Parler du métier de psychanalyste invite à la prudence, et évoquer la clinique reste un exercice difficile où des questions de confidentialité et de neutralité s’imposent à la réflexion. Vient de paraître aux éditions Stock, » Leur patient préféré – 17 histoires extraordinaires de psychanalystes « , un livre d’une journaliste du Point, Violaine de Montclos, qui sans être elle-même psychanalyste, va donner une représentation assez pertinente du métier. Elle va rencontrer et interroger 17 analystes, d’obédiences variées sur leurs » patient préféré ».
L’appellation » patient préféré » ne rend pas réellement compte de ces récits, on pourrait entendre un affect qui traduit mal ce dont il est question. Patient préféré, princeps, Alpha ou encore capital, il s’agit surtout de patients qui ont fait d’eux les analystes qu’ils sont, des « patients fondateurs » ou encore des patients qui auront transformé profondément l’analyste qu’ils étaient jusque-là.
C’est elle, la journaliste qui ne cache pas sa curiosité pour le huis clos des séances qu’elle trouve » formidablement romanesque « , qui parle et qui raconte à son tour ce que ces analystes lui ont raconté. Ce dispositif singulier donne une véritable fraîcheur aux propos. Il y a donc 17 récits cliniques qui donnent à entendre l’échange intime qui va se jouer dans un moment crucial d’une cure , au travers de quelques mots, une interprétation, une surprise et qui va entraîner un changement de part et d’autres. Du fait de son statut de journaliste non analyste, l’auteur emploie des mots non jargonnés qui donnent à l’ensemble du texte une légèreté, une simplicité mais aussi une vérité et une justesse de l’échange. Elle extrait de ces récits quelques dimensions essentielles du travail de l’analyste : la patience, l’humilité, la créativité et la poésie.
Ces récits de Récits sont souvent touchants parfois naïfs, parfois enthousiastes quelque fois tragiques. Ils montrent combien la question du cadre est sensible et qu’elle doit s’adapter à la demande et aux disponibilités psychiques du patient et s’affranchir des dogmes et de la rigidité. Ce qui pourrait apparaître comme des transgressions du cadre montre surtout que ce qui compte par-dessus tout c’est le cadre interne du psychanalyste pour qu’advienne le travail analytique.
Il y a beaucoup à apprendre de ces voix que Violaine de Montclos nous traduit offrant ainsi une représentation fine avec des mots justes, c’est une conteuse d’analyse qui en extrait un fil pertinent, celui que l’analyse reste avant tout une rencontre à dimension humaine.
Amélie de Cazanove, psychanalyste.
« Leur patient préféré – 17 histoires extraordinaires de psychanalystes » de Violaine de Montclos, Editions Stock, Paris 2016, 168 p.