La psychanalyse grâce a son cadre et grâce à la frustration permet d’accéder à des niveaux profonds de régression ; ce que ne permet pas d’atteindre le psychodrame. C’est grâce à la régression que nous pouvons traiter des traumatismes précoces qui n’ont pas été symbolisés. Le psychodrame permet grâce au rêve d’accéder à des traumatismes précoces qui sont proches des agonies primitives ou des terreurs sans nom c’est-à-dire des sensations corporelles vécues par l’enfant avant le langage et de les transformer en représentation. Ces traumatismes précoces qui sont des sensations corporelles qui ont eu lieu mais qui n’ont pas été vécues selon l’expression de Winnicott.
Les rêves, la plupart du temps, correspondent à la grande découverte de Freud. Ils sont une réalisation d’un désir infantile. Avec les névroses traumatiques, Freud modifie la fonction du rêve elle est alors une tentative de réalisation de désir. Dans les pathologies traumatiques et identitaires (psychose ou état limite ) la fonction des rêves est considérablement entravée. Ferenczi développera que certains rêves d’angoisse ou les cauchemars ne peuvent pas d’emblée accéder à une réalisation de désir. Ils doivent d’abord permettre de contenir les angoisses et de traiter le traumatisme avant d’accéder au plaisir.
Dans les réflexions sur le traumatisme (psychanalyse IV œuvres complètes Payot 1982 pages 143) « tout rêve même le plus déplaisant est une tentative d’amener des événements traumatiques à une résolution et à une maîtrise psychique meilleure. les rêves d’angoisse et les cauchemars sont des accomplissements de désir imparfaitement ou à peine réussis, mais on ne peut en méconnaître l’amorce dans le travail de déplacement partiellement accompli »C’est ainsi que Ferenczy en vient à proposer que le rêve a une fonction traumatolytique.
Il considère les restes diurnes qui sont à l’origine du rêve comme des micro- traumatismes de la veille. Parfois le sujet ne ressent pas certains événements comme traumatiques. Dans un premier temps c’est une sidération avec une suspension de la pensée. C’est à la faveur du sommeil que le traumatisme pourra être ressenti comme tel et le travail d’élaboration commencera.
On pourrait considérer que tout rêve est une tentative d’élaboration des traumatismes parfois il y a arrive : c’est le rêve accomplissement de désir et c’est un succès. Parfois il n’y arrive pas complètement et le rêve n’est plus qu’une tentative de dépassement des traumatismes.
Beaucoup de patients ne se souviennent pas de leur rêve ou ne rêvent pas. Comment relancer la fonction onirique ou comment réhabiliter le principe de plaisir quand les patients sont au-delà, dans une compulsion de répétition.
La dramatisation est l’un des procédés que Freud met à l’origine de la formation du rêve. L’autre étant la figuration ou la représentation hallucinatoire : « la transformation de la représentation en hallucination n’est pas l’unique façon dont le rêve s’écarte de la pensée vigile qui pourrait éventuellement lui correspondre. A partir de ces images le rêve met en forme une situation, il présente quelque chose comme étant au présent il dramatise une idée, selon l’expression de Spitta » la dramatisation est l’expression du souhait préconscient ou inconscient par l’emploi du verbe au présent de l’indicatif avec refoulement de l’optatif.
C’est en jouant le passé traumatique au présent en le dramatisant que nous permettons une élaboration du traumatisme. La scène traumatique se transforme dans le jeu grâce aux permutations des rôles en une scène de triomphe d’accomplissement de souhait de vengeance. Ce procédé de dramatisation relance la capacité à fantasmer et à rêver et ainsi l’accès à la résolution des traumatismes.
Le jeu psychodramatique supplée ainsi aux carences des représentations fantasmatiques et hallucinatoires que représentent tous ces patients que nous voyons au psychodrame. En retrouvant leur capacité à rêver, nous permettons également que le principe de plaisir soit réinstauré.
Sylvie est une patiente psychotique participant à un psychodrame en groupe depuis plusieurs années. Après plusieurs absences, elle revient et apporte un rêve : elle voit plus une raie encore vivante, elle prépare le court-bouillon et se réveille au moment où la raie vit sa dernière minute. elle se sent très encrassée depuis qu’elle n’est pas venue et éprouve beaucoup d’angoisse.
on joue une scène avec la raie
– tu ne vas pas me laisser mourir, au moins je serai après à l’intérieur de toi.
– non je ne te mangerais pas
J’interviens : « vous m’en voulez à mort de vous avoir laissée tout ce temps loin de moi vous allez me faire subir le même sort que la raie »
-« non vous n’êtes pas un poisson, peut-être êtes-vous du signe du poisson »
Elle précise qu’il était tout petit un bébé.
Elle ne supporte pas que sa mère qui est entière totalement généreuse. Elle n’aime pas un commerçant parce qu’il est froid. On joue une scène avec sa mère. Un double dit en s’adressant à la mère : « tu es trop chaude j’aimerais que tu sois un peu plus froide. Pourquoi tu m’as mise dans la baignoire l’eau était bouillante. »
J’arrête la scène elle ramène un souvenir entendu bébé : elle a failli mourir noyée dans la baignoire si sa mère n’était pas accourue précipitamment la sauver. Voilà un bel exemple de traumatisme précoce qui a pu se résoudre grâce à un rêve. Quand elle est très angoissée elle retient tout. Petite quand sa mère partait, elle était constipée durant trois jours comme avec moi elle garde tout quand je m’absente et elle finit par s’encrasser.
Les rêves seraient une voie royale pour accéder aux agonies primitives, et plus généralement au non symbolisé. Une des fonctions de l’analyse est de transformer, au sens que lui donne Bion , des éléments béta en éléments alpha, ou pour le dire autrement de transformer le non symbolisé en représentation de mots. C’est ainsi que la souffrance du patient s’apaise et qu’il peut sortir de l’automatisme de répétition.
Dr Salem Isaac, psychanalyste titulaire formateur SPP .
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