Chères lectrices, chers lecteurs,
La séquence électorale que nous venons de vivre, tournant politique dont on peut craindre quelques effets, n’a laissé personne indifférent ; on ne saurait ici faire exception. Pourtant, les rapports de la psychanalyse à l’actualité et plus généralement au politique relèvent souvent du paradoxe.
Les perspectives et l’éthique de la psychanalyse ont tout à voir avec une certaine représentation révolutionnaire du sujet, dès son origine : l’inconscient n’a pu trouver droit de cité sans bouleverser profondément l’ordre politique, social et culturel. Le moi n’est pas plus maître en sa demeure que la Terre au centre de l’univers. L’inconscient est politique, empreint des effets des actions collectives sur l’individu, et l’engagement est aussi à penser telle une modalité d’expression du désir. Et simultanément, les conditions d’émergence du transfert rendent transgressive la possibilité de laisser libre cours à l’expression de nos convictions — qui, a priori, ont eu le temps de dégorger sur nos propres divans.
Dans ce contexte, débat et conflictualité restent salutaires, et les espaces qui les favorisent et les soutiennent sont autant d’achoppements aux logiques rhétoriques écrasant toute tentative réflexive, par des discours qui se caricaturent et qui ne tolèrent plus l’once d’une mise en tension. Si nous sommes bien placés pour savoir que la férocité de la censure est proportionnelle à la poussée du désir, c’est bien ce dernier qui s’interprète, toujours. Alors, la proposition d’une écoute analytique constitue un pas de côté indispensable face au risque d’homogénéisation de la pensée qui se profile insidieusement.
Après ces quelques mots du trouble et de l’embarras avec lesquels il s’agit désormais de partir en vacances – l’après-coup aura bien entendu tout le loisir d’œuvrer – c’est avec enthousiasme que nous vous convions à la lecture des derniers articles publiés par Les Enfants de la psychanalyse.
En mars, Jean-Claude Rollet nous a proposé une lecture du dernier livre de Laurent-Danon Boileau, à l’écoute de la Voix des racines, en invitant lecteurs et lectrices à se promener au travers d’un giboyeux glossaire, là où l’étymologie se révèle mythologique et poétique.
En avril, Jean-Yves Tamet nous a montré comment, discrètement esquissés en marge de ses écrits, des dessins ont parfois complété et accompagné les propos de Freud.
En mai, Sabine Fabre nous a fait découvrir les Monstres ordinaires de Jean-Baptiste Dethieux ; sous couvert de banalité affichée, ces figures anonymes ou littéraires témoignent d’un conformisme pathologique au service d’un idéal barbare et tyrannique.
En ce début d’été, Anne Maupas nous livre ses impressions de lecture d’un texte de Marion Milner, Libre cours : en posant la question de la vacance et du temps libre, ce texte à l’image d’une longue séance d’analyse, mêle réflexion intime et sensorielle à des considérations plus politiques non sans lien avec les enjeux récents de notre époque.
Régis Bongrand revient sur le dernier ouvrage de Leopoldo Bleger Analyse en présence, analyse à distance : à partir et au-delà de la question a priori polémique de la remote analysis, c’est à une conception de la cure et de la psychanalyse tout entière qu’il nous propose de réfléchir, rappelant avec Freud que la démarche théorico-clinique a tout intérêt à réinterroger les débats prétendument clos.
Enfin, pour ce temps libre à venir, place aux traits d’esprit : les lettres se cherchent et se traversent dans cette grille de mots croisés tout particulièrement élaborée par Mario Kaplan et N. Pirollet pour Les Enfants de la psychanalyse. Rien d’olympique, seulement du jeu. Les réponses pourront, peut-être un jour, être publiées…
Et si certains d’entre vous prévoient des vacances lutéciennes ou curieux de l’image qui inaugure cet édito, nous vous recommandons vivement d’aller voir de plus près le travail d’Amélie Petit Moreau exposé à la galerie A+E, et présenté par Audrey Louis.
Bon été à vous,
Les Enfants de la psychanalyse