Benoît Verdon est psychologue clinicien et psychanalyste. Maître de Conférences à l’Institut de Psychologie de l’Université Paris Descartes.
Catherine Chabert est psychologue et psychanalyste. Professeur émérite de psychologie à l’Université Paris Descartes. Membre titulaire de l’APF (Association Psychanalytique de France)
Auteur notamment de Féminin mélancolique et L’amour de la différence.
À l’occasion de la parution du dernier ouvrage de Catherine Chabert, au titre très évocateur de Maintenant il faut se quitter…, Benoît Verdon pour Les Enfants de la Psychanalyse, s’est entretenu avec elle. Il y est question de l’œuvre de Catherine Chabert et entre autres, du fil conducteur qui la traverse à savoir le lien entre les questions de sexualité et de perte. Nous livrons ici leur échange.
Benoît Verdon : Chère Catherine Chabert, merci de nous accueillir pour parler avec toi de ce livre que tu viens de faire paraître fin 2017 Maintenant il faut se quitter… C’est un livre qui a une évidente grande résonance pour les personnes qui voient son titre sur la couverture ou qui en entendent parler. On entend dire qu’il se vend bien, puis tu as été sollicitée par la presse écrite, notamment Libération en Décembre 2017, par la radio puisque tu as été invitée sur France Culture en Janvier 2018. « Maintenant il faut se quitter », c’est une petite phrase dont on ne sait pas bien si elle est une invitation, une injonction, un petit constat ou une supplication… « Maintenant il faut se quitter ». C’est une phrase qui semble parler à tout le monde mais qui se décline peut-être sur des registres variés – tu nous diras – tout n’est peut-être pas à mettre sur le même plan. « Maintenant il faut se quitter » pourrait être une phrase formulée par une mère à son enfant le soir ; ce peut être aussi une phrase d’un‑e amant‑e pour un‑e autre amant‑e, ce peut être aussi à l’occasion d’un décès « Maintenant il faut pouvoir se quitter ». Et j’ai repensé en découvrant le titre de ton livre à ce que Freud défend l’importance éphémère, combien la vie a du prix parce que, justement, elle se termine un jour. C’est aussi peut-être une phrase que pourraient se dire des amis, ou le constat qu’ils font : les copains de classe en fin d’année qui se retrouveront peut-être un jour ; l’enfant et son doudou qu’il faut un jour laisser à la maison, « Maintenant il faut se quitter ». Et puis, une question qui intéresse aussi bien sûr les praticiens de la cure psychanalytique : comment est-ce qu’une cure trouve une issue, comment est-ce qu’un jour on décide de se quitter, et peut-être, avant l’issue de l’analyse, comment l’expérience des vacances peut déjà amener à vivre cette expérience.
Peut-être que pour commencer tu pourrais nous dire comment est-ce que ce livre s’inscrit dans la continuité des deux autres ouvrages que tu as fait paraître, car je crois qu’il y a un fil rouge, Féminin mélancolique en 2003, L’amour de la différence en 2011, et Maintenant il faut se quitter… en 2017. Est-ce qu’il y a là un fil qui se déroule ?
Catherine Chabert : Oui, bien sûr, je pense qu’il y a un fil qui se déroule même s’il m’a échappé au moment où j’ai décidé de publier ce livre. Peut-être que je vais raconter son histoire… Le fil c’est que, avec Féminin mélancolique, j’ai déjà commencé à croiser la question de la sexualité et de la perte. A partir de mes travaux sur la féminité, quand j’ai repris la question du féminin mélancolique justement, et la construction du fantasme de séduction mélancolique – c’est peut-être un petit peu trop compliqué de démarrer comme ça mais tant pis on verra après comment je pourrais développer – c’était une façon pour moi de mettre en perspective l’hystérie, l’hystérie comme noyau commun de toutes les névroses en quelque sorte, via le fantasme de séduction. Et puis une configuration particulière s’était imposée à moi cliniquement, dans le traitement de grandes adolescentes et de jeunes femmes d’abord, que j’ai retrouvé ensuite chez un certain nombre de femmes, l’émergence de ce que j’ai appelé un fantasme de séduction mélancolique. C’est à partir d’un constat clinique que cette version mélancolique s’est construite. Vous connaissez la version hystérique du fantasme de séduction découverte par Freud : dès les Études sur l’hystérie, l’auteur de l’attentat sexuel c’est l’adulte, le père ou son substitut, l’adulte pervers, et la fille ou la jeune fille se pose en victime passive et innocente de cet attentat. La version mélancolique de la séduction inverse les positions de l’agent séducteur et de la fille séduite. C’est-à-dire que ces jeunes filles, ces femmes, s’accusent d’avoir provoqué en quelque sorte une excitation sexuelle chez l’homme, en général le père. Ce sont donc elles les coupables car leur « nouveau » corps de femme aurait activement et violemment provoqué les désirs de l’autre. Or, dans le mouvement mélancolique (en référence à Deuil et mélancolie, texte fondamental sur lequel j’ai beaucoup travaillé) s’opère justement un renversement de la passivité – intolérable– en activité. Dans la première version, hystérique, la construction du fantasme de séduction affirme « je suis séduite, j’ai été séduite et je suis passive dans cette scène » alors que la version mélancolique la transforme en « c’est moi qui séduis et l’autre est soumis à l’excitation que je provoque » : on retrouve donc la dimension mélancolique c’est-à-dire l’auto-accusation, l’auto-acharnement contre le moi. Si je reviens à cette configuration, c’est qu’elle permet de croiser le paradigme de la sexualité, le fantasme de séduction et l’hystérie d’une part, et d’autre part, le paradigme de la perte d’objet versus narcissique où la mélancolie occupe une place majeure. Evidemment ce croisement était déjà là dans Féminin mélancolique sauf que dans Féminin mélancolique, je me suis surtout occupée du féminin chez les femmes bien sûr mais aussi chez les hommes. En résumant beaucoup, la position que je défends est justement de ne pas établir de séparation radicale, de catégorisation trop stricte, entre ce qui relève de la perte et ce qui relève de la sexualité. Nous parlerons plus tard de psychopathologie.
Dans L’amour de la différence, j’ai repris les choses autrement tout en m’inscrivant dans le même mouvement. L’idée de L’amour de la différence, qui en fait un livre charnière entre Féminin mélancolique et Maintenant il faut se quitter, c’est que la différence occupe une fonction absolument majeure dans la psyché humaine. Au départ, effectivement, l’ancrage de la différence fonde la distinction dedans/dehors, moi/non-moi, mais au-delà, à mon avis, le paradigme essentiel de la différence c’est la différence des sexes : de toutes manières, à l’origine, il y a deux sexes, celui de l’homme et celui de la femme. La question de la différence des sexes, de la reconnaissance de la différence des sexes, me paraît fondatrice quels que soient les choix d’objets de la vie amoureuse, parce qu’elle ordonne les identifications dont on sait à quel point elles participent de la construction psychique. Pour moi, c’est la reconnaissance de la différence qui implique effectivement qu’on renonce à l’idée d’une unité narcissique maintenue par la bisexualité : cela m’importe parce que je ne pense pas qu’on puisse dissocier absolument bisexualité et différence des sexes, elles fonctionnent comme un couple d’opposés en quelque sorte. Donc la reconnaissance de la différence des sexes est ce qui permet de se dégager, me semble-t-il, de l’unité narcissique, au-delà simplement de ce qu’on souligne en général en termes de reconnaissance de l’altérité. Dans les perspectives freudiennes, la psychosexualité existe depuis le début, du fait même de la pulsionnalité originaire et la différence des sexes doit être admise pour que se construise un processus identitaire, pour devenir quelqu’un au sens plein du terme : quand il y a une confusion au niveau de la différence des sexes, il y a aussi une confusion à un niveau identitaire dans la mesure où les processus identitaires contiennent les identifications. Il y a bien d’autres composantes évidemment qui entrent en ligne de compte à mon avis puisque l’organisation centrale de L’amour de la différence, c’est le complexe d’Œdipe « complet » dans sa double forme, positive et négative et ce qu’il implique : la conflictualité, l’ambivalence pulsionnelle, l’amour pour le père et pour la mère, la haine pour l’un et pour l’autre. C’est-à-dire qu’au fond, pour moi, la différence des sexes, comme je le disais à l’instant, permet aussi d’aborder la problématique de la bisexualité chez tout un chacun. Donc dans la reconnaissance de la différence, il y a l’idée d’avoir à renoncer à être tout, à avoir les deux sexes, à aimer tout le monde, à être aimé de tous, et cela soutient à la fois la question de la séparation et de la castration.
Maintenant il faut se quitter conjugue ces deux mouvements. J.-B. Pontalis m’avait proposé d’écrire un livre pour sa collection Tracés. Je tardais à le faire, c’était un éditeur très exigeant, et c’était un peu compliqué pour moi surtout que son idée était qu’aujourd’hui on ne s’intéresse plus à la psychanalyse mais on s’intéresse aux psychanalystes. Donc ce qu’il voulait, ce n’était pas que je fasse un rassemblement de textes analytiques pour en faire un ouvrage de psychanalyse, il voulait que je puisse dire pourquoi je m’intéressais aux problématiques qui constituent le tissu de mon travail et de mes publications. Sa proposition datait d’avant L’amour de la différence. Je ne lui avais pas proposé ce manuscrit car il m’avait dit qu’une compilation de textes ne l’intéressait pas vraiment. Ensuite j’ai discuté avec lui et je lui ai proposé un titre pour un autre livre « Maintenant il faut se quitter ». Et il m’a dit « Alors ça je le prends ! ». J’avais écrit les deux premiers chapitres quand il est mort et mon projet s’est arrêté. C’est pour cette raison que la question de la mort est évidemment présente aussi dans ce livre, mais pas seulement. Et puis un ou deux ans plus tard, Jacques André m’a demandé si je n’avais pas un nouveau projet d’écriture pour la Petite bibliothèque de Psychanalyse. « Oui, j’ai un titre, « Maintenant il faut se quitter », et deux chapitres » lui ai-je répondu et ça l’a immédiatement intéressé. Ensuite, j’ai repris des textes que j’avais écrits depuis peu de temps, enfin c’est un livre qui rassemble à la fois des textes très anciens, des textes récents et des textes entièrement nouveaux. La construction du livre m’a pris énormément de temps. Je ne sais pas si je réponds à ta question mais c’est là que je m’inscris avec cette idée que j’ai dégagée après l’écriture du livre et que je présente dans le préambule : Freud assigne à la psychanalyse deux buts- si tant est qu’on puisse assigner des représentations-buts à une cure – « aimer et travailler », et je propose d’y ajouter « se séparer ». La séparation a pour moi une valeur structurante, et donc les situations de perte, si douloureuses soient-elles, sont susceptibles – pas dans tous les cas car quelquefois ça ne marche pas – d’engager un mouvement de vie, un mouvement de construction, de relance des désirs qui me paraît indispensable parce que la confrontation à la séparation et à la perte constitue une des problématiques majeures de l’être humain depuis la naissance jusqu’à la mort. Après, comment on s’en empare analytiquement c’est une autre question.
B. V. : Alors justement, je pense que l’une des lignes de force de ton livre c’est de veiller à interroger la réalité psychique. Parce que l’un des risques d’un titre comme Maintenant il faut se quitter, ça pourrait être de mettre l’accent sur l’événementiel. Alors qu’en fait tu montres que c’est vraiment la qualité du travail psychique qui est à l’œuvre pour pouvoir se séparer, se quitter. Et j’ai repensé, en te lisant, aux travaux de notre collègue Alejandro Rojas-Urrego, qui travaille à Vevey en Suisse, sur la disparition1 . La distinction entre perte et disparition est importante et vos travaux à l’un et l’autre le montrent. Mais y a t‑il, avant cela, une différence entre « se séparer » et « se quitter » ?
C. C. : Je crois. Enfin c’est un piège cette question mais je pense que, même si c’est facile de dire les choses comme ça, on peut se séparer sans se quitter et on peut se quitter sans se séparer. La question est de savoir sur quelle scène on se situe, est-ce que c’est sur la scène événementielle – tu évoquais le coucher de l’enfant, une rupture amoureuse, etc.- ou est-ce qu’on se situe sur une scène intérieure, au niveau de la réalité psychique. Je pense quand même que dans le « se quitter », il y a quelque chose de plus radical, sans doute. En même temps le mot fait partie du vocabulaire de la vie quotidienne. Mais le titre de mon livre, ce n’est pas « se quitter » c’est « Maintenant il faut se quitter ». Je n’aurais pas eu l’idée de donner pour titre « Maintenant il faut se séparer ». Cela dit, ta question est compliquée, je ne suis pas sûre que ce soit si facile que ça de faire la distinction entre les deux. Peut-être qu’il y a quelque chose du côté des affects qui est plus fort dans le « se quitter ». Comment ne pas penser à la chanson de Jacques Brel ? Parce que se quitter, ça veut dire s’éloigner, ne plus se voir, éventuellement se perdre. « Se séparer » renvoie à une opération psychique qui est plus près de la différenciation. Peut-être que « se quitter » appelle l’idée de la séparation mais la séparation n’est pas la seule manière de se quitter. C’est un peu comme si on se demandait si la mort, c’est une séparation. « Se quitter » ne renvoie pas toujours et nécessairement à la mort mais il y a cette ombre qui est sous-jacente. En tous les cas, il y a une dimension plus tragique dans le terme de « se quitter ».
B. V. : J’ai l’impression, quoi qu’on dise finalement – « Maintenant il faut se quitter » ou « Maintenant il faut se séparer » -, que la question c’est incidemment quand même « Est-ce qu’il y a possibilité ou pas de retrouvailles ? ». Parmi les situations cliniques qui sont présentes dans le livre, on saisit bien ce que cela peut mobiliser chez certains, l’idée qu’ils ne pourraient justement jamais retrouver l’objet dont ils sont séparés. Et puisque cet entretien a lieu en lien avec le site internet Les Enfants de la Psychanalyse, peut-être qu’on pourrait dire un mot sur comment est-ce que ce travail de « se quitter » peut habiter, animer, parfois malmener le déroulement d’une cure ?
C. C. : Je pense que le fondement-même d’un processus analytique, quelles qu’en soient les modalités, c’est-à-dire une psychothérapie en face-à-face, un psychodrame, et a fortiori une cure sur le divan, joue sur l’alternance de la présence et de l’absence. Donc ce que dit Freud à propos de la fin de l’analyse, « l’analyse se termine quand l’analyste et le patient cessent de se rencontrer », est une définition extrêmement pragmatique. On peut arrêter une analyse et ne pas se séparer de son analyste de la même façon qu’on peut quitter sa famille, ses parents, sans se séparer d’eux. Il peut y avoir une rupture amoureuse sans que pour autant on soit séparé de l’amant ou de l’amante. Cela permet d’avancer par rapport à ta question précédente, peut-être que le « se séparer » relève davantage d’un travail psychique que le « se quitter » qui renverrait davantage à quelque chose de l’ordre d’un acte à valence psychique, mais pas toujours. Je pense que l’alternance de la présence et de l’absence des rencontres de l’analyste et de l’analysant constitue une trame absolument essentielle du travail analytique. Pas seulement parce que justement on joue de la présence charnelle de l’un et de l’autre dans un système alternatif en quelque sorte, mais parce que les traces des séances, les traces de la présence de l’un chez l’un et de l’autre chez l’autre constituent la trame même du transfert, son tissu, de par la continuité et de la discontinuité des mouvements psychiques mobilisés. Je pense que dans l’analyse, et c’est pour cette raison que je suis revenue sur la question des pulsions de mort dans mon livre et notamment sur les travaux de Nathalie Zaltzman, peut-être qu’on insiste trop sur le travail de liaison, en faisant de l’analyse un processus qui aurait tendance à lier en permanence. Or si on considère que la liaison relève de la libido et d’Eros cela voudrait dire qu’il y a un seul mouvement pulsionnel qui serait mobilisé dans la cure alors qu’on sait très bien que l’ambivalence pulsionnelle est la meilleure distribution possible de la pulsionnalité et qu’au fond, dans la dynamique de l’analyse, c’est la dialectique de la liaison et de la déliaison qui est absolument indispensable. Il y a des expériences de déliaison pendant l’analyse qui sont mises à l’épreuve dans l’entre-deux des séances, pendant les vacances, dans les suspensions, et ces séparations au sein même de l’analyse sont susceptibles de prendre une place considérable, mais pas nécessairement d’emblée. Cela peut être un progrès dans une cure qu’un patient puisse se sentir déprimé et triste parce que les séances ont été interrompues pendant quelque temps. Il y a justement tout ce travail, présence-absence, liaison-déliaison, qui s’éprouve vraiment dans le transfert, qui est mis sur le métier, effectivement. C’est vraiment cette expérience fondamentale et fondatrice ravivée et actualisée dans la cure qui rend tellement importante pour moi la question des séparations. A partir de là, peuvent s’engouffrer toutes les pertes d’objet, enfin un certain nombre de pertes d’objet, un certain nombre de renoncements, qui ne relèvent pas seulement de l’élaboration du deuil parce que toutes les pertes ne s’inscrivent pas dans le modèle du deuil, mais, oui, une véritable expérience au sens littéral du terme (dans le mot expérience, il y a la racine périr). Ce sont des moments très difficiles dans l’analyse mais justement, à partir du moment où ces pertes peuvent s’éprouver, où elles peuvent se dire, se rêver, se vivre dans le transfert, et donc dans l’ambivalence pulsionnelle et dans l’adresse, il y a comme une conquête d’un peu plus de liberté. Je tiens beaucoup à l’idée de la liberté associée à l’analyse. Au fond, quand c’est possible, l’analyse permet d’accéder à une liberté plus vive et d’en jouir ; je ne dis pas indépendance, mais une plus grande liberté au plan psychique qui peut passer par la reconnaissance de la dépendance et la capacité à s’en dégager en renonçant à ses bénéfices inconscients parfois délétères.
B. V. : Oui. Tu ne dis pas non plus « tranquillité ». Au sens où ce que tu défends justement dans ton livre, c’est combien la question de la séparation est indéniablement liée à la question de la souffrance.
C. C. : Oui.
B. V. : Il y a là quelque chose de foncièrement lié à l’expérience de la vie, une expérience humaine.
C. C. : Oui. Mais j’ajouterais, je ne sais pas si c’est suffisamment présent dans mon livre, j’ajouterais que c’est vers le plaisir, vers la réalisation des désirs qu’elle est susceptible de permettre, que cette expérience douloureuse est inéluctable : les angoisses de séparation, les angoisses de mort sont autant d’entraves à la réalisation des désirs et à l’accession au plaisir. J’en parle moins dans ce livre, mais il y a là toute la question du masochisme qui m’intéresse énormément, je pense qu’il y a nécessairement une dimension masochiste voire mélancolique – même subtile – dans « se quitter » et dans « se séparer »- : pour moi l’analyse est quand même une expérience de séparation qui se répète régulièrement et d’abord dans la douleur. Il y a une scansion dans la séparation, mais c’est aussi une expérience formidable, l’expérience de la présence d’un autre qui est là pour vous et rien que pour vous trois fois par semaine, (parfois un peu moins !), quelqu’un enfin là pour vous. Evidemment, comme toujours s’affrontent des antagonismes : certes il y a l’absence mais elle ne peut être éprouvée et reconnue que du fait de l’expérience de la présence, dont je pense, pour l’avoir vécue en tant que patiente et retrouvée dans mes traitements analytiques qu’il peut y avoir une vraie jubilation en analyse, notamment du fait du travail associatif. Je ne voudrais pas que l’on considère l’analyse, uniquement comme une traversée de souffrance et de douleur. Je pense qu’on est inévitablement confronté à la souffrance et la douleur pour essayer de les traiter, mais quand on parvient à se défaire des excès de douleur et de la dépendance qu’elle est susceptible d’entraîner – du fait même de la jouissance qu’elle procure parfois- , on peut accéder à l’expérience du plaisir à rêver, à associer, à être avec, c’est ça aussi, le transfert.
B. V. : Je voudrais revenir sur cet entretien passionnant que tu as eu avec Frédéric Worms sur France Culture2 et sur ce moment où tu lui as dit que la question qu’il te posait te troublait. C’était à propos de la politique de la différence. J’associe à partir de ce que tu évoques du plaisir, parce que ce que tu pointes dans ton livre, c’est que se quitter et se séparer participent du vivre ensemble et de la capacité de partager. Est-ce que l’on pourrait revenir là-dessus ? Ce que tu as essayé de développer avec Frédéric Worms, c’est le risque de fétichiser la différence qui deviendrait inacceptable dès lors qu’elle est étanche.
C. C. : Sur le moment j’ai été assez troublée de la question de Frédéric Worms, c’est comme se elle avait soulevé pour moi le risque d’une apologie de la différence, alors que je ferais l’apologie de la différence à condition d’y inclure absolument la reconnaissance et le respect de la différence. C’est ce que je disais tout à l’heure à propos de l’amour de la différence et de la différence des sexes. Là où il y a un risque sur le plan politique et humain,- c’est que ce qui m’est venu en discutant avec Frédéric Worms– c’est que la fétichisation de la différence affirmerait un dogme, une idéologie purement narcissique dont l’étendard serait un « ils ne sont pas pareils, ils ne sont pas comme nous », la différence venant alors s’inscrire hiérarchiquement entre ceux qui sont supérieurs et ceux qui sont inférieurs, avec une ligne de démarcation infranchissable entre les uns et les autres. Pour dire les choses de façon peut-être plus violente, je pense que l’idéologie nazie est une pure culture de la différence en ce sens qu’elle ne la supporte pas, qu’elle l’exclut en maintenant une sorte d’idéal plus que narcissique, l’aryanisation constituant la mise en pratique de cette pure culture de la destruction de l’autre différent et de la mort. On peut penser qu’elle soutient l’affirmation d’une différence absolue entre les êtres humains qui engendrerait des catégories entre des humains et des sous-humains, donc c’est juste l’inverse de ce que je veux dire. Je pense que dans le racisme, dans le sectarisme, dans l’exclusion, paradoxalement, il y a un refus de la différence au nom du maintien d’une différence qui serait absolument exclusive.
B. V. : Oui, c’est cette idée que certains mouvements racistes et xénophobes soutiennent : « Je respecte votre différence mais nous n’avons de fait rien à voir ensemble et rien à partager », ce qui est une catastrophe pour le vivre ensemble.
C. C. : C’est ce que j’ai trouvé dans Les disparus de Mendelsohn (2006) qui contient une dimension à la fois individuelle avec la rivalité fraternelle, et collective avec la Shoah. Quand on lit le livre de Mendhelson et quand on découvre les témoignages des Ukrainiens qui décrivent qu’avant, tout le monde vivait bien ensemble et comment ça a basculé très vite. Il y a des passages du livre absolument insupportables et justement, ce qui est détruit c’est la différence, dans l’humiliation, dans l’insulte, dans la torture, dans l’extermination. Cela met en évidence le paradoxe de la différence dans le champ de l’identité : elle devrait contribuer à la construction, à la différenciation et en même temps, c’est au nom d’une différence idolâtre que se déclare : « Tu n’es pas comme moi, donc je te détruis ». Ça c’est une idéologie narcissique amplifiée, démesurée, qui atteint la mégalomanie et la manie à l’instar de l’omnipotence hitlérienne et des identifications qu’elle génère, mais il y a aussi, inéluctablement un fond de mélancolie mortifère, une « pure culture de la mort » comme l’écrit Freud. Dans la manie, on serait dans l’amour indifférencié, le mélange triomphant, c’est l’intrication de la manie et de la mélancolie qui m’importe : d’un côté, une omnipotence absolue et de l’autre, une destructivité absolue. On sait bien aussi que dans la manie- mélancolie au sens psychiatrique du terme, le patient s’accuse avec un auto-acharnement insensé, comme s’il détenait des pouvoirs immenses, destructeurs dans les phases mélancoliques, salvateurs dans les moments maniaques, ce qui témoigne de la condensation de la mégalomanie et de la mélancolie. Je me suis d’abord beaucoup intéressée à la mélancolie et ensuite je suis allée vers la manie ! Les deux constituent des extrêmes et en même temps elles ont un noyau commun. Parce que la manie, c’est vraiment le refus de la séparation, c’est aussi le refus de la castration, dans les épisodes maniaques avérés, le patient se sent capable de tout, rien ne lui est impossible. Les travaux de Nathalie Zaltzmann, à propos des épisodes hypomanes en cours d’analyse sont très intéressants parce qu’elle en fait le support de la colère et de la rébellion. C’est pour cela – j’espère que je ne stigmatise pas trop – qu’à mon avis, les éléments d’hypomanie sont nécessaires à la vie. Ce que j’appelle le mouvement maniaque, au même titre que le mouvement mélancolique, est nécessaire à la vie, dans l’ordre de la dialectique du normal et du pathologique, évidemment ! Pour en revenir à l’analyse, il y a des mouvements de jubilation qui sont hypomanes, ça arrive que l’on sorte de chez son analyste dans un état de joie de vivre extraordinaire, et pourquoi pas ? Et puis il y a d’autres moments où l’on est dans un état d’effondrement extrêmement sombre. Donc ce sont des mouvements qui sont régulièrement présents ; évidemment la dimension économique intervient, c’est l’amplitude de ces mouvements et la manière de s’en dégager qui comptent. Mais manie ou mélancolie, puisqu’on y arrive, ont nécessairement à voir avec la question de la séparation et de la perte.
B. V : Est-ce que l’on peut revenir sur ce que tu disais tout à l’heure sur la différence justement entre différence et altérité ?
C. C. : Différence des sexes et altérité, parce que l’altérité c’est une forme de différence première, entre moi et un objet qui est « autre ». Je pense que dans la notion de l’altérité, peut-être que je me trompe – la part de la sexualité est moins prise en compte sans doute aussi parce que j’ai beaucoup travaillé sur la question de la reconnaissance de l’autre notamment avec des patients psychotiques, schizophrènes surtout. Je ne suis pas lacanienne mais dans les années où j’étais plus jeune, où j’ai été formée à l’analyse à l’Association Psychanalytique de France, qui est l’association à laquelle j’appartiens, on parlait plus facilement de « l’autre » que de « l’objet ». Dans des sphères plus métapsychologiques, il y avait à la fois une influence évidente de Lacan, et une forme de méfiance vis-à-vis de l’inflation de la notion de relation d’objet de la psychanalyse anglo-saxonne. Je pense que, pour moi, les nuances se sont progressivement dessinées : au début, j’employais « objet » et « autre » presque dans le même sens, ce qui viendrait inscrire une démarcation entre « moi » et l’autre, et pas seulement entre « moi » et « non-moi », parce que « non-moi » ça peut être aussi un environnement flou. Tandis que « l’autre », incarne l’autre humain, un autre comme personne. Je me souviens que de nombreuses fois, j’ai corrigé mes manuscrits en mettant « autre » à la place d’« objet ». Je voulais inscrire une démarcation entre moi et l’autre, pas seulement entre moi et non-moi… Je pense que c’est quelque chose de très présent dans la vie et dans l’analyse. Mais il m’est apparu nécessaire d’introduire un élément de différenciation supplémentaire qui s’emboîte à la question de l’autre, ce que j’appelle « l’autre différent » et là encore avec le paradigme de la différence des sexes ou l’autre symbolique. Sans compter un argument majeur, à savoir que l’objet peut être narcissique, qu’il peut être le double ou le reflet du moi. J’en suis donc venue à l’idée que ce que représente « l’autre différent », c’est « l’autre sexuellement différent » alors que l’autre de l’altérité renverrait davantage à l’humain, au « Mensch ».
B. V. : L’altérité ça pourrait être une façon d’affronter la question narcissique alors que dans la différence des sexes il y a une dimension supplémentaire ?
C. C. : Ta question est intéressante parce que ce qui gêne le narcissique ou le narcissisme, c’est de ne pas supporter que l’autre ait quelque chose que le moi n’a pas. C’est insupportable qu’on ne soit pas pareil. La formulation pourrait être « je ne supporte pas que l’autre ait ce que je n’ai pas et dont je serais dépourvu ». On fait fondamentalement référence à la différence des sexes et je pense que l’angoisse de castration est insupportable. Si on l’entend au sens freudien du terme, l’angoisse de castration symbolise la différence des sexes. Alors que chez Lacan, le concept de castration est beaucoup plus large et ne concerne pas seulement la différence des sexes… Cela dit, je n’abandonne pas la question de l’altérité, je la complexifie.
B. V. : Nous arrivons à la fin de notre échange. Peut-être comme ça, pour terminer, que peut dire l’analyste expérimentée que tu es aux analystes en formation qui visitent le site Les Enfants de la Psychanalyse sur la situation de la psychanalyse aujourd’hui. On entend dire, ou on est directement témoin, que dans des institutions cliniques, dans des universités, la place de la psychanalyse est très sérieusement remise en question comme référent pour penser, pour soigner, pour écouter. Que dire à ces jeunes analystes qui s’engagent dans des lieux de pratique clinique et de pensée avec enthousiasme et conviction et qui s’affrontent à cette situation ?
C. C. : Évidemment, c’est une question qui m’intéresse. Je vais donner mon point de vue qui n’est pas celui de tout le monde. Je pense qu’il y a un écart entre ce qui se passe sur le plan culturel, intellectuel et universitaire et ce qui se maintient au niveau clinique. Je crois qu’on dégomme beaucoup la psychanalyse parce qu’elle est passée de mode au plan culturel et au plan de la formation des psychologues et des psychiatres, enfin concernant les psychiatres je ne sais pas trop, moi j’ai été Professeur de psychologie donc j’ai toujours eu des étudiants en psychologie. Je vais partir d’abord du terrain : je pense qu’il y a une multiplication et des demandes et des thérapies en tous genres. Ce sont des considérations culturelles, il semble que l’on vive dans une société impatiente, préoccupée par l’efficacité, très prise quand même par des contraintes narcissiques extrêmement fortes. Je le dis souvent, aujourd’hui il faut être beau, jeune, intelligent, il y a un impérialisme du : « Tout, tout de suite » favorisé peut être par la rapidité des systèmes de communication, les progrès formidables sur le plan technologique sans compter des éléments qui ont à voir avec l’éducation (mais je ne vais pas m’embarquer là-dedans). Toujours est-il que la psychanalyse peut apparaître obsolète parce qu’on a l’idée que les traitements analytiques sont très longs. Alors – et là, j’enfonce une porte ouverte, il y a énormément de thérapies non analytiques qui promettent/permettent une levée des symptômes rapide, mais il est excessivement fréquent que dans la première année d’une analyse les symptômes disparaissent également, du fait même du transfert. Ce que je ne trouve pas très honnête dans la promotion des thérapies non analytiques et dans leurs techniques, c’est qu’elles ne tiennent pas compte du transfert, elles l’ignorent, ce qui constitue une erreur scientifique majeure, puisqu’elles fonctionnent grâce à la suggestion ! Donc je ne décourage pas les jeunes analystes car je ne suis pas sûre qu’il y a de moins en moins de demandes. Il y a des demandes, mais il s’agit de les accueillir, de les entendre et de les traiter. Ma position est que, pour maintenir la psychanalyse en vie, il ne faut pas trop céder sur la pratique, ni sur la méthode, ni sur la théorie, ni sur la métapsychologie. Sans tomber pour autant dans l’écueil du dogmatisme, et encore une fois de l’indifférenciation ! Mon souci, c’est que l’on se mette en concurrence avec d’autres types de thérapies et que l’on veuille se soumettre à leurs principes, qui vont à l’encontre de la psychanalyse et ne lui permettent pas de rester vivante. Donc en ce qui concerne les jeunes analystes et ceux qui ont le désir de travailler analytiquement avec des patients, j’aurais tendance à beaucoup les encourager et à leur conseiller une formation et une formation à l’analyse. Dans la mesure où c’est elle qui permet l’expérience du transfert et son analyse en travail de supervision. Par ailleurs, évidemment, j’ai un grand intérêt pour la lecture des textes freudiens et postfreudiens et je pense qu’il y a quelque chose d’indispensable dans la lecture et le travail sur les textes analytiques requis dans la formation parce que c’est ça aussi la science. La valeur scientifique de la psychanalyse a à voir avec le travail de pensée et les travaux théoriques et métapsychologiques qui sont régulièrement produits depuis Freud. C’est comme dans les sciences dures, il y a des modèles qui peuvent être excessivement abstraits et qui ne trouvent pas nécessairement d’application immédiate. Avec la psychanalyse c’est quand même différent parce qu’on a la chance d’avoir, bien entendu une théorie – la métapsychologie‑, une méthode (au sens large) et surtout une clinique qui remet nécessairement en cause et la théorie et la méthode. Freud est un modèle en matière d’épistémologie sur le plan scientifique. A la fois, il pouvait remettre en cause un modèle théorique parce qu’au niveau de la pratique clinique il s’avérait peut-être erroné, peut-être insatisfaisant, mais en même temps il ne lâchait jamais rien ; il reprenait, il critiquait. Moi je pense que l’avenir de la psychanalyse, c’est ça. C’est s’appuyer sur ces changements, ces fondements, mettre à l’épreuve la théorie analytique via les expériences cliniques.
Tu dis « analyste expérimentée », oui c’est vrai, ça fait longtemps que je suis analyste mais aujourd’hui j’ai des surprises formidables dans ma pratique de l’analyse. Je rencontre des gens comme je n’en ai jamais rencontrés. Je suis confrontée à une manière de traiter des problématiques communes de manières très différentes. Il y a quelque chose qui m’énerve profondément, c’est quand on compare la psychanalyse à une vieille dame, parce que je pense qu’elle reste ce que Freud a appelé « notre jeune science ». Il y a un tel renouvellement et il faut admettre le renouvellement par la clinique et par la singularité de chaque relation transférentielle. Du côté du patient et du côté de l’analyste, nous sommes confrontés à des produits psychiques parfois connus mais souvent parfaitement originaux, si on accepte de les reconnaître, d’être déroutés par la part d’inconnu qu’ils recèlent. Donc il y a une création du fait même de la méthode, c’est-à-dire du côté de l’expérience analytique, et du côté de la métapsychologie. Je suis personnellement très fidèle à l’œuvre freudienne, je la mets au travail en permanence. Evidemment, je lis les travaux postfreudiens et je m’y intéresse, mais mon socle c’est Freud, même si je sais que tout le monde n’est pas d’accord. D’abord, parce que c’est très difficile et puis parce que chaque fois qu’on le lit, on découvre des choses nouvelles, de la même manière que chaque fois qu’on s’engage dans une analyse on découvre des choses nouvelles.
Pas seulement bien sûr, il ne faut pas non plus avoir une vision trop idéalisée ou maniaque de l’analyse. La répétition ça existe, le caractère pénible de la répétition, la lenteur, les résistances, le masochisme, des deux côtés, ça existe aussi. La difficulté de l’analyse reste présente mais c’est ce qui en fait l’intérêt. Les représentations de la vie comme une prairie bien verte où tout serait plat… je dis souvent qu’il n’y a rien de plus ennuyeux que la perfection, c’est l’acmé du narcissisme. Comment peut-on avancer par rapport à l’idée même que l’on puisse se sentir parfait ou désirer devenir parfait ? Et cela fait partie du travail de l’analyse, la désidéalisation des figures parentales, la désidéalisation des figures narcissiques, et cette traversée est à la fois douloureuse, bien sûr mais en même temps quelle liberté elle apporte ! Qu’est-ce qui entrave plus que la nécessité d’être parfait et de se conformer à un modèle gravé dans le marbre ? Pour moi c’est le contraire de la vie. Si je défends la formation des analystes, c’est aussi parce que la formation opère une désidéalisation nécessaire de l’analyse et le renoncement à une toute puissance illusoire. Je suis formateur de psychanalystes. Je n’ai jamais confondu la transmission et la formation à l’université et la formation d’analyste, même si bien entendu je me suis beaucoup servie de mon expérience clinique dans mes enseignements. Mais je trouve que ça vaut la peine d’être formé à l’analyse, d’être confronté à la méthode pour pouvoir s’en servir à sa manière et user de ses différentes possibilités en fonction de chaque situation clinique. Je ne suis pas pessimiste, je ne suis pas non plus d’un optimisme fou, mais comme j’aime bien la rébellion… Et je pense qu’à un moment, il y a eu un tel consensus autour de l’analyse que finalement, ça a fini par menacer de nous étouffer. J’espère vraiment que la génération actuelle poursuive le combat et se dégage de la dépression actuelle autour du rabaissement de la psychanalyse, puisque c’est quand même à un mouvement de cet ordre que nous sommes confrontés.
B.V : Merci Catherine Chabert pour cet échange.
Maintenant il faut se quitter…, Petite Bibliothèque de Psychanalyse, PUF, 2017
Février 2018, Entretien retranscrit par Valentine Feugas et Mylène Vallerent.
Débat autour du livre de Catherine Chabert le 24 Mai 2018
http://lesenfantsdelapsychanalyse.com/actualite-colloques/227-maintenant-il-faut-se-quitter4
Pour écouter l’émission de Frédéric Worms :
http://lesenfantsdelapsychanalyse.com/breves-de-psychanalyse/eclairages/215-radio-et-psychanalyse-le-stade-oral-ii
ou
https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-a-penser-avec-frederic-worms/peut-supporter-la-separation
NOTES :
- Rojas-Urrego A. (2016). Inventer les traces des disparus, Le Carnet PSY, 5(199), 32–38.
- https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-a-penser-avec-frederic-worms/peut-supporter-la-separation