Covid-19 : Retour d’expérience d’une pédopsychiatre

Chers tous,
Dans le contexte de confi­ne­ment à domi­cile pré­co­ni­sé par les auto­ri­tés sani­taires je vou­drais par­ta­ger avec vous ma courte expé­rience de quatre jours de séances en vidéo avec des enfants de 4 à 15 ans.
Je suis pédo­psy­chiatre et psy­cha­na­lyste membre de la SPP. Je reçois à mon cabi­net une ving­taine d’enfants par semaine.
J’ai du arrê­ter de voir phy­si­que­ment mes patients lun­di et je leur ai tous pro­po­sé de conti­nuer par video , skype ou watt­sapp. Je tra­vaille à mon cabi­net et les enfants peuvent me voir dans la pièce habi­tuelle  où je tra­vaille sur la video.  La grande majo­ri­té des patients ont accep­té. Eton­nam­ment ceux qui étaient dans un trans­fert  plu­tôt néga­tif et qui je le pen­sais pro­fi­te­raient de cette occa­sion pour inter­rompre leur cure, ont tous accep­té.

En terme de cadre j’ai  juste dit aux parents de lais­ser l’enfant dans une pièce seul et au calme avec le télé­phone en mode video.
Les enfants se dépla­çant avec le télé­phone, c’est là que les ennuis ont commencé…la plu­part ont vou­lu me mon­trer leurs affaires, leur chambre, leur lit, leurs jouets, leurs dou­dous,  les pho­tos sur les murs, leurs boite à secrets…jusque là tout va bien, mais cer­tains sont allés jusqu’à me faire voir toute leur mai­son : les frères et sœurs dans leurs chambres, le salon, les toi­lettes,  la cui­sine, et même…. la chambre des parents pour des scènes pri­mi­tives en direct ! Me voi­là plon­gée en apnée dans leur inti­mi­té fami­liale …La came­ra sur le télé­phone bouge en per­ma­nence, cela me donne mal à la tête, le tour­nis …mais en même temps je trouve ça inté­res­sant, j’ai l’impression de voir le monde comme eux, comme ils veulent bien me le mon­trer.  Avec eux ces petits came­ra­men  je me bal­lade à un mètre de hau­teur entou­rée d’objets géants… une table et des chaises sous cet angle me paraissent sou­dai­ne­ment immenses, je me sou­viens tout à coup  ce que c’était d’être « petit » entou­ré de « grandes » per­sonnes au sens propre, les visages des parents sont énormes, la bouche de la petite sœur de un an qui bave gigan­tesque, le caniche de la famille on dirait un lion !

Avec leurs yeux je rede­viens un enfant, je me recon­necte plus faci­le­ment avec ma part infan­tile pour mieux m’identifier à eux. Cer­tains patients ont choi­si de des­si­ner cal­me­ment et me montrent leurs des­sins, avec d’autres on essaie d’inventer des jeux. Avec un enfant de 5 ans on fait un com­bat de marion­nette et de figu­rines. Mes marion­nettes du cabi­net contre ses figu­rines de sa chambre. Cela per­met de déployer une grande agres­si­vi­té chez cet enfant habi­tuel­le­ment inhi­bé. Avec d’autres nous jouons aux jeux de mime, à des jeux de main « pierre feuille ciseaux », à la dinette cha­cun pré­pare ses petits plats dans sa cui­sine pour un repas com­mun, on a même joué à cache-cache avec un petit de 7 ans mais j’avais du mal à le trou­ver quand il sor­tait de l’écran ! Ceux qui ne pou­vaient pas s’isoler dans leur chambre étaient dans le salon ou la cui­sine et ont vou­lu me mon­trer toutes les choses qu’ils n’ont pas le droit de faire…allumer le four, se ser­vir dans le fri­go et j’ai du leur dire « non arrête pas touche ! ». Cer­tains ont vou­lu que je leur montre leur pochette où je conserve leur des­sins, cela les a ras­su­ré de voir que tout était res­té à sa place.

Après la fin de la séance, ils vou­laient tous conti­nuer. Les parents sont contents que tout ne s’arrête pas.
Ils me racontent aus­si com­ment ils gèrent le quo­ti­dien, le télé­tra­vail avec les enfants à côté c’est com­pli­qué… Pour le moment la plu­part des enfants sont plu­tôt contents de res­ter à la mai­son avec leurs parents de ne pas aller à l’école mais cela ne fait que 4 jours. Cer­tains m’ont mon­tré avec émo­tions leurs cahiers de tra­vail d’école, m’ont par­lé de leurs cama­rades qui leur manquent déjà de leur mai­tresse. Je m’inquiète pour ceux qui ne peuvent pas s’isoler à la mai­son, des ados qui ne veulent pas conti­nuer à dis­tance et que je ne vois plus.

Je vais conti­nuer à tra­vailler ain­si, je ne sais pas com­bien de temps cela dure­ra, com­bien de temps je vais pou­voir main­te­nir le lien, cela va deman­der une cer­taine endu­rance. Il ne faut pas se décou­ra­ger lorsqu’il y a des pro­blèmes de connexion, qu’on ne se voit plus, qu’on de s’entend plus… mais je trouve que l’utilisation de la vidéo dans les psy­cho­thé­ra­pies d’enfants amène des choses inté­res­santes des remises en ques­tion du cadre que nous pour­rons peut être théo­ri­ser et uti­li­ser par la suite. Ces temps troubles nous poussent à être créa­tifs et inven­tifs, lais­sons les enfants nous guider…ils ont sur­ement  beau­coup à nous apprendre.

Dear all
I would like to share with you my short expé­rience with vidéo ses­sion with chil­dren during this trou­bled  per­iod.
I am a child psy­chia­trist psy­cho­ana­lyst from France  Paris SPP  . I had to stop to see my patients on mon­day because of iso­la­tion. I pro­pose to conti­nue the ses­sion by phone or vidéo.  I still work in my office wich is in a part of my home so they can see me and the office on the vidéo.
Most of the chil­dren patients choose to conti­nue the the­ra­py via vidéo ses­sions . Skype or watt­sapp.  Chil­fren from 4 to to 15 years old.  I say to the parents to let the the child stay in a quiet room alone with the phone on video call. The chil­dren can move with the phone so….the troubles  begins….  I can see their   pri­vate uni­verse , They show me their  room …their bed, their toys, the pic­ture on the wall… they make me visit the entire appart­ment,  the bro­thers ans sis­ters’s rooms even the parent’s room … on a direct pri­mi­tive scene ! The came­ra is always moving so it is some­times dif­fi­cult for me to fol­low …but this is inter­es­ting because I can see the world as they want to show it to me with their eyes, I see the world with their look at one meter high  and it change my look . suden­ly eve­ry­thing seems very big to me … the fur­ni­tures the parents…I can bet­ter remem­ber what it’s like to be small sur­ron­ded by things that seem giant  and maybe I can bet­ter recon­nect with my infant part and  iden­ti­fy with them….    Some of my patients  draw on paper and show me their dra­wings . With one 5 years old child we made a fight with pup­pet and figu­rines ,  but this time  it was my toys against his toys …so a lot of agr­re­siv­ness can emerge with this usual­ly inhi­bi­ted boy. With  an other we play mime game , dice game,  with an other hands  game « Stone leaf scis­sors » , with an other we have pre­pa­ring a meal with « dinette »,  but it was « what do you have at home ? » and « What do I have in my office » and we try to share for a comon meal… with one we play  « hide and seek » game .…but it was dif­fi­cult for me to find the child out­side the screen ! One child was in his kit­chen and star­ted to show me all the things he was forb­bi­den to touch …tou­ching the oven or brin­ging food in the fridge. … so I have to say : no stop !
After the end of the ses­sions they all wan­ted to conti­nue the video ses­sion. Some asked me to see their dra­wing­s’s pocket that I keep in  my office and they were relaxed of that. To see that things stay in the same place.
For the moment the chil­dren are hap­py to stay at home not going to school spend in time with their parents …but it is only 4 days and  they begin to miss school friends and tea­chers. Some of them sho­wed me their works from school,  their note­book  with a lot of emo­tion…
I will conti­nue to work like this….for the moment I dont know for how many time it will be pos­sible to keep the contact but I think we can do a lot of things with video ses­sion with chil­dren and that brings up inter­es­ting things….that we can maybe theo­rize after…

Good luck to all and take care
Hugs from Paris