La spécificité du psychodrame, son essence même, est le jeu utilisé comme levier de la cure. Il s’agit de jouer, et pas seulement de dire. Le jeu sert de révélateur dans le mouvement même de sa dramatisation. Moreno l’avait bien perçu, lui qui a été l’innovateur de cette technique propre à favoriser un effet cathartique aboutissant à une prise de conscience de soi. Par la suite, des psychanalystes tels que R. Diatkine, S. Lebovici et J. Kestemberg ont compris quels bénéfices ils pouvaient en tirer, d’abord dans le traitement d’enfants atteints de troubles graves. Pour eux cependant le psychodrame ne pouvait être considéré comme une technique purement abréactive. Progressivement, la proposition de psychodrame s’est étendue aux adultes, particulièrement dans le domaine des états limites et de la psychose.
Il revient à ces analystes et à ceux qui leur ont succédé d’avoir créé un cadre spécifique, découvert et mis progressivement en place à mesure de leur expérience. C’est l’insertion du jeu à l’intérieur de ce cadre qui a permis au psychodrame d’acquérir sa véritable dimension psychanalytique, à savoir la capacité de mettre à jour les processus inconscients à partir de l’analyse du transfert et des résistances. Il s’agit d’établir des liaisons, trouver une certaine cohérence dans des ensembles apparemment discordants, afin de permettre au patient de se sentir le sujet de son existence en se l’appropriant au travers d’une histoire qu’il puisse reconnaître.
Le psychodrame instaure un autre cadre. Ce n’est pas seulement à la perception d’une présence que le patient est convié, mais à celle d’une présence en mouvement, revitalisée. Il s’agit d’introduire une action, une mise en marche, moteur d’un processus. On demande au patient de proposer une scène, ce qui lui vient spontanément : un mot, une impression vague, une idée qu’il va jouer avec les participants choisis par lui. A la proposition d’associer faite au patient du divan se substitue celle d’une activité : une idée à mettre en marche (une action) en se servant d’un espace et d’un temps qui lui soient propres (une actualisation). Deux ouvrages décrivent avec précision le psychodrame psychanalytique : celui de Amar,N., Bayle,G. ‚Salem,I. (1988) et Salem,I.(2013).
Comme l’a bien souligné R. Roussillon (2004), il faut que les choses soient suffisamment agies, suffisamment mises en acte et ainsi représentées en actes, actualisées, pour pouvoir ensuite se suspendre et se resymboliser autrement. Le patient et les différents thérapeutes seront donc des acteurs. Ils élaborent ensemble une scène à partir de sa figuration ; celle-ci fait advenir dans un second temps l’espace de la représentation. Cependant les mots sont acquis. Les scènes ne sont pas seulement agies, mimées, mais parlées ; elles utilisent un langage d’action où la parole n’a pas l’intériorité, le pouvoir d’auto–réflexion qui est celle du patient dans le silence de l’analyse.
Le psychodrame analytique individuel
Il est centré autour d’un seul patient avec un groupe de thérapeutes comprenant le meneur de jeu et les co-thérapeutes, acteurs potentiels. Les acteurs au nombre de quatre à huit sont disponibles autour d’une scène fictive où va se produire le jeu psychodramatique. La règle fondamentale est que le patient pourra tout jouer.
À partir du moment où la séance a lieu, tout ce qui vient à l’esprit du patient peut être pris comme une proposition de scène ; une situation présente ou passée, vécue ou imaginaire, un rêve, une idée ou une absence d’idée, ou même des entités. C’est au patient qu’incombe le choix de la scène et du personnage qu’il veut jouer, ainsi que des acteurs pour représenter les autres rôles. Le meneur de jeu ne joue jamais, il accueille le patient et l’aide à mettre en forme les scènes. Il suspend, à un moment judicieux, le déroulement de celle-ci, il intervient sur le jeu, propose un lien avec les séances précédentes ou donne une interprétation.
Ces moments de reprise par la parole et de rapprochement physique sont féconds ; ils relancent l’activité associative du patient qui proposera une nouvelle scène. Une séance de psychodrame peut en comporter deux ou trois. C’est le meneur de jeu qui met fin à la séance.
Vignette clinique
François est un enfant atteint d’une psychose infantile. Il a démarré un psychodrame individuel depuis un an. Depuis septembre il est dans une phase de résistance, sans doute liée à son passage en 6ème. Il fait beaucoup d’effort pour se contenir à l’école et au psychodrame il est dans la décharge plutôt que dans l’élaboration. Il est souvent très agité et par moment il s’écroule dans un coin de la pièce où il cherche le calme et le silence. A d’autres moments il se réfugie sous la table et nous parle à distance.
L’enfant refusant de jouer, ce sont les thérapeutes acteurs qui jouent. L’un d’eux joue François les autres jouent les parents ou le meneur de jeu. François s’oppose à toute interdiction n’ayant pas intégré les limites et les interdits fondamentaux de l’inceste et du meurtre.
Néanmoins, il intègre progressivement l’interdit du toucher, et s’approche très près de l’acteur sans le toucher. Il se colle au meneur de jeu, s’assoit tout près de lui. Il tourne tout en dérision l’imitant dans ses gestes et dans ses mots. Il lui en veut de poser des interdits car il sait que la séance pourrait être suspendue s’il transgresse ces interdits. Il tient néanmoins à ses séances et ne veut pas en perdre ne serait-ce qu’une minute. Par contre, il ne propose aucune scène. Ce sont les acteurs qui se lancent spontanément pour jouer des parents qui sont au bord de craquer et qui envisagent un placement en internat. A ce moment, il se lève et insulte son père de façon très violente.
En refusant de jouer, il cherche à nous attaquer et à attaquer notre pensée. Il n’est pas encore sûr que nous puissions survivre à ses agressions. Quand il aura acquis cette conviction, il aura franchi un grand pas en se séparant de l’objet et en l’utilisant. Et puis un jour, il se remet à jouer. Il a du sentir que nous aussi étions prêts à craquer.
Il reste collé au meneur de jeu, insistant pour qu’il joue le grand-père. Un acteur se lève dit qu’il est Monsieur H, le meneur de jeu et qu’il accepte de jouer pour se soumettre à François omnipotent. Ce dernier se lève et demande la présence du grand-père Paternel et de ses deux parents. Le grand-père le remercie de réunir toute la famille et félicite son petit fils d’avoir grandi. Il fait des reproches au père de François, son fils. François s’énerve il ne veut pas qu’on touche à son père. Il s’écarte de la scène « je ne veux plus voir de disputes » Il tend la liste de cadeaux pour Noël et voudrait que tout le monde fasse une trêve. Le grand père lui dit qu’il manque son petit frère et qu’il a bien fait de l’exclure. Il s’emporte envers son fils et sa belle-fille, ils n’auraient jamais du faire un deuxième fils, ça a rendu François malade.
François s’en prend à son grand père parce qu’il a trouvé une cassette vidéo porno. Le grand père s’excuse d’avoir mis toutes ses images dans la tête de son petit fils, raison pour laquelle ce dernier a cherché à violenter son frère sexuellement. Peu de temps auparavant, François a eu en effet des agissements sexuels envers son petit frère.
A présent, François peut jouer quand il a le rôle actif, en s’identifiant au meneur de jeu. Il écarte toute position passive qui équivaut à une perte totale de lui-même, à un anéantissement. Il a eu très peur que le médecin chef du centre ne cherche à se séparer du meneur de jeu, puisqu’il ne jouait plus.. C’est en accédant ainsi à une position dépressive qu’il accède à nouveau à la pensée verbale et au jeu.
Le psychodrame en groupe
Comme le psychodrame individuel, il comporte un meneur de jeu et un groupe de thérapeutes acteurs. Le nombre optimum de patients est de quatre. Chaque patient peut proposer une scène. Le meneur de jeu fait principalement des interprétations individuelles qui ont nécessairement un effet sur chacun des patients du groupe. C’est un psychodrame individuel en groupe.
Le cadre
Ce qui spécifie le psychodrame, c’est sa répartition tripartite. Ainsi le patient remplit trois fonctions :
– de metteur en scène (c’est lui qui propose ce qui va se jouer) ;
– d’acteur (il est l’acteur principal) ;
– d’interprète (ceci dans le deuxième temps du mouvement, entre les scènes, avec le meneur de jeu).
Il dispose, pour ce faire, de l’assistance des acteurs et de celle du meneur de jeu. Cet étayage externe que représente le meneur de jeu est une des données essentielles du fonctionnement du psychodrame ; cette position de tiers, condensant position narcissique et position objectale, renvoie d’emblée dans le même temps à la structuration œdipienne. Le tiers œdipien est ici figuré, présentifié de l’extérieur.
Le meneur de jeu
Il ne joue pas ; néanmoins, par ses interventions, il fait partie intégrante du jeu. Il exerce trois fonctions principales :
– il aide à la mise en scène ;
– il est garant du cadre : c’est lui qui énonce les règles du psychodrame et veille à son bon fonctionnement ;
– il interprète, en s’appuyant sur le jeu des acteurs. L’interprétation révèle les résistances, les répétitions, le rapport entre la scène qui vient d’être jouée et celles qui précèdent, mettant en relief la dynamique personnelle. Elle repère et indique les mouvements transférentiels, en les ramenant sur la personne du meneur de jeu.
Les acteurs
Par le jeu, ils tentent de mettre en relief la dimension fantasmatique de la scène proposée par le patient. Ils sont doublement interprètes : à la fois du rôle proposé et du fantasme inconscient. L’acteur « prête » son préconscient, qui fonctionnera comme relais du préconscient défaillant du patient. L’acteur est objet de transfert et le fractionne.
Dès lors, le groupe des acteurs permet de mieux contenir la destructivité interne du patient et de la lier aux pulsions de vie en passant par le transfert sur le meneur de jeu.
Vignette clinique
Voilà une séance de psychodrame en groupe : ils sont cinq adolescents de treize à quinze ans.
Un grand silence s’installe en début de séance. Alain se lance : « A la maison, ça ne change pas. Ma mère s’emporte tantôt sur ma sœur jumelle tantôt sur moi Elle est imprévisible et ne peut rien anticiper. » On joue une scène avec sa mère. Il s’emporte et la provoque. Un double exprime son souhait de partir loin, très loin. « Oui mais… pas longtemps… » dit- il. J’interromps la séance pour lui montrer à quel point il reste néanmoins attaché à cette mère.
Marie reprend le thème des mères qui critiquent et surveillent sans cesse. Elle joue une scène avec sa mère qui lui reproche d’être constamment sur son portable et voilà que marie reproche à sa mère d’être trop présente mais jamais disponible ! En effet, elle travaille beaucoup à la maison .
Rania critique sa mère qui ne la laisse pas sortir avec ses amis. L’acteur qui joue sa mère est au contraire très conciliante… « Je te fais confiance, tu peux sortir mais tu m’appelles quand tu arrives chez ta copine ». Rania est désemparée. Combien elle aimerait avoir une mère qu n’imagine pas toujours le pire, le drame !
Claudia évoque une mère très inquiète à son sujet alors que son père est proche d’elle mais ne dit rien. Elle veut sortir voir son petit copain. Un double insiste sur ce lien amoureux. Elle a le droit d’avoir un ami… Elle a dix sept ans et si sa mère refuse, elle menace de refaire un malaise ! Elle a fait un « malaise » pour ne pas dire « tentative de suicide » en se jetant du 3ème étage.
Nora évoque sa mère, elle ne la voit plus depuis son hospitalisation en hôpital psychiatrique l’été dernier. Elle vit chez son père mais il travaille tout le temps. Elle est le plus souvent seule alors qu’elle n’a que douze ans et doit s’occuper de ses deux jeunes frères après l’école.Elle joue une scène où elle s’emporte envers sa mère qui ne se soigne pas, qui ne prend pas les médicaments prescrits par son psychiatre.
Après les cinq scènes, j’interviens pour pointer que ce sont les mères qui sont l’objet de leur colère alors que les pères sont absents ou travaillent trop.
Alain déplore que sa mère qui a commencé une psychothérapie ne change pas. Marie évoque une période où sa mère était toujours en pleurs et triste sans qu’elle ne comprenne. Rania repense à une période où sa mère ne pensait qu’à elle et à son amant. Rania a menacé de fuguer ce qui a incité sa mère à être plus présente. Claudia aimerait avoir un père plus présent qui intervienne davantage auprès de sa mère pour l’apaiser. Nora reparle de sa mère folle qui ne veut pas quitter l’appartement pour que son père et elle puissent y habiter à nouveau. Ils vont déménager dans une commune voisine mais précise qu’elle veut revenir et poursuivre le psychodrame à Asnières.
Les indications
Les patients pour lesquels nous proposons un psychodrame présentent un certain nombre de particularités dans leur fonctionnement mental.
– La carence narcissique
Ces patients sont porteurs d’un clivage du Moi induit par leur relation d’objet précoce. Une partie de leur Self est organisée sur un mode névrotique avec un préconscient de bon aloi et un accès normal aux processus du refoulement. C’est cette partie du Moi qui assure leur sentiment d’identité. L’autre partie est :
– soit occupée par des investissements narcissiques, ils sont en continuité d’identité avec leurs objets ;
– soit en manque de cet investissement narcissique et ils se sentent vides, vidés et vidants perdant leur sentiment d’identité ;
– soit absorbée par une formation perverse, délirante, passionnelle, hallucinatoire, ou en faux-self, destinée à combler cette faille narcissique.
Ce clivage entre les deux parties du Moi ne facilite pas la mobilité des investissements et en particulier le jeu souple et satisfaisant entre les représentations de chose et les représentations de mot, entre le Ça et le Moi.
Chez ces patients, les capacités de régression formelle, c’est-à-dire de représentation en images de leurs mouvements psychiques, ne sont pas utilisables.
– Le défaut de la relation d’objet
Il est essentiellement compensé par un investissement narcissique de l’analyste. Ce dernier comble la carence narcissique, reste indistinct quant à son identité propre et se contente de compléter et d’étayer le Moi du patient. Le fonctionnement en identification projective demeure prévalent. La projection vise l’analyste qui joue ici un rôle de contenant. Mais il doit souvent s’en tenir là et rester sous le contrôle du patient, ce qui risque de durer longtemps.
– Destructivité excessive
Elle s’exprime tantôt par une violence destructrice contre les autres ou contre soi avec des attaques de la pensée, et tantôt par une violence libidinale provoquant des investissements massifs d’objets. Cette destructivité est la manifestation d’une désintrication pulsionnelle majeure.
L’aspect libidinal du jeu au psychodrame permet d’alléger les manifestations de violence pulsionnelle, tout en leur ouvrant néanmoins un moyen d’expression.
Sa dimension groupale permet de déplacer les cibles sur des acteurs qui joueront les rôles importants de la vie psychique du patient, comme le sien propre ou celui de l’analyste, meneur de jeu. La présence d’un groupe amicalement et confraternellement lié, permet un apport libidinal sublimé quant au but grâce auquel la destructivité peut être partiellement liée via le transfert sur le meneur de jeu.
– Défaut de figurabilité
Le psychodrame, par la figurabilité qu’il met en œuvre, permet d’accompagner des patients sur le mode d’une régression bien tempérée : à savoir pouvoir régresser sur le mode formel pour créer des figurations, s’en servir en les investissant et dans un troisième temps mettre un terme à cette régression. Il y a ainsi un libre jeu des investissements préconscients et inconscients. En effet les patients qui justifient un psychodrame ont selon le cas :
– une peur intense de régresser formellement comme dans les psychoses blanches, déficitaires, ou chez les personnalités à faux-self ou psychosomatiques ;
– une impossibilité de revenir d’une régression formelle excessive telles les psychoses délirantes qui sont fixées à leurs images ;
– une incapacité à se servir de ces figurations. Elles ne sont pas investies ou même rageusement détruites comme dans les états limites.
Psychodrame individuel ou psychodrame en groupe ?
Le psychodrame individuel pour les patients adultes est le meilleur moyen de relance de leurs capacités élaboratives. Il s’intéresse à ceux qui disposent plus ou moins de leurs mouvements internes et qui peuvent les engager dans des projections immédiatement utilisables dans le jeu psychodramatique. En revanche, beaucoup de patients adultes semble sidérés par l’engagement dans un psychodrame. Une terreur à décharge interne les inhibe un peu plus. Ils gardent à l’intérieur d’eux-mêmes la plus grande partie de leur destructivité. Ceux ci bénéficient mieux d’un psychodrame en groupe dans lequel ils ne sont pas obligés de jouer. Ces patients peuvent engager une relation libidinale socialisée avec les autres patients. Ainsi ils opèrent des liaisons par la libido issue des deux groupes, celui des thérapeutes et celui des patients. Le psychodrame d’enfants est le plus souvent individuel car il est ainsi bien supporté sans que des rivalités œdipiennes et fraternelles peuvent trop perturber les mouvements engagés. En revanche avec les adolescents, nous comptons beaucoup sur les liens libidinaux qui s’engagent entre eux pour les aider à lier leur destructivité.
Les contre-indications
Elles regroupent essentiellement toutes les symptomatologies qui résistent à notre approche psychodramatique pour combler la carence narcissique, les phases aiguës délirantes, les délires paranoïaques trop bien structurés, les grands pervers. Un fort délire paranoïaque, une franche activité hallucinatoire chronique, une alcoolisation massive et soutenue nous ôtent toute efficacité. Par ailleurs certains enfermements mélancoliques ne permettent aucun engagement réciproque.
Séduction, jeu, humour
Il est certain que la proposition ainsi faite au patient procède d’une séduction : celle qui fait miroiter un gain de plaisir dans la réappropriation : des auto-érotismes de l’enfance et des jeux sans frontières. Le plaisir de se ressourcer ainsi dans un bain de jouvence active délibérément les possibilités de régression et permet une reprise des processus primaires où figuration, déplacement et condensation vivifient les capacités créatrices du sujet. Il peut s’agir de partager le plaisir lié aux subtilités du jeu réservé aux initiés du groupe psychodramatique, mais aussi du plaisir spécifique de l’échange du non-sens, du refus de la cohérence, de l’ordre du discours. Le diktat du Surmoi et de l’Idéal-du-Moi est alors bousculé au profit de la séduction intrapsychique, celle que le sujet exerce en faisant de nous ses complices au lieu de s’en faire des ennemis. L’humour est là pour en témoigner, comme l’écrit Freud dans Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient (Freud,1905 ).
Le non-sens peut être pris dans son double aspect : inverser la signification, mais aussi inverser la direction à prendre. Pas de sens obligatoire, pas de sens interdit dans le jeu, à condition de respecter les normes qui l’instituent. On ravive des modes de sexualité infantile par le dégagement d’un rapport de causalité où l’effet dériverait nécessairement de la cause, en inversant le mouvement, pour en arriver à une indécidabilité des origines, à créer pour un temps l’illusion d’une non-finitude et à la place d’une séparation inéluctable en terminer par les retrouvailles primaires du sujet et de l’objet.
Bien sûr le jeu fondé sur l’illusion ne tire sa force que de la nécessaire reconnaissance de son envers négatif à savoir que l’illusion est sa substance même, c’est-à-dire la mise en perspective du non-jeu, et par là l’accession à la réalité externe . Faire advenir celle-ci du fait de son absence même ou de sa partie cachée permet de s’y confronter, de la mettre en cause et de la questionner.
Conclusion
Le grand intérêt du psychodrame est de pouvoir accrocher de nombreux enfants , adolescents et adultes qui ne trouvent pas de plaisir à s’exprimer avec des mots et à jouer avec les autres et avec eux-mêmes ; ils commencent une psychothérapie et très vite ils décrochent incapables d’établir une relation transférentielle.
Ils sont enfermés dans des défenses obsessionnelles ou psychotiques établissant un mur infranchissable par le thérapeute.
Le psychodrame permet assez rapidement d’éprouver un plaisir partagé avec les thérapeutes et avec les autres patients. Ce plaisir partagé facilite la création d’un lien objectal libidinal, préalable fondamental pour que d’autres liaisons puissent advenir.Le psychodrame grâce à la médiation du jeu permet une prise de distance par rapport à ses propres difficultés et en permettant l’accès à l’humour et à la dérision de soi lutte efficacement contre la dépression et la dépendance à l’égard des objets extérieurs. En ce sens, l’humour pourrait faire partie des phénomènes transitionnels. A propos de l’objet transitionnel, Winnicott attire l’attention sur le fait que ce qui importe, ce n’est pas l’objet en lui-même, mais l’utilisation qui est faite dans cet espace intermédiaire entre soi et autrui. Il l’applique aussi à la relation analytique avec sa notion de playing : « pour moi jouer est une activité évidente qui doit apparaître aussi bien lors de l’analyse des adultes que lors de notre travail avec les enfants. Elle se manifeste, par exemple, par le choix des mots, des inflexions de la voix et surtout par le sens de l’humour » (Winnicott 1972).
Il dit aussi à propos des enfants avec lesquels il joue au squiggle : « le sens de l’humour est la marque d’une certaine liberté : l’inverse de la rigidité des défenses caractéristiques de la maladie. ( Winnicott, 1972). L’humour est l’allié du thérapeute lequel, grâce à lui, éprouve un sentiment de confiance et se sent autorisé à une certaine liberté de circulation au sein de l’appareil psychique, » cette « illusion » de liberté qui donne à l’humour ce quelque chose de « sublime et d’élevé » réconfortant pour le Moi.
Nous avons créé un centre de formation. La formation s’adresse aux personnels soignants médecins psychologues infirmières éducateurs rééducateurs suffisamment avancés dans leur analyse personnelle et exerçant une fonction thérapeutique. La formation clinique comporte 42 séances hebdomadaires de 2h30 pour une durée de trois ans. Les stagiaires participent en tant que thérapeute acteurs à deux psychodrames individuels et un psychodrame en groupe d’enfants d’adolescents ou d’adultes. La formation théorique se présente sous la forme d’un cycle de huit conférences par an, d’un séminaire mensuel portant sur les aspects cliniques et techniques du psychodrame et d’un colloque annuel au mois de novembre qui clôture l’année.
Renseignements auprès de Carine Corneduse tel : 0143876051
Dr Salem Isaac , psychiatre, psychanalyste, membre titulaire formateur SPP
Bibliographie
Amar,N. ‚Bayle,G.,Salem,I. formation au psychodrame analytique,Paris,Dunod,1988.
Freud,S.(1905).le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient,Paris,Gallimard,1988.
Freud,S.(1920) Essais de psychanalyse.Paris,P.B.Payot.1981.Roussillon,R. « Le jeu et l’objet »revue ETAP ‚2004, pages 107–124.
Roussillon,R. le jeu et l’entre(je)u. Paris,PUF,2008.
Salem,I .Vues nouvelles sur le psychodrame psychanalytique.Paris,EDK,2013.
Winnicott,D. De la pédiatrie à la psychanlyse.ParisPayot,1969.
Winnicott,D. jeu et réalité.Paris,Gallimard,1971.