Nils-Udo, La Couvée (2018) @fondationcarmignac

« Docteur, gardez-les moi précieusement »

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« Elle n’était pas facile à admettre, cette véri­té, que le temps com­men­çait à jouer contre moi.
Que je deve­nais une poten­tielle mère tar­dive ou, pire, dans notre pays ultra-nata­liste, une ‘femme sans enfant’… Est-ce qu’à la fin de ma vie, je n’allais pas regret­ter de ne pas avoir été maman ? Est-ce que mon désir de fon­der une famille ne se réveille­rait pas trop tard ? Je n’ai jamais été stres­sée par cette ques­tion de la mater­ni­té mais, à la moi­tié de la tren­taine, cette sou­daine prise de conscience m’a fait l’effet d’un élec­tro­choc. La vie pas­sait bien plus vite que je ne l’avais ima­gi­né !
Il me fal­lait être lucide : il n’y avait aucune rai­son que ma vie change dans la décen­nie qui s’annonçait. Je serai hap­pée par mon bou­lot, tou­jours céli­ba­taire et heu­reuse de l’être, empor­tée par le tour­billon de la vie pari­sienne dans ce qu’elle a de plus exal­tant et de plus épui­sant. Il n’y avait aucune rai­son pour que cela change… à moins que je ne décide d’opérer un virage. J’allais devoir me confron­ter à des choix pas for­cé­ment agréables. »

Ces mots sont ceux de Myriam, mais ils pour­raient être ceux d’Elsa, d’Hélène ou de Marie. Et de tant d’autres. Ces femmes, ce sont mes patientes. Elles appar­tiennent à cette géné­ra­tion des Fran­çaises nées dans les années 80, qui ont gran­di dans l’idée que le com­bat de la pari­té était presque gagné. Qu’il avait été sur­tout celui de leurs aînées, leurs grands-mères et mères qui se sont bat­tues pour obte­nir la liber­té de faire des études, de s’épanouir sur le plan pro­fes­sion­nel, de jouer leur carte dans la par­ti­tion éco­no­mique, sociale, cultu­relle, de faire car­rière.  Femmes du XXIè siècle, elles appré­cient de se nour­rir, elles aus­si, d’un pré­sent sou­vent riche et cha­hu­té. Le pro­jet d’enfant, s’il est tou­jours à l’horizon, ne fait pas par­tie des urgences. « Elles aus­si » : oui, comme beau­coup d’hommes. Sauf qu’eux ne subissent pas les lois d’une cer­taine hor­loge bio­lo­gique… Et qu’eux ne voient pas leur inti­mi­té mise à mal quand ils décident d’être papas sur le tard.

Dans mon cabi­net, elles s’épanchent. Décon­te­nan­cées par cette réa­li­té : elles peuvent pré­tendre à des postes de diri­geantes de grandes socié­tés, elles ont des chances de vivre qua­si cen­te­naires, mais leur temps de fer­ti­li­té, lui, n’a pas bou­gé. Leur corps n’a pas pris le tour­nant des trans­for­ma­tions sociales, leur corps obéit à de vieilles règles natu­relles. Elles vivent comme des hommes, mais leur fer­ti­li­té n’a pas la même liber­té…
Jus­te­ment, se disent-elles, et si cette ques­tion de la fécon­di­té pou­vait dépendre d’elles ? Et si jus­te­ment, après leurs aînées, elles s’emparaient de ce com­bat-là ? De cette pari­té-là ? Le droit de faire un enfant plus tard, quand je serais prête. De s’affranchir de l’angoisse de la vie bio­lo­gique.

La vie bio­lo­gique d’une femme ? On peut la résu­mer ain­si : c’est en gros prendre la pilule entre 18 et 25 ans, au moment où la femme connaît des pics hor­mo­naux qui la rendent très féconde, se faire poser un sté­ri­let entre 25 et 35 ans, après, en venir à faire appel à des aides médi­cales (hor­mones ou FIV) pour pro­créer pas­sés 35 ans.
35–40 ans…, le moment où elles atteignent leur per­for­mance pro­fes­sion­nelle. En contra­dic­tion avec celle de leur corps.
Le réveil peut être dou­lou­reux. Elles ont beau savoir qu’elles ont un temps défi­ni pour avoir un enfant, elles n’ont pas tou­jours une réelle conscience du pro­blème. Entre celles qui pensent qu’elles trou­ve­ront le com­pa­gnon juste à temps, celles qui pensent qu’elles ne seront plus fer­tiles à la seule méno­pause, celles qui ima­ginent qu’elles feront aus­si bien que les Moni­ca Bel­luc­ci ou autres Adria­na Karem­beu, aux gros­sesses tar­dives com­plai­sam­ment rela­tées par les médias, les façons de se leur­rer sont nom­breuses.
Faut-il le rap­pe­ler ?

Si, au moment de sa nais­sance, la petite fille a déjà tous ses ovo­cytes, ces der­niers, chez une jeune femme en bonne san­té, sont de qua­li­té variable, avec un cer­tain pour­cen­tage de défauts dans la struc­ture ou le nombre de chro­mo­somes. C’est ce qui explique qu’il faille par­fois des mois, voire des années, pour tom­ber enceinte, et qu’une gros­sesse puisse se sol­der par une fausse-couche. Vers l’âge de 35 ans, les femmes sont confron­tées à une chute de fer­ti­li­té : les chances de deve­nir enceinte dimi­nuent brus­que­ment à mesure que leurs ovo­cytes dimi­nuent en nombre et en qua­li­té. À 40 ans, la femme a moyenne 5% de chances de tom­ber enceinte à chaque cycle. À 45 ans, c’est 1%.

Face au choc de la réa­li­té du temps qui passe, que faire ?

L’accepter ? S’angoisser ? Se jeter sur le pre­mier géni­teur qui passe ? Ou se tour­ner vers une solu­tion médi­cale ?

Jusqu’à pré­sent, les méde­cins n’avaient aucun moyen de répondre à cette alté­ra­tion ova­rienne des femmes.
Jusqu’en 2011, lorsque la congé­la­tion ovo­cy­taire a été ren­du pos­sible. Pour des rai­sons pure­ment médi­cales, il est vrai. Conge­ler ses ovo­cytes, par « conve­nance », uni­que­ment pour essayer de pré­ser­ver sa fer­ti­li­té, est inter­dit en France.

La congé­la­tion d’ovocytes pour des motifs médi­caux c’est, par exemple, pour pré­ser­ver la fer­ti­li­té de patientes atteintes de can­cer, dont les ovules pour­raient être endom­ma­gés par les trai­te­ments chi­mio­thé­ra­piques. Cette tech­nique, appe­lée « pré­ser­va­tion de la fer­ti­li­té », fait par­tie inté­grante des lois de bioé­thique. Une fois gué­ries, ces femmes, quand elles auront ren­con­tré la bonne per­sonne, peuvent ten­ter d’accéder à la mater­ni­té.
L’auto-conservation de ses ovo­cytes sans rai­son médi­cale est donc inter­dite en France. Sauf depuis 2015 pour les femmes qui donnent leurs ovo­cytes dans un but altruiste. Celles qui choi­sissent de don­ner leurs ovo­cytes pour d’autres peuvent en conser­ver une par­tie ensuite pour elle… Éton­nant chan­tage qui mécon­naît la moti­va­tion du don, en géné­ral sans contre­par­tie – on donne ses ovo­cytes par altruisme, comme on donne son sang, on le fait pour aider un couple en attente d’enfants -, et qui sou­met les femmes en désir de mater­ni­té à un don­nant don­nant pas évident à admettre, ni à vivre…

Confron­tées à cette inter­dic­tion fran­çaise, cer­taines femmes se tournent vers l’Espagne, la Bel­gique, entre autres, pour pré­ser­ver leur fer­ti­li­té. Si les gyné­co­logues fran­çais savent faire mais n’ont pas léga­le­ment le droit de le faire, il en est qui acceptent de suivre leur sti­mu­la­tion durant leurs ten­ta­tives, jusqu’à don­ner le go (en col­la­bo­ra­tion avec les équipes étran­gères) pour qu’elles partent au moment ad hoc réa­li­ser la ponc­tion et la congé­la­tion de leurs ovo­cytes à l’étranger.

De cette ini­tia­tive, elles attendent une libé­ra­tion. Fini la pres­sion de l’horloge bio­lo­gique. Fini l’égrènement du sablier qui réduit, grain après grain, mois après mois, les chances de pro­créer. Assu­rance contre l’anxiété du temps qui passe. « J’aurai peut-être un jour, qui sait, besoin d’une FIV, donc autant que ce soit avec mes ovo­cytes jeunes. »
Éton­nam­ment, il arrive assez sou­vent qu’après avoir fait conge­ler leurs ovo­cytes, les femmes ren­contrent un par­te­naire… Tiens, tiens… Sécu­ri­sées, auraient-elle gagné une nou­velle façon d’aborder l’autre ?  « Avant quand je regar­dais un homme, je voyais un pour­voyeur de spermes, confie Anne. Main­te­nant, quand je regarde un homme, je vois d’abord un homme, un être humain, un par­te­naire amou­reux pos­sible, seule­ment après un père. » Comme si l’intimité du couple ces­sait d’être para­si­tée par le poids de l’enfant.

Reste qu’il s’agit d’un véri­table par­cours de la com­bat­tante, aus­si stres­sant que soli­taire. Où l’intimité, de l’âme comme du corps, est mise à l’épreuve. Epreuve, c’est le mot.
Petite leçon pour les Nuls sur ce qu’implique la pré­ser­va­tion d’ovocytes. Il faut comp­ter deux semaines de sti­mu­la­tion ova­rienne, à coup d’injections quo­ti­diennes d’hormones, asso­ciées à des contrôles régu­liers, san­guins et écho­gra­phiques. Puis, lorsque l’on pense que les ovo­cytes sont matures, on déclenche l’ovulation par injec­tion, et, 48 heures après, on ponc­tionne des ovo­cytes au bloc opé­ra­toire. Ponc­tion qui peut se faire par anes­thé­sie locale ou géné­rale, qui dure une ving­taine de minutes… et la patiente rentre chez elle.

Cette pro­cé­dure n’est pas sans com­pli­ca­tions, bien que très rares (hyper­sti­mu­la­tion ova­rienne, per­fo­ra­tion de la ves­sie…), et elle n’est pas sans risques, dont celui d’apprendre que la quan­ti­té d’ovules récu­pé­rés est bien infé­rieure à celle néces­saire pour espé­rer obte­nir une nais­sance…

Tout ce che­mi­ne­ment n’est pas ano­din. L’intimité (de fait, quoi de plus intime que l’appareil géni­tal ?) est consi­dé­ra­ble­ment bous­cu­lée. Sur le plan phy­sique, mais aus­si psy­cho­lo­gique, affec­tif.

Pas évident de dévoi­ler son pro­blème de fer­ti­li­té devant un étran­ger en blouse blanche. Prendre ce ren­dez-vous, déjà, c’est un pre­mier pas. Après, il fau­dra dire. Par­ler de sa vie pri­vée d’adulte sans enfant dans cette socié­té où l’on vous presse d’un « Et toi tu t’y mets quand ? » Évo­quer ce ver­tige du temps qui est pas­sé, cette absence de com­pa­gnon par­fois, cette culpa­bi­li­té, ou non, d’avoir géré plei­ne­ment sa vie pro­fes­sion­nelle au point d’en avoir oublié de bien « gérer » ce temps bio­lo­gique limi­té. D’être à 35–37 ans en couple avec un homme qui ne se dit pas prêt à avoir un enfant… Ou de ne pas res­sen­tir encore soi-même le désir d’être mère…

Qu’elles le veuillent ou non, cette déci­sion de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard, c’est les obli­ger à pen­ser aux rai­sons pour les­quelles elles se trouvent dans cette situa­tion.

Tout alors revient. Leur dif­fé­rence par rap­port à une socié­té qui valo­rise la mater­ni­té, la tris­tesse d’être seule, leurs déboires sen­ti­men­taux, leur impres­sion d’être tri­bu­taire du désir de leur com­pa­gnon, leur peur de devoir peut-être faire un enfant seules… Elles ne sont pas dans les « normes », soit, mais ont envie quand même de pré­ser­ver leur fer­ti­li­té. De se don­ner les chances d’avoir un jour un bébé.

Autre inti­mi­té bous­cu­lée : en s’attelant ensuite à ces exa­mens phy­siques, elles se confrontent au mys­tère de leur inti­mi­té bio­lo­gique.
Pour beau­coup c‘est une pre­mière. Fou de consta­ter à quel point leur ana­to­mie et leur fonc­tion­ne­ment bio­lo­gique leur sont mécon­nus. Sou­vent elles ignorent où se trouvent leurs ovaires, ce qu’est un ovule…

« Faire tout ce pro­ces­sus m’a per­mis de me recon­nec­ter avec mon corps, com­prendre com­ment tout marche – ou pas par­fois – et main­te­nant cela me donne envie d’être enceinte car je vois le côté fas­ci­nant de la chose et non le côté han­di­ca­pant. » (Myriam)

« Cette congé­la­tion et donc ces ovo­cytes m’ont per­mis de prendre conscience que mon corps pou­vait fabri­quer un bébé, étape sans doute néces­saire pour moi qui n’étais pas trop inté­res­sée par cette ques­tion jusqu’alors. » (Syl­vie)

« Le fait d’avoir ces ovo­cytes me donne para­doxa­le­ment envie de ne pas pas­ser par une FIV sur le tard, moi qui ai pour­tant pris des dis­po­si­tions pour. » (Flo­ra)

 L’intimité remuée, remise en cause…
En deman­dant cette congé­la­tion elles se découvrent. En espé­rant s’acheter du temps, elles s’avancent aus­si vers un nou­veau registre intime. Libé­rées du temps qui passe, elles se libèrent un espace psy­chique. Les voi­là plus légères, moins pres­sées de devoir ren­con­trer « l’homme de leur vie ».

« Je sais que mes ovo­cytes m’attendent, confie Sarah, et que cela m’offre une res­pi­ra­tion. J’ai l’impression que la Sarah intime peut conti­nuer à croire à la bonne ren­contre, quitte à ce qu’elle soit tar­dive, alors que la Sarah sociale et bio­lo­gique com­men­çait à flip­per. »

Ou encore Claire : « C’est comme si quel­qu’un avait reti­ré une bombe à retar­de­ment de mon corps, puis m’a­vait remis une assu­rance médi­cale sous la forme d’ovocytes conge­lés. Je me sens encore plus forte main­te­nant. »

La congé­la­tion des ovo­cytes est deve­nue tel­le­ment popu­laire aux US que des employeurs tels que Apple et Face­book l’ajoutent à leur conven­tion col­lec­tive afin que leurs employées femmes qui sou­haitent y pro­cé­der soient rem­bour­sées de leur trai­te­ment. Des grands-parents contri­buent au finan­ce­ment de la pro­cé­dure comme s’il s’a­gis­sait d’un inves­tis­se­ment pour une mai­son.

Faci­li­té, moder­ni­té, com­mo­di­té : mais n’est-ce que cela ? Et n’aurait-on pas ten­dance à faire de ce par­cours, certes dif­fi­cile, un che­min uni­que­ment béné­fique ?

Car il est loin d’être rose… Déjà, dès la consul­ta­tion. Cer­taines se demandent ce qu’elles font là. « A quel moment me suis-je trom­pée de che­min pour que j’en sois venue à envi­sa­ger de conge­ler mes ovules ? Si je suis ici, c’est sans doute parce que j’ai échoué quelque part… » (Léa)

A l’heure de l’intervention, les ques­tions redoublent :
«  Au moment de la ponc­tion, raconte Isa­belle, j’ai eu l’impression d’être mar­quée phy­si­que­ment et sym­bo­li­que­ment (la ponc­tion se fait par voie vagi­nale à l’aide d’une sonde et d’un guide au bout duquel il y a une aiguille qui tra­verse le vagin pour récu­pé­rer les ovo­cytes dans les ovaires) : j’étais celle qui avait raté sa vie pour en être là. J’étais comme mar­quée au fer rouge, celle qui n’a pas réus­si à avoir un enfant… »

 Pas rose non plus lors de « l’après », ce moment fati­dique, des années plus tard, quand elles choi­sissent d’avoir recours à leurs ovo­cytes conge­lés.
Les cli­niques de fer­ti­li­té ont ten­dance à pro­mou­voir la congé­la­tion des ovo­cytes comme quelque chose qui peut « arrê­ter le temps ». Beau­coup de femmes pensent inves­tir dans une caisse d’as­su­rance… leur assu­rant à tout coup un futur bébé.

Mais le cal­cul ne tient pas tou­jours. Selon les don­nées des cli­niques, une femme qui congèle 10 ovo­cytes à 36 ans a envi­ron 45 % de chance d’avoir un bébé. Les chances sont plus éle­vées pour les femmes plus jeunes. Elles aug­mentent éga­le­ment avec le nombre d’ovocytes sto­ckés. Mais les chances de suc­cès varient tel­le­ment d’un indi­vi­du à l’autre que les spé­cia­listes de la repro­duc­tion affirment qu’il est presque impos­sible de pré­dire le résul­tat à l’aide de don­nées glo­bales. Me vient en mémoire la ten­ta­tive de Sarah : deux de ses ovo­cytes n’a­vaient pas sur­vé­cu au pro­ces­sus de décon­gé­la­tion. Trois autres n’a­vaient pas réus­si à fécon­der. Res­taient six embryons, dont cinq qui sem­blaient anor­maux. Le der­nier a été implan­té dans son uté­rus. Le matin du résul­tat : nou­velle dévas­ta­trice : ses chances de por­ter son enfant géné­tique venaient de tom­ber à zéro.  Elle se sou­vient d’a­voir crié comme « un ani­mal sau­vage », s’être effon­drée sur le sol. « Ce fut l’un des pires jours de ma vie. ». Dure confron­ta­tion avec la réa­li­té. Comme si le déni de la perte, celle de la fer­ti­li­té, celle de ne pas avoir d’enfant, venait lui aus­si de se décon­ge­ler….

Désar­roi d’autant plus âpre qu’on pen­sait avoir gagner une sorte d’assurance…vie. Outre celle d’un enfant à soi, celle d’une pro­lon­ga­tion de soi aus­si. Ad vitam æter­nam… Car l’ovocyte, ce petit mor­ceau de soi conge­lé, a fina­le­ment un poten­tiel de vie qui existe et co-existe… à côté de soi. Et s’il n’est pas uti­li­sé, il res­te­ra pour l’éternité à jamais fécon­dable… Une pro­lon­ga­tion de soi comme une des­cen­dance…
O fan­tasme d’immortalité ! O fan­tasme du tout pro­gram­mé.

Nils-Udo, La Couvée (2018) @fondationcarmignacLa psy­cha­na­lyste Delai­si de Par­se­val  voit dans cette volon­té de congé­la­tion des ovo­cytes par conve­nance, une volon­té de tout maî­tri­ser : après le bon job, le bon appar­te­ment, le bon par­te­naire… le bon enfant au bon moment ? « Comme si, sou­ligne-t-elle, dans un pro­jet de mater­ni­té, rien n’était plus rin­gard que le hasard ! A quand l’assurance pour la mort ? »
Et elle évoque le mythe de Faust qui don­nait son âme au diable en l’échange d’années sup­plé­men­taires ? Les femmes, ne troquent-elles pas leurs ovo­cytes en échange de temps pour pou­voir faire car­rière, vivre leur jeu­nesse et sur­tout trou­ver le père idéal ? Loin de ces com­pa­rai­sons, plus pro­saï­que­ment, les femmes d’aujourd’hui voient avant tout dans ce pro­cé­dé, une pro­po­si­tion qui tombe à pic, qui répond à leur sou­hait de faire des enfants plus tard.  Mais atten­tion à la décep­tion si, le jour venu, les ovo­cytes ne répondent pas à leur attente. Ce temps sup­plé­men­taire ne leur aura alors ser­vi qu’à les ber­cer d’illusions. Les méde­cins les plus hon­nêtes veillent à ne pas leur don­ner de faux espoirs, leur rap­pellent que la congé­la­tion ne garan­tit pas abso­lu­ment de mettre un jour au monde un bébé, qu’elles doivent pré­voir un plan B.

« Doc­teur gar­dez-les moi pré­cieu­se­ment ! », une demande encore timide, encore fra­gile, que la légis­la­tion et la science, for­ti­fie­ront pro­ba­ble­ment à l’avenir.

Une demande encore timide, certes. Reste dans ce sou­ci des femmes de ne plus se lais­ser dic­ter leur vie au gré de leur hor­loge bio­lo­gique, une volon­té de s’emparer d’une tech­nique pour mieux maî­tri­ser leur inti­mi­té et prendre leur des­tin en main.