Les enfants de Libertalia, roman de Bernard Touati

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Lec­teur, arrête-toi, et lis !

Je venais de quit­ter Artu­ro, l’adolescent d’Elsa Morante, celui qui quitte Pro­ci­da, son île natale, et je pen­sais impos­sible de m’intéresser à un autre ado­les­cent.
Mais voi­là qu’est arri­vé Char­lie, celui de Ber­nard Toua­ti. Il m’a embar­quée avec lui en deux pages ; j’ai rêvé son rêve, de page en page, d’aventure en aven­ture, de décep­tion en traî­trise, d’humiliation en cruau­té, d’amour en autre amour ; avec lui j’ai aimé Liber­ta­lia et j’ai fui ces foyers de l’enfance où le déses­poir ne s’éteint jamais vrai­ment.
Si Char­lie rêve, c’est pour se créer : se créer des ori­gines, des aïeux, un pays, et puis bien sûr tant qu’à se créer un roman fami­lial, autant y aller jusqu’au bout : les ancêtres de Char­lie ne peuvent qu’être des pirates, mais pas n’importe les­quels…  Char­lie sup­porte la cruau­té, la souf­france, la lai­deur de ce qui l’entoure grâce à son rêve, son rêve de retrou­vailles avec ce qu’il n’a jamais connu.

Ber­nard Toua­ti nous donne un fan­tas­tique tour­nis avec Les enfants de Liber­ta­lia. Tour­nis dans les scènes de com­bats entre gamins cruels, où la boxe a des allures de danse – macabre. Tour­nis des émo­tions, quand l’amitié reste le seul sau­ve­tage, quand l’amour se trompe et pour­tant se fait, quand la folie veut le meurtre. Tour­nis encore dans une écri­ture qui se déploie dans des registres dif­fé­rents, qui ont en com­mun leur acui­té. Toua­ti en une phrase fait sen­tir la fraî­cheur d’une rivière comme l’écrasante atmo­sphère d’une île du Paci­fique ou le vent dans des herbes hautes ; il réus­sit à éta­blir un sus­pens digne d’un roman poli­cier dans un livre où la ten­dresse côtoie le déses­poir. Son livre mêle sans jamais nous y perdre le roman ini­tia­tique au roman poli­cier. Char­lie ouvre les portes de tous les sen­ti­ments, aucun ancien ado­les­cent ne pour­ra évi­ter de se retrou­ver en lui, ses coups de gueule, ses coups d’amour, ses coups de haine, comme ses coups de poing. Avec Char­lie, Palou, Orphée, Eva, des enfances dévas­tées s’unissent, cherchent des issues comme l’abeille se cogne à la vitre et se blessent, mais avec une rage de vivre qui fait battre la cha­made au coeur du lec­teur.

Cette invi­ta­tion à la lec­ture du livre de Ber­nard Toua­ti serait incom­plète si elle ne men­tion­nait l’humour : il est, pré­cieuse anti­dote, omni­pré­sent dans ce livre pour­tant grave ; les gar­çons per­dus sont aus­si cruels que drôles. Les filles ? Les femmes ? De la mère à la putain, de la sœur à l’amante, Char­lie les aime et les rêve, s’y trouve et s’y perd.
Toua­ti a réus­si à écrire un livre extrê­me­ment per­son­nel en tou­chant à l’universel : de l’enfance meur­trie à l’âge d’homme, quelles tran­si­tions rêver ?

Tout savoir et se pro­cu­rer Les enfants de liber­ta­lia de Ber­nard Toua­ti :  https://www.lesenfantsdelibertalia.com
Ber­nard Toua­ti sur Les Enfants de La Psy­cha­na­lyse