La vie rêvée – Présent de la psychanalyse n°5

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« L’interprétation du rêve est la via regia menant à la connais­sance de l’inconscient dans la vie d’âme. » La via regia c’est la voix royale qui mène à Rome. Plus pré­ci­sé­ment à la Rome ima­gi­naire de Freud, celle d’une archéo­lo­gie de rêve qu’il décrit en ouver­ture au Malaise dans la culture : « Fai­sons l’hypothèse fan­tas­tique que Rome n’est pas un lieu d’habitations humaines, mais un être psy­chique qui a un pas­sé pareille­ment long et riche en sub­stance et dans lequel rien de ce qui s’est pro­duit n’a dis­pa­ru… à l’emplacement du Palaz­zo Cafa­rel­li se dres­se­rait de nou­veau, sans qu’on est besoin de raser cet édi­fice, le temple de Jupi­ter Capi­to­lin… » Le rêve ignore moins le temps que le décou­page de celui-ci, tous les pas­sés, tous les pré­sents, toutes les pro­messes réunis par la vie oni­rique en un même espace-plan. Et le trans­fert n’est pas loin de faire de même. Plus encore que d’être un objet pri­vi­lé­gié pour la psy­cha­na­lyse, le rêve en ins­pire la méthode et en modèle le dis­po­si­tif.
Ce rêve fon­da­teur de Freud, celui de la Traum­deu­tung, ne s’est pas bri­sé, il s’est com­pli­qué, voire défor­mé. À quoi tra­vaille le rêve ? À dégui­ser un désir aus­si incons­cient qu’infantile afin de lui per­mettre de trou­ver le che­min vers la sur­face, fut-elle noc­turne ? Ou à trai­ter, trans­for­mer un trau­ma pas­sé ou actuel, sinon pour le « gué­rir », au moins pour en dimi­nuer la force de des­truc­tion et l’implacable répé­ti­tion ? Accom­plir un désir ou prendre soin ? Ouverte par Freud (on peut rêver au-delà du prin­cipe de plai­sir), la ques­tion n’a pas pris une ride. La voie royale du rêve mène tou­jours à la déme­sure de la vie psy­chique, que la source puise au sexuel le plus incon­ci­liable ou à la des­truc­ti­vi­té la plus obs­cure.
« Peut-être l’inconscient ne dort-il jamais… » Sur­tout pas la nuit.

« Toi, tu dors la nuit / Moi j’ai de l’insomnie / Je te vois dor­mir / Ça me fait souf­frir / Lorsque tu dors je ne sais pas si tu m’aimes / T’es tout près mais si loin quand même… »
Jacques Pré­vert, réécrit et chan­té par Mou­loud­ji.