, et enfin il élabore des contenus aptes à devenir conscients à partir desquels pourront se déployer tout ce que l’homme est capable de créer par plaisir, par curiosité, par soulagement, par évitement, par protection, par souhait d’organiser le monde et de répondre à ce qui demeure mystérieux ; d’où les arts, les religions, les idéologies, les sciences, les politiques et aussi les institutions. Tous ces champs de la culture gardent en eux le fait qu’ils ont été à l’origine des formations psychiques qui se sont déployées ensuite en tant que domaines spécifiques.
La psychanalyse a modifié l’épistémologie des sciences par l’introduction du rêve et de son interprétation, mais aussi par la prise en compte de la fonction du rêve et de la fonction de l’interprétation envers cette réalité élémentaire de toute pulsion de tendre à sa propre disparition, à son extinction. Pour la psychanalyse le trajet de la connaissance inclut un détour par des formations assurant d’abord la méconnaissance. Il ne s’agit pas seulement d’un manque à savoir, commun à toutes les sciences, mais de la nécessité de prendre en compte ces tendances extinctives et de leur faire subir une dissimulation avant de pouvoir déduire leur existence par une interprétation. Le savoir a aussi fonction de dénier cette part de la réalité qui devient une vérité inatteignable. La science n’est pas seulement un manque à savoir à combler, une suite d’erreurs à rectifier, c’est aussi un savoir à laquelle il manque la vérité. La connaissance suit un trajet de quête de la vérité à laquelle elle doit renoncer pour devenir un savoir.
De nombreux débats ont porté sur le fait de savoir si la psychanalyse est une science ou non, avec la tendance à vouloir forcer la psychanalyse afin qu’elle entre dans la définition classique des sciences. En fait, l’épistémologie psychanalytique inclut le rêve et l’interprétation ce qui devrait plutôt nous amener à faire évoluer la définition des sciences elle-même. Toute élaboration scientifique a donc deux faces ; une avancée dans le champ toujours incomplet de la connaissance et une formation psychique, une conception qui a pour fonction de tenter d’accomplir les souhaits de complétude et d’échapper voire de dénier l’existence de la qualité traumatique interne.
Vous ne serez donc pas étonnés si la création d’une structure dédiée à la recherche, ne peut que suivre la même dynamique que celle décrite précédemment, et être concernée par les deux faces du chercher et du rechercher. La matérialisation d’une telle structure remplit les différentes fonctions abordées ci-dessus et est aussi une mise en actes de conceptions concernant la recherche pouvant tout à la fois favoriser et limiter celle-ci.
Au sein de la Société Psychanalytique de Paris, quand j’étais président, j’ai encouragé et participé à la création d’un tel organe. Bien sûr la SPP a une Commission scientifique et un Conseil scientifique et technique. Mais leur fonction n’est pas d’être des lieux de recherche, mais d’évaluer celle-ci et de l’encourager au sein de la Société.
La Commission pour la recherche et le développement de la psychanalyse (la CRDP) est née à la suite de nombreux autres groupes plus ou moins formels qui avaient tous pour objet la recherche en psychanalyse sans être des lieux dédiés à celle-ci. Les termes qui désignent cette CRDP reprennent les premières lignes des statuts de la SPP. Ces groupes se sont déroulés à l’intérieur de l’institution mais sans que celle-ci ne leur accorde une reconnaissance particulière. Il n’y a eu aucune censure envers de telles initiatives mais une certaine ambivalence quant à leur accorder un statut spécifique, au nom du fait que tous les séminaires seraient des lieux de recherche. La SPP n’avait donc pas d’organe de recherche et de réflexion sur la recherche. Durant mes mandats s’est ainsi dessiné le projet de créer un tel lieu dont l’objet serait de chercher-rechercher, une commission permanente, ouverte et non hiérarchisée, qui s’occuperait spécifiquement de la recherche et du développement de la psychanalyse, qui initierait des recherches, les accueillerait et aurait une réflexion métapsychologique et épistémologique sur la recherche elle-même. Est ainsi née la CRDP. Actuellement cette activité est inscrite au programme mais pas dans les règlements de la SPP. Cette remarque en invite une autre. La recherche trouve ses sources dans une extra-territorialité par rapport au narcissisme, ce qui se reporte dans les institutions.
La CRDP a pris en compte ces éléments pour s’organiser. Elle est ouverte à tous les membres. Elle est composée de divers ateliers qui sont articulés à un espace de plénière. Celle-ci est le lieu de présentation, de partage et de confrontation des travaux effectués au sein des ateliers mais aussi de travaux plus individuels émanant de membres de la société, voire même de travaux émanant d’autres scientifiques ayant l’occasion de travailler avec des psychanalystes de la SPP. La CRDP consacre aussi régulièrement des plénières à une réflexion sur ce qui se déroule en son sein et sur les éventuels liens entre ce qui s’y déroule et sa mission, la recherche. Ces temps de réflexivité tentent de tenir compte du fait que comme toute autre organisme, elle contient depuis sa création des éléments dissimulés, des théories implicites portant sur la recherche, sur la théorie, sur la science, qui surdéterminent le travail qui s’y réalise, le nourrissent et le limitent.
La CRDP permet un jeu entre l’individuel et le collectif. Les ateliers se fondent autour d’un thème librement choisi par les personnes qui composent un atelier et qui se sont choisis librement. Ce travail en petites équipes non hiérarchisées favorise les saillances et les incises individuelles. Quant au collectif il se situe à plusieurs niveaux. Tout d’abord les plénières qui réunissent des collègues intéressés et critiques, ambivalents et bienveillants. Un autre niveau est celui de l’ensemble des membres qui connaissent l’existence de la CRDP mais qui sont soit indifférents soit hostiles soit favorables, mais qui souhaitent rester à l’écart. Enfin, évidemment, le champ culturel groupal et de masse, l’ouverture des travaux sur le monde extérieur par les diverses publications individuelles et collectives.
Ce jeu entre individuel et collectif n’est pas sans trouver des échos dans l’histoire des sciences avec les destins souvent surprenants de l’intégration par les pairs, de la diffusion, de la divulgation et de la vulgarisation de la science. Comment des découvertes scientifiques deviennent des objets de culture, voire rejoignent le fonds culturel de masse, reste un mystère qui ne se contrôle pas ; de même que les déformations, contresens, fausses paternités, passions, espoirs, idéalisations qu’elles subissent. Il s’agit aussi de l’histoire des oublis et des bannissements (Galilée bien sûr). A été évoqué un « bureau des idées trouvées et perdues », sans que nous puissions préciser lesquelles vont suivre un parcours de mise en latence annonçant leur retour futur et celles qui seront définitivement effacées.
Un exemple schématise parfaitement l’organisation en deux temps de l’intégration des découvertes et avancées scientifiques. Celui des lois de la thermodynamique. La loi désignée première loi fut découverte 40 ans après celle dénommée seconde. Celle-ci a subi un destin de disparition et n’a pu resurgir qu’après l’acceptation de celle qui est dénommée première. La première loi découverte était celle de Carnot qui affirmait que tout travail s’accompagne d’une perte d’énergie. Celle qui est devenue la première loi, découverte 40 ans plus tard, est celle de Joule qui est une loi d’équivalence affirmant que tout se transforme et que rien ne se perd, renouant ainsi avec le principe de Lavoisier, lui-même issu de la philosophie grecque, d’Anaxagore. Le principe d’équivalence dénie la perte. Il est immédiatement accepté et placé en fronton.
Les exigences du psychisme sont donc impliquées dans cette dynamique en deux temps avec disparition et résurgence. Le chiffrage des deux lois a gardé la trace de cette dynamique symptomatique.
Pour conclure, le montage que je viens de vous présenter a pris en compte les différents paramètres qui composent un trajet complexe régrédient et progrédient : transposer, chercher, trouver, rêver, rechercher, découvrir, partager… offrir au destin des logiques groupales et de masse.
Du point de vue psychique les sources de la recherche sont en extraterritorialité. Chercher-trouver a pour but premier d’établir une retenue. Enrichir le narcissisme de la science, sera un second but par lequel pourront se satisfaire nos désirs de savoir, de connaître, de découvrir, d’inventer, tous issus de notre désir d’enfanter et de celui de savoir d’où viennent les bébés ; mais aussi de le sublimer en un désir de savoir d’où viennent les enfants de nos psychés, nos pensées, nos idées, nos sensations, nos affects, nos théories, nos découvertes, nos inventions ; in fine d’où nous vient le désir.
S’il faut deux gamètes, l’une mâle et l’autre femelle pour faire un bébé, il faut aussi un 3ème terme qui s’exprime par l’action de les réunir, de les incarner. Il a pour nom, le désir. Les propos tenus au cours de cette conférence montrent que si le vivant réunit deux tendances pulsionnelles élémentaires, dite de mort et de vie, il faut aussi un 3ème terme qui intervienne du début à la fin du trajet que nous avons exploré, pour accomplir une recherche et aboutir à des propositions nouvelles. Il s’agit encore du désir, sublimé en épistémophilie.
Bernard Chervet
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I would like first to thank you for your invitation which is an honor for me. Thank you to Brian O’Neill and all the members of the Scientific Commission, as well as to Rosine Perelberg, your President, with whom I have enjoyed a friendly and good working relationship for many years. Only last week we ran a webinar in French together !
I regret that I have to speak to you from France, since this deprives me of being in London, in your company. However, I will take advantage of this situation to stress that the activity of thinking at a distance is undoubtedly excellent from the point of view of ideation and emotions, but it lacks the other part of thinking that takes into account sensory perception. This is the reason why during remote sessions there is sometimes intense psychic activity, and even an appeal to the hallucinatory realm, in order to furnish materials in “perceptual identity” to respond to the lack of perception. We miss the tangible dimension.
I fear that this remote solution will draw your attention even more to the major defects of my pronunciation and my difficulties to leave my mother tongue in favour to yours. A consolation would consist in insisting on the “charming French accent” and on the fact that it is my “mother” who does not want to let go. A meagre consolation !
But knowing that you will be able to read my text while listening to me gives me hope that you will be forbearing. Thank you so much.
This challenge you are presenting me with this evening, and which I am most willing to meet, is a good illustration of the topic I want to speak about. Exposing one’s thinking to others, especially when they are benevolent, implies the risk of experiencing feelings of lack without which there would be no progress. The famous “drive for improvement” which Freud rejected as such, certainly has its origins here. Speaking to you in English, and remotely, thus exacerbates the feelings of lack with their traumatic background. I could have declined your invitation. But we know how self-inhibition is a culture of self-idealization. On the other hand, presenting one’s thinking to others, implies submitting oneself to the ordeal of lack, thereby making progression possible. A research project is only finalized by its publication and the test of sharing. The same is true of theory. Freud, and then Bion, taught us that theory must be pushed to its limits, until it succumbs to reality-testing, until it itself is found to be wanting and makes way for another. Accepting the necessity of experiencing feelings of lack is at the basis of all evolution. I will come back to the link between these feelings, the fact of seeking and its destiny as research.
The international health situation faces us currently, in an almost experimental way, with such feelings in direct connection with the traumatic state provoked by the Coronavirus and by the breakdown of the denial of pandemics in which our Western countries were living. The last pandemic taken into account in the West has taken on mythical proportions : it was the Spanish flu’. The further other epidemics passed unnoticed, or were considered as illnesses that concerned other continents. This situation could facilitate an optical illusion insofar as the feelings of lack and the traumatic experiences are immediately attributed to an objectifiable external cause. The lack of knowledge concerning the virus and the inability to cure the illness, have given rise to colossal research studies. Thus the current context is in line with our topic, research, with its sources and the psychic movement that consists in seeking which is at the origin of what we call “research”. The current circumstances have given rise to a large quantity of studies and research in all the domains, since many articles, forums and books have been published, produced by many psychoanalysts throughout the world. I have been particularly interested in thinking about the modifications that this situation has brought about in our practice, and thinking by reverberation about the role of the pair perception-representation in sessions, a pair that usually goes unnoticed and remains silent in the setting. This approach makes it easier to tackle a topical question in the psychoanalytic field, that of remote analysis compared with analyses in each other’s presence. The question of the role, but also the function of the direct sensory perception of the other person, owing to his presence, is not a trivial matter. There is a gap between this sensory perception and its representation. Sensory perception requires other modes of functioning from mental life than those used during remote analyses, which above all, develops psycho autoerotisms. It is therefore not possible to say that a remote analysis is equivalent to an analysis in each other’s presence. This opens up an area of research on perception, on the fact that at the level of perception there is something that cannot be approached through ideation and emotions. This gap between perception and, ideation and emotion, cannot be eliminated by the hallucinatory creation of perceptual identities. On the other hand, thanks to perceptual identity, the dream-work saturates internal perception which allows for the rest obtained through sleep ; hence the dreamer’s conviction that there is only one world, that of dreams. Ideation and perception are but one during the time of dreaming thanks to perceptual identity. But then we wake up.
I will therefore not follow this simplification that the current situation offers us, preferring instead to turn towards what initiates research, that is the need to search as it appears for reasons within the mind without necessarily being induced by a traumatic external agent.
My discussion places feelings of lack and underlying traumatic feelings at the origin of a first stage which consists in seeking, and which may later turn into an activity of research. The “re” finds its justification here : search-research ; find – refind.
So-called traumatic situations, which are objectifiable and external to the researcher, are correlated with his feelings of lack of endogenous origin. The source comes from the feelings that are more or less aroused by external circumstances, such as absences, destructions, losses and disappearances.
You will be familiar with the famous skit of two clowns. Auguste is on stage. He is turning in circles in the glare of the spotlights ; he seems to be looking for something. The white clown arrives, looks at him and asks him what he is doing. Auguste replies that he is looking for something ; “What?”, the other clown asks him. “My watch”. The white clown then asks him if he is sure that he lost it here. “No”, Auguste replies. “So why are you looking for it here?” “Because there is light”!
This little story presents us with a man who is seeking, the designation of an object sought that is supposed to be a lost object, and the place of the search. Beyond the conflict between light and darkness there is the conflict between existing and disappearing which is at the basis of the infantile phobia of darkness.
The watch turns out to be the child himself who fears disappearing in the darkness. This takes us back to the Fort-Da, to infantile phobias and the play which consists in creating one’s own anti-traumatic processes of restraint. This activity of playing is necessary for establishing the psychic work that makes it possible to mentally process separations and experiences of mourning.
I have already referred several times to seeking, researching and theorizing without speaking of science. All these terms refer to different fields. Currently, I focus on the need to seek, in fact on the need to seek and to find in order to be able to produce causal theories that link traumatic feelings to tangible objects. These objects will henceforth be described as traumatic. These theories provide explanations whose function is to diminish feelings of menace and disappearance. They transform the vague impressions of lack into a feeling that something is lacking. That is supposed to put an end to the lack, and at least represent it and explain its advent. The theory of the primal phantasy of being castrated by the father is typical of this need for explanatory theories.
When “finding” does not occur, a compulsion to repeat sets in to seek. As for focusing on an object, it can give rise to a quest which turns towards an unattainable, unrepresentable, ideal object ; such as the quest for the Holy Grail and the philosopher’s stone.
These found objects will be chosen as objects of a research, for instance, concerning the object-choice, the choice of an analyst by the patients, etc. The act of seeking, of finding a chosen object and of theorizing a causality between the feelings and the chosen objects, forms the basis for a restraint. On this basis, the mind can develop, and product various investments including that of research. This is the function of the infantile sexual theories.
The fact that this search becomes scientific requires another stage, a reality-testing that always remains enigmatic from the point of view of psychic functioning. All the solutions proposed by Freud were successively abandoned by himself. This testing occurs in several stages which have to be rectified each time a new parameter appears.
In this way the feelings of lack will create a need to find something that offers the possibility of overcoming this state ; this need underpins the fact of seeking it, finding it or creating it. We are all familiar with Picasso’s words : “I do not seek, I find” clearly stressing the urgency of finding. We have, then, the series : seeking, finding, creating. What is found is not yet a discovery, but an element of reality which may give rise subsequently to a discovery. This element participates first in a function of restraint. From the point of view of this anti-traumatic function of seeking-finding, we can say that every discovery depends on serendipity, chance and randomness. What is sought after, fundamentally, is to put an end to traumatic experience.
Seeking, then, is first and foremost a way of responding to traumatic feelings linked to anxiety concerning one’s own disappearance, by searching for what might make it possible to resolve this terror, generally concealed under feelings of lack.
Let us turn now to these traumatic feelings. Initially, Freud associated feelings of lack with the repressed. For him it was a matter of completing infantile amnesia on the model of Mendeleev’s period table, but also of rediscovering through regression past experiences marked by a traumatic quality, perceptions of early sexual seduction, and then precocious manifestations of infantile sexuality. In his following conception, dream regression is supposed to permit the return to an absolute state of narcissism, that of the phantasy of returning to the mother’s womb and to intra-uterine life, the mother being concerned to protect her child from sexuality which returns from the outside via the sexual father. In both cases, the traumatic comes from the sexual, lack resulting from the fact of not succeeding in repressing the sexual or in eliminating it. Without being false, both these conceptions will have to follow an internalization of the origin of the traumatic quality. This proves to be a quality that is internal to the drive, and not infantile sexuality that has been awakened to objectality too soon, nor sexuality that menaces absolute narcissism. This character inherent to every drive is their most elementary regressive tendency, their tendency to return to an earlier state of things, even to the inanimate and inorganic state. We once again find the experiences of terror and disappearance insofar as they reflect this primary tendency of every drive, whether it is a life drive or death drive. It is an extinctive tendency which I call extinctive regressivity. It is in relation to this tendency that the need emerges to establish an act of restraint. This aim will be fulfilled by seeking, finding and establishing a causal theory between the traumatic experiences and the chosen perceived objects. This restraint forms the basis of psychic evolution by preventing immediate extinction. It is at the origin of the desire and thought that unfolds against a background of primary masochism produced by the tension of restraint.
Research and theory are thus means of responding to this extinctive tendency, to its traumatic urgency, hence the conviction that accompanies them. This conviction is transferred to the theories and discoveries at the moment when they are produced with the aim of ensuring a saturation of consciousness along the internal path. The new discovery is always experienced as the missing piece, the missing link in the chain. The “Eureka” moment is this truth-effect to which the researcher adheres for inner reasons. It is only subsequently that this act of restraint may become a wish for knowledge, an appetite for, or more simply, curiosity about things which have first been found out of necessity and utilized for anti-traumatic purposes thanks to the recourse to sensory perception.
We are reminded here of the logics of the traumatic neuroses and their attempts to find psychic solutions through clinging to the perception of tangible realities that can give rise to traces, and then psychic contents. These realities are perceived at the moment when the traumatic quality has been felt. Freud called them “closely related” (1937) realities. A relationship of restraint is thus established between this quality and the closely related realities.
It was only in 1923 that Freud recognized this function of perception which offers the possibility of establishing a clinging which involves a restraint. In The Ego and the Id he writes that “anything arising from within (apart from feelings) that seeks to become conscious must try to transform itself into external perceptions” (S.E. 19:20). He thus makes transposition the basic mechanism of the development of the mind and of becoming conscious ; but also the mechanism which makes it possible to create the tools for acquiring knowledge of the external world. You will all recall his short statement of 1939 in which he places transposition at the origin of the notion of spatiality. I will quote him : “Space may be the projection of the extension of the psychical apparatus. No other derivation is probable. Instead of Kant’s a priori determinants of our psychical apparatus. Psyche is extended ; knows nothing about it” (S.E 23 : 300). The same logic can be deployed with the notion of time through the discontinuity and intermittence of the mind which knows nothing about it. The unconscious qualities of the mind are thus transposed on to external reality. Hence the first animistic apprehension of the world through is created through metaphors. Their internalization and utilization by dreams makes it possible to produce psychic registrations.
This trajectory, arising from a need of the mind to respond to traumatic feelings of lack, is at the basis of a utilization of the perception of the external world and thereby of a first apperception of the world. Next a differentiation will be made between what belongs to the external world and what belongs to the mind. The sciences find their place on this psychic trajectory. They take advantage of this need to utilize the external world. Knowledge of the world is a by-product, a recognition. On the other hand, recognition of the reality of the mind makes it necessary to follow this path. Psychoanalysis is a secondary science compared with the knowledge of external reality.
To gain access to the reality of the mind, this trajectory itself must be taken into account. It begins with an initial transposition, then a metaphorization, then the dream work whose interpretation makes it possible to achieve recognition of unconscious wishes and, by deduction, of the regressive attraction of the extinctive tendencies.
You will recognize here the very trajectory Freud followed. Each time he took into account new clinical elements, he wrote a new contribution to his theory of dreams, the Traumdeutung. To become a science, the realities of this trajectory will themselves have to be considered as specific objects and designated within a corpus of concepts that renders them intelligible.
It is here that psychoanalytic epistemology differs from the more classical epistemology of the sciences, in particular of positivism. Psychoanalysis discovered beyond the positivity of the psychic contents involved in mental functioning, beyond the positivity of the negativity of the unconscious, an instinctual drive quality that does is not part of positivism since it tends on the contrary to make it disappear.
This transposition on to external realities thanks to sensory perceptions is a detour via the other and via the external world, including one’s own body. In this case, the transposition is called a conversion, a term forged by Freud. These transpositions also allow for the utilization of this other through identification (the Nebenmensch, the persons on whom authority is conferred, the analyst and the transference of authority).
This detour is at the origin of the discovery and recognition of the external world in various ways that are not all scientific. The extinctive tendency will be transposed on to the external world, on to the tangible realm that gives rise to traces and ideation, but also on to nontangible realities, the absences, losses and disappearances which cannot give rise to traces, ideation or feelings and require the utilization of contents produced from what is tangible, contents that are therefore not specific to perceptions that do not give rise to traces. It is the fact that the process of human thought is biphasic that reflects and proves their existence. In order to oppose the extinctive regressive tendencies, the contents arising from tangible reality will themselves have to follow a regressive trajectory and participate in a work of registering these traces as psychic registrations. The contents utilized for restraint must be dreamed before they can be used to recognize the world as such. It is thus only subsequently, after the first stage of restraint and the interval period of dreaming have been realized, that research into the objects of the world that have first been sought-found, and then dreamed, and which have become objects to be discovered, objects of research, can take place.
The second stage, more or less freed from psychic necessities, is a time of openness to the world and of discovery, of rediscovery and recognition. Research work thus takes plus in several stages : looking for a material that permits the establishment of restraint, internalizing this material and utilizing it through dreaming in order to respond to the extinctive regressive tendencies, then promoting the desire to cathect the world, to get to know it, to appreciate it, to transform it and to modify it by creating new elements so that the world after is no longer the same as the world before.
This process in two stages, the process of après-coup, initially fulfils a psychic function of restraint, then it accommodates the dream work which produces psychic registrations, in particular thing-presentations, and finally it elaborates contents capable of becoming conscious on the basis of which everything that man is capable of creating out of pleasure, curiosity, relief, avoidance, protection, the wish to organize the world and respond to what remains mysterious, can be deployed, giving rise to the arts, religions, ideologies, sciences, politics and also institutions. All these fields of culture are marked by the fact that they were originally psychic formations that were subsequently deployed as specific domains.
Psychoanalysis has modified the epistemology of the sciences by introducing dreaming and its interpretation, but also by taking into account the function of dreaming and the function of interpretation with regard to the elementary reality of every drive, namely its trend towards its own disappearance, its extinction. For psychoanalysis, the trajectory of “learning” (connaissance)1 includes a detour via formations that first of all ensure misrecognition (méconnaisance). It is not only a matter of a lack of knowledge (savoir), common to all the sciences, but of the necessity of taking into account these extinctive tendencies and of subjecting them to concealment before being able to deduce their existence by means of an interpretation. Knowledge also has the function of denying the part of reality that becomes an unattainable truth. Science is not only a lack of knowledge that has to be completed, a series of errors that have to be rectified ; it is also a body of knowledge which is lacking truth. “Learning” (connaissance) follows a trajectory of seeking truth which it must relinquish in order to become a body of knowledge.
Many debates have revolved around the question of knowing whether or not psychoanalysis is a science, with the tendency to want to force psychoanalysis to fit in with the classical definition of the sciences. In fact, psychoanalytic epistemology includes dreaming and interpretation, which should lead us rather to reconsider the very definition of the sciences. All scientific elaboration thus has two sides to it : an advance in the always incomplete field of knowledge and a psychic formation, a conception that has the function of attempting to fulfil wishes for completeness and of escaping or denying the existence of the inner traumatic quality.
You will not be surprised, then, if the creation of an organization dedicated to research follows the same dynamic that I have just described and is concerned by the two sides of seeking/searching and researching. The materialization of such an organization fulfils the different functions discussed above and is also an enactment of conceptions concerning research that can both promote and limit it.
Within the Paris Psychoanalytical Society, when I was its president, I encouraged and participated in the creation of such an organ. Of course, the SPP has a Scientific Committe and a Scientific and Technical Council. But their function is not to be sites of research, but rather to evaluate internal scientific life and to encourage it within the Society.
The Commission for Research and Development of Psychoanalysis (the CRDP) emerged out of numerous other more or less formal groups that all had research in psychoanalysis as their aim without being sites dedicated to it. The terms that designate this CRDP make up the first lines of the statutes of the SPP. These groups operated within the institution but without being accorded any particular recognition. There was no censorship of such initiatives, but there was a certain ambivalence about according them a specific status, under the pretext that all seminars are considered to be places of research. The SPP did not therefore have an organ of research and reflection on research. During my two mandates the project thus emerged of creating such an organ whose aim would be to seek and research, a permanent and open committee without a hierarchy that would be concerned specifically with research and development in psychoanalysis, that would initiate research projects, welcome them, and engage in metapsychological and epistemological reflection on research itself. The CRDP was thus founded. Currently this activity is part of the programme, but not included in the rules of the SPP by the Councils that succeeded me. This remark invites another. Research has its sources in extra-territoriality in relation to narcissism, which is also true of institutions.
The CRDP took these elements into account in organizing itself. It is open to all members. It is made up of various research workshops which are linked to a plenary space. This is the place of presentation, sharing and comparison of the projects carried out in the workshops but also of the more individual projects of members of the Society, and even of the projects of other scientists who have occasion to work with psychoanalysts of the SPP. It also regularly devotes plenary sessions to reflection on what is going on within it and on eventual links between what is going on and its mission, research. These periods of reflexivity on the processes that take place in the Commission of Research endeavor to take account of the fact that, like any other organization, it has contained since its creation concealed elements, implicit theories about research, theory and science, which overdetermine the work that is carried out there, both nourishing it and limiting it.
The CRDP allows for interplay between the individual and collective spheres. The workshops are created around a theme freely chosen by the small number of people who form the workshop and who also choose themselves freely. This work in small nonhierarchical teams favours outstanding and incisive individual contribution.
As for the collective sphere, it is situated on several levels. First of all, the plenary session which brings together interested colleagues who are critical, ambivalent and benevolent. Another level is that of all the members of the society who know of the existence of the CRDP but who are either indifferent hostile or favourable to it, but prefer to remain outside it. Finally, of course, the studies are presented to the outside world through diverse individual and collective publications.
This interplay between the individual and collective spheres is not without echoes in the history of the sciences with the often surprising vicissitudes of peer integration, the diffusion and vulgarization of science. How these scientific discoveries become objects of culture or a mass cultural resource remains a mystery that cannot be controlled, involving all sorts of distortions, misunderstandings, false paternities, passions, hopes and idealizations. It is also the history of omissions and banishments (Galileo, of course). An “office for lost and found ideas” has been suggested, without it being possible to say which will follow a path of falling into latency, announcing their future return, and which will be definitivly erased.
The example of the laws of thermodynamics offers a perfect schema of the organization in two stages of the integration of scientific discoveries and advances. The law known as the first law was discovered 40 years after the so-called second law. The latter suffered the fate of disappearing and only reemerged after the acceptance of the law known as the first law. The law which was discovered first was Carnot’s law which asserted that all work is accompanied by a loss of energy. Joule’s law, discovered 40 years later, which became the first law, is a law of equivalence asserting that everything is transformed and nothing is lost, thus coinciding with the principle of Lavoisier, which itself originated in the Greek philosophy of Anaxagoras. The principle of equivalence denies loss. It was immediately accepted and placed first.
Psychic logics are involved in this biphasic dynamic of disappearance and resurgence. The coding of the two laws has retained the trace of this symptomatic dynamic.
To conclude, the montage that I have just presented to you has taken into account the different parameters that make up a complex path regress and progress : transposing, seeking, finding, dreaming, researching, discovering, sharing… offering destiny group and massive logics.
From the psychical point of view the sources of research are in extraterritoriality. Seeking-finding has the primary aim of establishing an act of restraint (“taming”) towards an internal reality that we have to ignore first then to use and to deduce afterward. Enriching the narcissism of science is a second aim through which our desires for knowledge, learning, discovering and inventing can be satisfied, all of which originate in our desire to give birth and in that of knowing how babies are made – a desire sublimated in the form of another curiosity : How do thoughts, ideas, theories, discoveries and inventions come to us ? Where does our desire come from ?
If two gametes, one male and the other female, are needed to make a baby, a 3rd term is also necessary which is expressed through the action of uniting them, of embodying them. Its name is desire. The remarks I have made during this talk, show that if all living things unite two elementary drive tendencies, those of life and death, a third term is also necessary which intervenes from the beginning until the end of the trajectory that we have explored in order to accomplish research and arrive at new propositions. It is once again a matter of desire, but sublimated in the form of epistemophilia.
Bernard Chervet
NOTES :
- This distinction between connaissance (learning) and savoir (knowledge) is made by J.-F. Lyotard in his book The Postmodern Condition : A Report on Knowledge. Manchester : Manchester University Press, p. 18