De l’héritage freudien à la modernité 2.0 : le défi d’inventer un nouveau langage.

Lors du der­nier congrès de l’IPSO (Inter­na­tio­nal Psy­cho­ana­ly­ti­cal Stu­dies Orga­ni­za­tion) il nous a été deman­dé de reve­nir sur l’histoire de la créa­tion du site http://lesenfantsdelapsychanalyse.com. Cela a été pour nous l’occasion de reprendre dans un après coup les idées forces qui pré­si­daient à la créa­tion du site. Et notam­ment, la ques­tion de la dif­fu­sion de la psy­cha­na­lyse, de la place de la psy­cha­na­lyse sur inter­net et les nou­veaux médias, et de la légi­ti­mi­té pour des “jeunes” ana­lystes de s’emparer de ces ques­tions cru­ciales pour l’avenir de la psy­cha­na­lyse. Nous vous en livrons ici le texte.

Le titre que nous avions choi­si en août pour cette com­mu­ni­ca­tion est un peu raco­leur. Certes l’his­toire des Enfants de la psy­cha­na­lyse se situe bien sur cet entre-deux,
‑d’un côté l’hé­ri­tage freu­dien,
‑de l’autre la moder­ni­té ou l’hyper connec­ti­vi­té contem­po­raine aux prises avec les nou­veaux médias.
Pour le reste le lan­gage à inven­ter est sur­tout un lan­gage pour  » com­mu­ni­quer  » la psy­cha­na­lyse. Cette pré­ci­sion me semble impor­tante car lorsqu’il nous a été deman­dé de reve­nir sur notre expé­rience autour de la créa­tion de la revue en ligne Les enfants de la psy­cha­na­lyse pour ce col­loque qui s’intitule « Free asso­cia­tion », c’é­tait autour de l’i­dée que nous avions fait preuve de liber­té à l’é­gard de nos ins­ti­tu­tions en créant les Enfants de la psy­cha­na­lyse alors que nous étions tous trois élèves à la SPP.
Ce mot de liber­té, être libre ou se sen­tir libre de créer un sup­port pour dif­fu­ser la Psy­cha­na­lyse est essen­tiel der­rière notre ini­tia­tive. Mais il nous semble impor­tant d’a­jou­ter plus modes­te­ment que le titre ne le lais­sait entendre, que nous ne pen­sons pas avoir créé un nou­veau lan­gage mais sim­ple­ment que nous sommes convain­cus qu’il existe un lan­gage pour faire la pro­mo­tion de la Psy­cha­na­lyse au tra­vers des nou­veaux médias et que nous, en tant qu’analystes en for­ma­tion, nous devons nous l’approprier pour des ques­tions de sur­vie ! Un autre point en pré­am­bule, c’est un récit d’expérience que nous vous pro­po­sons, il est donc impor­tant de ne pas perdre de vue le contexte. C’est une expé­rience fran­çaise, et les débuts dont nous par­lons se situent en 2012, c’est-à-dire dans la tem­po­ra­li­té inter­net la pré­his­toire par rap­port à aujourd’­hui.

Sur­vivre dans le monde d’aujourd’hui :
Si l’on peut s’in­ter­ro­ger, voire s’in­quié­ter de l’i­mage ou la repré­sen­ta­tion de la psy­cha­na­lyse dans les socié­tés contem­po­raines, quelle place peut-elle occu­per sur inter­net, et com­ment uti­li­ser cet outil pour la rendre à la fois visible, et par­ta­ger quelque chose de sa spé­ci­fi­ci­té et de son actua­li­té dans le soin psy­chique, et la pro­mou­voir auprès d’un public plus large sans la dévoyer ?
Mais d’emblée, ne soyons pas trop néga­tif, si la psy­cha­na­lyse peut avoir une image pous­sié­reuse par­fois, elle est aus­si ali­men­tée par une curio­si­té constante de la part du grand public, et ne peut donc pas faire l’économie d’une repré­sen­ta­tion per­ti­nente et effi­cace. Si non c’est quelqu’un d’autre qui le fera (et moins bien) à notre place !

Héri­tage de Freud (Mythe des Ori­gines)
Dès le début la psy­cha­na­lyse est objet de contro­verses et d’attaques. Freud a com­bat­tu toute sa vie pour que sa psy­cha­na­lyse soit dif­fu­sée. Cha­cun de ses écrits témoigne de ce sou­ci de trans­mis­sion et de dif­fu­sion. S’il reste si acces­sible à une pre­mière lec­ture c’est qu’il sou­hai­tait se faire com­prendre, expli­quer ses thèses, mon­trer leurs évo­lu­tions, il sou­hai­tait trans­mettre. Toute son œuvre s’adresse ain­si à un large public comme aux ini­tiés.
Lorsque Freud rédige les sta­tuts de l’IPA, il intègre le motif répé­ti­ti­ve­ment de « dif­fu­ser et pro­té­ger ». Et lorsqu’il arrive aux Etats unis pour livrer ses confé­rences à la Clark Uni­ver­si­ty, en pro­cla­mant « Ils ne savent pas que je leur apporte la peste », allu­sion à l’aspect sub­ver­sif de ses théo­ries qu’il savait sul­fu­reuses, il est très pro­bable que Freud dif­fu­se­rait aujourd’­hui ses confé­rences via « sa » chaine You­Tube, et aurait créé un MOOC (Mas­sive Open Online Course)… Et on aime à pen­ser que s’il vivait aujourd’hui, on le sui­vrait sur twit­ter, Snap­chat ou encore Ins­ta­gram… Cette pro­jec­tion est sans doute exa­gé­rée, Freud n’était pas tou­jours si enclin à la moder­ni­té, par exemple il ne voyait aucun ave­nir dans le ciné­ma nais­sant que Lou Andréa Salo­mé lui avait fait découvrir….Néanmoins, 150 ans après la nais­sance de la psy­cha­na­lyse, la pen­sée de Freud est tou­jours aus­si vivace et, par voie de consé­quence, tou­jours autant atta­quée. Et comme en son temps, les détrac­teurs de la psy­cha­na­lyse cherchent à la réduire au silence.

Dans ce contexte, le psy­cha­na­lyste contem­po­rain, le psy­cha­na­lyste 2.0 oscille entre deux posi­tions, faire le dos rond, répondre aux attaques par une indif­fé­rence silen­cieuse, au risque de pas­ser pour une cari­ca­ture de psy­cha­na­lyste ou au contraire, mon­ter au cré­neau, prendre le dra­peau mili­tant de la défense de la psy­cha­na­lyse au risque de trans­gres­ser cer­taines lois non expli­cites du code ana­ly­tique. Comme…L’angoisse de vul­ga­ri­ser (Vul­ga­ri­sa­tion)
Il cir­cule ain­si une idée que nous ne devrions pas par­ler publi­que­ment de psy­cha­na­lyse avant de connaitre sur le bout des doigts tous les volumes des Oeuvres Com­plètes de Freud ! Et une autre est qu’on ne doit pas sim­pli­fier des concepts car on risque de les vul­ga­ri­ser !
Le mot est lan­cé, il est redou­table ! Dans le lan­gage com­mun, vul­ga­ri­ser serait péjo­ra­tif, cela dépré­cie­rait le conte­nu, cela lui enlè­ve­rait son aura de mys­tère. Or vul­ga­ri­ser c’est aus­si don­ner accès au plus grand nombre (vul­gus en latin =la foule), c’est trans­mettre. Il est même ques­tion de péda­go­gie…
Et c’est aus­si se mettre au niveau de nos concur­rents, ET ne pas recon­naitre que la psy­cha­na­lyse mais sur­tout les psy­cha­na­lystes sont mis en concur­rence, ça c’est du déni !
Pour résoudre la dif­fi­cile ques­tion de la trans­mis­sion de la psy­cha­na­lyse qui serait l’a­pa­nage des ana­lystes confir­més, on peut dire que ce que l’u­ni­ver­si­té trans­met de la psy­cha­na­lyse est sur­tout un savoir autour de la psy­cha­na­lyse. Et on peut consi­dé­rer à la suite de Freud que la trans­mis­sion de la psy­cha­na­lyse se fait par le biais de la cure et l’ex­pé­rience du trans­fert essen­tiel­le­ment, le reste serait la trans­mis­sion d’un savoir autour de… A par­tir de là cela nous laisse une grande liber­té …

Et pour des rai­sons de sur­vie, nous avons nous quelque chose d’im­por­tant à trans­mettre et dif­fu­ser et c’est une ques­tion en somme très nar­cis­sique, c’est l’i­mage de la psy­cha­na­lyse contem­po­raine ou du moins du « jeune » psy­cha­na­lyste contemporain…Transmettre cette idée que les psy­cha­na­lystes en 2018 et plus sont des êtres qui bougent, qui vivent qui s’in­té­ressent au monde envi­ron­nant, qui se posent des ques­tions, qui sont capables d’hu­mour et d’une cer­taine dose d’au­to­dé­ri­sion.… En gros une image qui nous valo­rise !… Donc en créant cette revue on tra­vaille aus­si pour le nar­cis­sisme du psy­cha­na­lyste d’au­jourd’­hui…

Quelques idées (non exhaus­tives) à pro­pos du mariage Inter­net et psy­cha­na­lyse :

Psy­cha­na­lyse, com­mu­ni­ca­tion et mar­ke­ting sont des mots qui ont ten­dance à ne pas faire très bon ménage mais qui néan­moins méritent d’être pen­sés et peut être en pre­mier chef par les psy­cha­na­lystes eux-mêmes. Inter­net, face­book, twit­ter outils de sim­pli­fi­ca­tion, de l’immédiateté, du nar­cis­sisme sans fond…Crainte d’une cer­taine vul­ga­ri­té pour ne pas dire por­no­gra­phie…! Inter­net recoupe plu­sieurs fonc­tions, c’est un média, mais c’est aus­si une vitrine. Ne pas exis­ter sur inter­net c’est comme ne pas appa­raitre dans l’annuaire de télé­phone. Inter­net c’est le meilleur et le pire à la fois. Ne pas exis­ter sur inter­net c’est se ran­ger du côté des para­noïaques. Exis­ter c’est mon­trer qu’on sup­porte une cer­taine mise en scène de soi, plus névro­tique donc !

Inter­net, un monde de liber­té sans limite ? Il existe sans doute une ten­ta­tion à la trans­gres­sion, mais comme pour le dis­po­si­tif de la cure, nous fai­sons appel au tiers. Nous allons poser une règle fon­da­men­tale : liber­té de parole MAIS à l’intérieur d’un cadre …Inter­net c’est aus­si la démo­cra­ti­sa­tion du savoir, les uni­ver­si­tés en ligne, les MOOC, ted confé­rences…. Au jour d’aujourd’hui il n’existe pas de Ted confe­rence sur la psy­cha­na­lyse, pas plus qu’une chaine you­tube dédiée à la psychanalyse…Une des grandes révo­lu­tions appor­tées par inter­net, est de don­ner accès à tous, par simples clics sur une notion, à des infor­ma­tions aupa­ra­vant uni­que­ment réser­vées à des spé­cia­listes. Au niveau spa­tio tem­po­rel, Inter­net est un peu une méta­phore du Ça. Absence de tem­po­ra­li­té ou plu­tôt accé­lé­ra­tion du temps, décloi­son­ne­ment des espaces, abo­li­tion des fron­tières, pul­sion­na­li­té outran­cière (cf le dark web) ….
Il s’agit donc bien d’un ter­ri­toire à conqué­rir pour les psy­cha­na­lystes ! Là où est le Ça, le Moi doit adve­nir…

Une scène pri­mi­tive ? 
Qu’est-ce que signi­fie être un ana­lyste en for­ma­tion aujourd’hui ? Dans le monde des socié­tés psy­cha­na­ly­tiques, en pre­mier lieu nous repré­sen­tons l’avenir …Ne jamais l’oublier ! Donc pas d’avenir sans can­di­dats, pas d’avenir sans inter­net …
Etre élève c’est avoir un sta­tut inter­mé­diaire, un pied dedans, un pied dehors, déjà affi­lié à une socié­té mais pas tout à fait membre de la socié­té en ques­tion. On retrouve cette posi­tion d’entre deux, entre héri­tage freu­dien et moder­ni­té, comme un miroir de ce sta­tut inter­mé­diaire de la psy­cha­na­lyse dans le monde moderne…Statut inter­mé­diaire qui peut avoir ten­dance à infan­ti­li­ser…
Pour un can­di­dat, il y a une timi­di­té, une crainte de la trans­gres­sion, un désir d’être le bon fils ou la bonne fille, par­fois même une cer­taine paranoïa…Il y a des lois expli­cites mais aus­si impli­cites du code ana­ly­tique et par­fois c’est flou. Chaque Socié­té a son propre cadre régis­sant son ins­ti­tut, même si elles agissent sous le cadre com­mun de l’IPA, il existe une très grande varia­bi­li­té d’un Ins­ti­tut à l’autre, d’un for­ma­teur à l’autre.
Dis­cré­tion, pro­bi­té réserve… Un can­di­dat est là pour se for­mer avant tout ! Or se for­mer prend de longues années…. Mais peut être les élèves ont-ils envie et besoin et sur­tout encore l’énergie et l’enthousiasme de prendre une par­tie de leur ave­nir en main… ?!
De notre point de vue prendre « notre ave­nir psy­cha­na­ly­tique » en main s’organisait autour de cette ques­tion de la dif­fu­sion de la psy­cha­na­lyse sur inter­net.

Le réel du can­di­dat entre sur­vie et audace :
L’audace c’est la créativité…Si on ne veut pas mou­rir comme le disait Otto Kern­berg, quand on est ana­lyste en for­ma­tion, il faut savoir résis­ter à une cer­taine inhi­bi­tion de la créa­ti­vi­té induite par les ins­ti­tuts de for­ma­tion.
Etre ana­lyste s’est savoir navi­guer entre deux pôles, deux ten­sions, recon­naitre la per­ma­nente conflic­tua­li­té de l’humain.  Pro­fi­ter de ce sta­tut inter­mé­diaire pour être créa­tif et conser­ver le côté vivant de la psy­cha­na­lyse
Toute la pro­blé­ma­tique du can­di­dat se retrouve dans ce para­doxe, pris entre une cer­taine reli­gio­si­té et de fait une cer­taine ser­vi­tude à l’égard de la théo­rie et en même temps un désir, une néces­si­té de liber­té sans laquelle tra­vailler en tant qu’analyste n’est pas pos­sible. Sacra­li­ser les textes ori­gi­naires mais aus­si les écrits ana­ly­tiques cou­rants c’est se refu­ser à une néces­saire vul­ga­ri­sa­tion de la théo­rie, or comme on vient de le rap­pe­ler, Freud lui-même ne rechi­gnait pas à cette idée…
Lorsque nous créons le site c’est avec ces para­mètres qu’il nous faut conju­guer
• Nous sommes élèves, et plein d’enthousiasme sur notre métier et les che­mins qu’ils nous res­tent à par­cou­rir…
• Nous vou­lons por­ter une cer­taine parole de la psy­cha­na­lyse dans le monde exté­rieur et donc « com­mu­ni­quer » sur inter­net sur le sujet de la psy­cha­na­lyse avec un esprit de conquête …
• Nous vou­lons don­ner une image des psy­cha­na­lystes, dépous­sié­rée, moderne et plus proche de notre réa­li­té. Exit le psy­cha­na­lyste silen­cieux dans sa tour d’ivoire, bien­ve­nue le psy­cha­na­lyste plein d’humour et d’autodérision !!!
• Nous vou­lons pou­voir chro­ni­quer avec un esprit jour­na­lis­tique, et pas écrire des thèses inac­ces­sibles
• Nous vou­lons mai­tri­ser, en par­tie évi­dem­ment (!) notre image et avoir une pos­si­bi­li­té d’encadrer le réfé­ren­ce­ment de notre nom sur les moteurs de recherche avec une logique geek…
• Et nous pen­sons que c’est à nous de le faire et pas à nos ins­ti­tu­tions afin de se sen­tir libre ! Pou­voir, par exemple mélan­ger les auteurs, ne pas trop se pré­oc­cu­per des que­relles de cha­pelle, vul­ga­ri­ser s’il le faut, s’emparer des réseaux sociaux sans deman­der l’autorisation à une instance…Ainsi née la revue, avec cet ADN là…

Et main­te­nant le «  sto­ry­tel­ling »…
Tout a com­men­cé un jour comme aujourd’hui. Nous étions 3 jeunes ana­lystes entrés récem­ment à la SPP, et nous nous sommes retrou­vés au 72è Congrès des Psy­cha­na­lystes de langue Fran­çaise in Bil­bao. Nous étions par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sés de ren­con­trer des ana­lystes en for­ma­tion venus d’autres pays, d’autres socié­tés ana­ly­tiques, preuve, s’il en fal­lait, de l’incontestable uti­li­té de l’IPSO ! Nous avons res­sen­ti un cer­tain dyna­misme, et avons eu l’impression d’entrer en contact avec quelque chose qui man­quait dans notre milieu ana­ly­tique fran­çais et même pari­sien.
En effet, notre enthou­siasme en face de notre nou­veau sta­tut d’élève, a très vite été miti­gé par la dif­fi­cul­té que nous avons pu obser­ver dans nos socié­tés ana­ly­tiques à défendre l’analyse de manière visible et per­ti­nente dans les médias contem­po­rains, inter­net, Face­book, twit­ter.… Et que, d’une manière plus géné­rale la ques­tion de la com­mu­ni­ca­tion pou­vait être fran­che­ment trau­ma­tique pour cer­tains psy­cha­na­lystes autour de nous. Nous avons par ailleurs, été agréa­ble­ment sur­pris d’apprendre que la Socié­té Espa­gnole avait même une cel­lule de réponse dans les médias.

Alors nous avons essayé de sai­sir quelque chose de ces ren­contres en créant une revue en ligne, dans laquelle on allie­rait une cer­taine rigueur à une ouver­ture, et en trou­vant une façon de pro­mou­voir la psy­cha­na­lyse sans la dévoyer.

Trou­ver un espace d’expression public per­ti­nent qui reven­dique une place dans la moder­ni­té et mon­trer ain­si toute notre créa­ti­vi­té. En somme une revue ambi­tieuse, qui veut pro­mou­voir sur inter­net la psy­cha­na­lyse et où le fond ne serait pas plus impor­tant que la forme, où la qua­li­té du conte­nu vien­drait flir­ter avec le mar­ké­ting et la stra­té­gie ; la tête et les jambes, cle­ver and sexy…!
Une revue qui peut per­mettre de répondre en tant que psy­cha­na­lystes dans l’immédiateté et la rapi­di­té des évè­ne­ments (ex : atten­tats, Pro­jets de lois …)
Et une revue qui aurait un style qui doit être per­ti­nent et imper­ti­nent, drôle mais jamais pué­ril, capable de manier l’autodérision mais sans excès de pathos, etc, etc…Nous lui cher­chons un bel embal­lage, une charte gra­phique, un nom, une ico­no­gra­phie, avec en tête ces deux pôles : clas­siques et modernes, ou encore sérieux mais imper­ti­nents…
Et pour le nom, le brains­tor­ming fut mémo­rable, mais très vite s’impose à nous « Les enfants de la psy­cha­na­lyse ».
Pour des rai­sons évi­dentes de réfé­ren­ce­ment, le mot « psy­cha­na­lyse » était essen­tiel dans le titre. Quant au mot « enfant », s’il nous a par­fois été repro­ché et sur­tout par des élèves qui crai­gnaient notre infan­ti­li­sa­tion par les hautes sphères de nos ins­ti­tu­tions, nous y tenions ! Car il réson­nait à nos oreilles comme un ras­sem­ble­ment géné­ra­tion­nel. Car sur­tout nous sommes tous des ENFANTS de Freud, tous des ENFANTS de la psy­cha­na­lyse…. ques­tion d’héritage !

Pour qui ?
La ques­tion de la cible était com­plexe, d’autant que lorsqu’on est sur Inter­net, on va cher­cher une cible mais sur­tout il faut se poser la ques­tion de quelle cible va venir « éco­lo­gi­que­ment » (natu­rel­le­ment) à nous, il faut pré­pa­rer le réfé­ren­ce­ment et anti­ci­per sur ce que le public peut espé­rer.
Nous savions qu’il fal­lait inté­grer l’idée rare que le site était ouvert aux ana­lystes comme aux non-ana­lystes, à ceux qui sont inté­res­sés par un point de vue psy­cha­na­ly­tique, comme aux étu­diants en psy­cho, phi­lo, méde­cine… La cible du public uni­ver­si­taire nous sem­blant essen­tielle puisque la psy­cha­na­lyse est de moins en moins repré­sen­tée dans les uni­ver­si­tés, tant en méde­cine qu’en psy­cho…
Il y a donc, un besoin de satis­faire une cer­taine curio­si­té du grand public tout en ména­geant les sus­cep­ti­bi­li­tés théo­riques des psy­cha­na­lystes che­vron­nés…
Grand écart ! Com­ment satis­faire tout le monde ?
La liber­té est là aus­si, nous déci­dons de ne pas satis­faire tout le monde, de faire dans cet entre-deux jus­te­ment et de plus se foca­li­ser sur là où sont les besoins (uni­ver­si­té, …) dans un esprit de conquête que sur les sus­cep­ti­bi­li­tés nar­cis­siques de nos pairs !

Com­ment ?
Deux idées forces : il n’y a pas d’internet sans réfé­ren­ce­ment ; un site inter­net sans public est une coquille vide.
Nous ne vou­lons pas nous expo­ser dans une belle vitrine qui ne serait vue que par notre famille…
Effec­tuer un tra­vail auprès des moteurs de recherche et des mots clefs mais aus­si anti­ci­per sur la ques­tion de la dif­fu­sion : En fonc­tion des 2 cibles dif­fé­rentes et en deux temps :
1) News­let­ter, mai­ling list de nos col­lègues, socié­tés psy­cha­na­ly­tiques et réfé­ren­ce­ment pour le public tout venant
2) Très vite on réa­lise que pour l’audience cette aven­ture ne peut se faire sans les réseaux sociaux pour attra­per un public beau­coup plus large et sur­tout plus jeune. Du coup on relaye face­book sur­tout pour la cible étu­diante Posts Face­book pour la com­mu­ni­ca­tion, mais nous n’avons pas encore fran­chit le pas twit­ter, ni insta…moins per­ti­nent d’après nous pour relayer nos infor­ma­tions.  (?)

Et à nou­veau, pour réunir tout le monde, il faut allier le fond et la forme.
Le fond : qua­li­té, diver­si­té, arts, thé­ma­tiques, inter­na­tio­nal, inter­views…
La forme : notre nom, et les sous titres (très drôles !!), forme à la fois clas­sique, sédui­sante et offrant des pos­si­bi­li­tés esthé­tiques.

A pro­pos du nerf de la guerre :
La ques­tion de com­ment finan­cer la revue s’impose très vite … C’est une ques­tion que nous n’avons pas encore résolue…Nous avons tous trois déci­dés d’investir » dans notre ave­nir psy­cha­na­ly­tique en pen­sant que dans un second temps nous pour­rions envi­sa­ger de trou­ver des finan­ce­ments (comme de la publi­ci­té pour les librai­ries ou pos­tu­ler pour des bourses ou encore trou­ver un mécène comme il en a exis­té dans l’histoire de la psy­cha­na­lyse… . Nous en sommes tou­jours là… !

Quant à notre exi­gence édi­to­riale a été de rap­pe­ler aux contri­bu­teurs que sur inter­net un lec­teur reste très peu et temps et pour être lu il faut des articles courts et pas trop com­plexes, acces­sibles et dyna­miques. Pas tou­jours simple de main­te­nir cette exi­gence sur­tout pour une dis­ci­pline comme la nôtre !

Pour la petite his­toire, un de nos 1ers enjeux étaient donc d’avoir du conte­nu, soit des articles à publier sur le site. Mais aus­si d’avoir une audience large…ET …avec en arrière-plan un autre enjeu de taille qui était de gagner une cré­di­bi­li­té, notam­ment auprès du public psy­cha­na­ly­tique, afin de les ras­su­rer et qu’ils puissent nous pro­po­ser des articles à leur tour, et bien enten­du lire notre Revue !
Il était donc impor­tant pour nous de pou­voir avoir, en plus d’articles publiés par de jeunes ana­lystes, quelques articles écrits par « de gros pois­sons ». Etant don­né la fri­lo­si­té dont nous avons par­lé pré­cé­dem­ment de beau­coup d’analystes, cela n’a pas été, vous pou­vez l’imaginer, une chose aisée au départ. Posi­tion que l’on peut aus­si com­prendre dans la mesure où cer­tains ont subi des revers com­plexes de leur parole tra­hie et per­ver­tie dans cer­tains médias ici en France sur­tout en réfé­rence à la ques­tion de l’autisme, confé­rant à cette ques­tion une réson­nance émi­nem­ment traumatique…Certains nous ont heu­reu­se­ment fait confiance et ont accep­té de se lan­cer dès le départ et nous leur en demeu­rons très recon­nais­sants.

Et pro­gres­si­ve­ment d’autres ont accep­té et même pro­po­sé spon­ta­né­ment de publier des articles dans notre Revue, même par­fois vexés que nous ne leur ayons pas encore deman­dé d’articles… !
Nous avons donc gagné ce pari, mais alors nous avons com­men­cé à avoir le pro­blème inverse : nous nous sommes ren­dus compte, comme cer­tains nous l’ont expri­mé, qu’à un cer­tain moment, cer­tains ana­lystes moins che­vron­nés n’osaient plus nous pro­po­ser d’articles, inti­mi­dés par les noms des autres.

Nous voi­ci aujourd’hui, cinq années plus tard, le site tourne mais les ques­tions de conte­nus, de faire évo­luer les inter­faces, de créer une chaine You­Tube, entre autres sont là dans nos têtes et nous n’avons aucune cer­ti­tude. Juste un peu d’expérience et encore beau­coup d’enthousiasme. L’opportunité donc, de par­ler aujourd’hui ici devant vous est donc par­ti­cu­liè­re­ment impor­tante pour nous, comme un retour aux sources, et nous pen­sons que vous avez un rôle impor­tant à jouer dans la pour­suite de cette aven­ture, qui, nous en avons la convic­tion, doit avant tout être une aven­ture col­lec­tive.
Que cha­cun puisse s’approprier cet outil pour s’exprimer, faire vivre la psy­cha­na­lyse, faire par­ta­ger ses inves­tis­se­ments, ses décou­vertes, les artistes, les pro­fes­sion­nels ou les pen­seurs qui les ont ins­pi­rés.

Pour conclure : retour à la liber­té…
Soyons modestes,
Qu’avons-nous fait ? Car s’il s’agit de par­ler de liber­té par rap­port à nos ins­ti­tu­tions, je ne crois pas que nous ayons été jamais mis en dif­fi­cul­tés par celles-ci.  Comme notre dis­cours était plu­tôt sen­sé, ils ont fait comme si on n’existait pas dans un pre­mier temps, puis plu­sieurs titu­laires for­ma­teurs nous ont pro­po­sé des articles en nous « remer­ciant de ce que nous fai­sions pour la psy­cha­na­lyse » !

Qu’avons-nous fait ? Pas grand-chose…Nous avons trans­gres­sé un ou deux inter­dits mais nous avons sur­vé­cu et en plus on a la côte auprès des ainés….

Ain­si en lan­çant la revue les Enfants de la Psy­cha­na­lyse exclu­si­ve­ment en ligne, on se confronte à deux inter­dits majeurs qui cir­culent dans les socié­tés :- On pro­pose une repré­sen­ta­tion du psy­cha­na­lyste, ou de la pra­tique psy­cha­na­ly­tique qui ne doit pas être repré­sen­té auprès du grand public
– On parle en tant que psy­cha­na­lyste alors qu’on est encore qu’élève psy­cha­na­lyste. Ce qui pour­rait signi­fier que l’on pour­rait dire des choses sur la psy­cha­na­lyse qui seraient approxi­ma­tives, voir impré­cises et du coup…. Sim­pli­fier et vul­ga­ri­ser !
En face de ces inter­dits de repré­sen­ta­tion (en tant qu’élèves des socié­tés psy­cha­na­ly­tiques), nous avons eu le sen­ti­ment d’être jus­te­ment confron­té à un impé­ra­tif de repré­sen­ta­tion. Impé­ra­tif de se repré­sen­ter la psy­cha­na­lyse, de se repré­sen­ter les psy­cha­na­lystes sous un jour vivant. Impé­ra­tif de sor­tir de la repré­sen­ta­tion mor­ti­fère du psy­cha­na­lyste exces­si­ve­ment silen­cieux, y com­pris dans les médias. Et impé­ra­tif à ouvrir nos pra­tiques et nos pen­sées au monde contem­po­rain tel qu’il est. Car en nous adap­tant à celui-ci, on peut en faire par­tie et résis­ter à son impi­toyable moder­ni­té, en pra­ti­quant si néces­saire l’hu­mour et l’au­to­dé­ri­sion, le déca­lage et le pas de côté, en somme l’es­prit ! Mais on ne pour­ra pas résis­ter à l’impitoyable moder­ni­té si on ne s’en approche pas, si on reste sur le côté, on risque de deve­nir aigris, para­noïaques et exclus…Mais s’il y a une idée autour de la liber­té qui nous est chère c’est celle-ci…oui nous nous sommes sen­tis libres de nous empa­rer de cette dif­fu­sion mais il n’y a pas de liber­té sans sur­moi, et cette liber­té donc, c’est sur­tout celle d’avoir déci­dé de faire confiance à notre sur­moi ana­ly­tique…. Entre trans­gres­sion, tier­cei­té et créa­ti­vi­té …