Été 2024

Chères lec­trices, chers lec­teurs,

La séquence élec­to­rale que nous venons de vivre, tour­nant poli­tique dont on peut craindre quelques effets, n’a lais­sé per­sonne indif­fé­rent ; on ne sau­rait ici faire excep­tion. Pour­tant, les rap­ports de la psy­cha­na­lyse à l’actualité et plus géné­ra­le­ment au poli­tique relèvent sou­vent du para­doxe. 

Les pers­pec­tives et l’éthique de la psy­cha­na­lyse ont tout à voir avec une cer­taine repré­sen­ta­tion révo­lu­tion­naire du sujet, dès son ori­gine : l’inconscient n’a pu trou­ver droit de cité sans bou­le­ver­ser pro­fon­dé­ment l’ordre poli­tique, social et cultu­rel. Le moi n’est pas plus maître en sa demeure que la Terre au centre de l’univers. L’inconscient est poli­tique, empreint des effets des actions col­lec­tives sur l’individu, et l’engagement est aus­si à pen­ser telle une moda­li­té d’expression du désir. Et simul­ta­né­ment, les condi­tions d’émergence du trans­fert rendent trans­gres­sive la pos­si­bi­li­té de lais­ser libre cours à l’expression de nos convic­tions — qui, a prio­ri, ont eu le temps de dégor­ger sur nos propres divans.

Dans ce contexte, débat et conflic­tua­li­té res­tent salu­taires, et les espaces qui les favo­risent et les sou­tiennent sont autant d’achoppements aux logiques rhé­to­riques écra­sant toute ten­ta­tive réflexive, par des dis­cours qui se cari­ca­turent et qui ne tolèrent plus l’once d’une mise en ten­sion. Si nous sommes bien pla­cés pour savoir que la féro­ci­té de la cen­sure est pro­por­tion­nelle à la pous­sée du désir, c’est bien ce der­nier qui s’interprète, tou­jours. Alors, la pro­po­si­tion d’une écoute ana­ly­tique consti­tue un pas de côté indis­pen­sable face au risque d’homogénéisation de la pen­sée qui se pro­file insi­dieu­se­ment. 

Après ces quelques mots du trouble et de l’embarras avec les­quels il s’agit désor­mais de par­tir en vacances – l’après-coup aura bien enten­du tout le loi­sir d’œuvrer – c’est avec enthou­siasme que nous vous convions à la lec­ture des der­niers articles publiés par Les Enfants de la psy­cha­na­lyse.

En mars, Jean-Claude Rol­let nous a pro­po­sé une lec­ture du der­nier livre de Laurent-Danon Boi­leau, à l’écoute de la Voix des racines, en invi­tant lec­teurs et lec­trices à se pro­me­ner au tra­vers d’un giboyeux glos­saire, là où l’étymologie se révèle mytho­lo­gique et poé­tique.

En avril, Jean-Yves Tamet nous a mon­tré com­ment, dis­crè­te­ment esquis­sés en marge de ses écrits, des des­sins ont par­fois com­plé­té et accom­pa­gné les pro­pos de Freud.

En mai, Sabine Fabre nous a fait décou­vrir les Monstres ordi­naires de Jean-Bap­tiste Dethieux ; sous cou­vert de bana­li­té affi­chée, ces figures ano­nymes ou lit­té­raires témoignent d’un confor­misme patho­lo­gique au ser­vice d’un idéal bar­bare et tyran­nique.

En ce début d’été, Anne Mau­pas nous livre ses impres­sions de lec­ture d’un texte de Marion Mil­ner, Libre cours : en posant la ques­tion de la vacance et du temps libre, ce texte à l’image d’une longue séance d’analyse, mêle réflexion intime et sen­so­rielle à des consi­dé­ra­tions plus poli­tiques non sans lien avec les enjeux récents de notre époque. 

Régis Bon­grand revient sur le der­nier ouvrage de Leo­pol­do Ble­ger Ana­lyse en pré­sence, ana­lyse à dis­tance : à par­tir et au-delà de la ques­tion a prio­ri polé­mique de la remote ana­ly­sis, c’est à une concep­tion de la cure et de la psy­cha­na­lyse tout entière qu’il nous pro­pose de réflé­chir, rap­pe­lant avec Freud que la démarche théo­ri­co-cli­nique a tout inté­rêt à réin­ter­ro­ger les débats pré­ten­du­ment clos.

Enfin, pour ce temps libre à venir, place aux traits d’esprit : les lettres se cherchent et se tra­versent dans cette grille de mots croi­sés tout par­ti­cu­liè­re­ment éla­bo­rée par Mario Kaplan et N. Pirol­let pour Les Enfants de la psy­cha­na­lyse. Rien d’olympique, seule­ment du jeu. Les réponses pour­ront, peut-être un jour, être publiées…

Et si cer­tains d’entre vous pré­voient des vacances luté­ciennes ou curieux de l’i­mage qui inau­gure cet édi­to, nous vous recom­man­dons vive­ment d’aller voir de plus près le tra­vail d’Amélie Petit Moreau expo­sé à la gale­rie A+E, et pré­sen­té par Audrey Louis.  

Bon été à vous,

Les Enfants de la psy­cha­na­lyse