Prix de l’IJP- Acte V : Trois mois après le début du reste de nos vies de psychanalystes. Eloge des groupes de travail

Qua­trième ces­sion par visio-confé­rence, la der­nière de ce cha­pitre-ci, dans notre groupe inter­na­tio­nal de col­lègues venus se sup­por­ter et pen­ser l’évènement Covid dans ses mul­tiples consé­quences. Le moment de pen­ser peut-être à l’après, en ima­gi­nant qu’une telle expé­rience méri­te­rait d’être consi­gnée et per­drait à s’atténuer avec le temps jusqu’à l’oubli. Tout ce tra­vail, sa par­ti­cu­lière sin­cé­ri­té et inten­si­té, pour­raient-ils nous ser­vir d’amulette pour conju­rer la pos­sible éven­tua­li­té de revivre l’inédit, lequel en prin­cipe ne se vit qu’une fois, c’est même là son meilleur et pire côté !

« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » – Héra­clite

Incer­ti­tude dont nous avons tant par­lé dans nos échanges avec le cadrage de Janine Puget et de Moni­ca Horo-vitz, ce duo Argen­tin, sen­si­bi­li­sé aux contextes catas­tro­phiques et leur impact sur la vie en géné­ral et sur la pra­tique psy­cha­na­ly­tique en par­ti­cu­lier. Agi­ta­tions de pen­sées sur fond de temps au ralen­ti et des rues vides comme des natures mortes-vivantes. Lire et par­ta­ger les pro­duc­tions des col­lègues était un plai­sir de chaque ren­contre, ces cli­niques sans fron­tières fer­mées, par­lant des dif­fé­rents lieux : ins­ti­tu­tions, cabi­nets, par­fois nos domi­ciles, sites pro­vi­soires de pra­tiques dis­tan­ciées quand on ne peut faire autre­ment… Des groupes ont ain­si four­millé d’idées sur la meilleure façon de conti­nuer alors que le monde s’arrêtait au dia­pa­son quo­ti­dien de slo­gans sani­taires para­doxaux. Cette usine à confu­sion a pro­duit ses effets dans les­quels nous avons été pro­je­tés avec nos patients en attente urgente d’une action pro­tec­trice de notre part, action idéa­li­sée et dési­déa­li­sée puisque pré­sen­tée d’abord comme « non essen­tielle », avant de reve­nir dans les grâces du sani­taire. L’infantile en nous retrou­vait un temps le mau­vais oeil, avec sa solu­tion dans le génie de la lampe frot­tée au gel hydro-alcoo­lique et n’exhaussant qu’un voeux, celui de l’écoute incon­di­tion­nelle : encore et tou­jours cette sin­cé­ri­té totale contre une dis­cré­tion abso­lue !1 

Une qua­trième dimen­sion : l’inconnu simul­ta­né dans le dedans et le dehors

Les effets du cock­tail alar­mant dans toutes les dimen­sions de notre réa­li­té « socié­té-média-col­lègues-famille-cabi­net », ont reten­ti jusque dans nos inté­rio­ri­tés, tout notre envi­ron­ne­ment atta­quait une conti­nui­té interne, ce qui ren­dait dif­fi­cile de tenir nos places bou­le­ver­sées par les évè­ne­ments. Je me sou­viens d’une col­lègue en super­vi­sion inquiète de savoir com­ment elle pour­rait conti­nuer à être là où on la trou­vait depuis plus de 20 ans. Elle me racon­tait que son choix même d’achat de cabi­net, plu­tôt que d’une loca­tion, était orien­té par la néces­si­té éthique de la conti­nui­té, ayant ima­gi­né toutes sortes de situa­tions extrêmes de per­tur­ba­tions sociales, fina­le­ment assez proches du récent confi­ne­ment.

Une ques­tion plus géné­rale concer­nait cet idéal d’être tou­jours là, de toutes les manières pos­sibles, pour nos patients, sans trop s’exposer ou les expo­ser aux risques d’infection. Ces risques par ailleurs mis en pers­pec­tive avec la menace de perte des liens et de reve­nus, les deux pou­vant se conju­guer de manière hau­te­ment toxique et insé­cu­ri­sante pour qui­conque n’est pas assis sur un tas d’or, et peu le sont. Cette accu­mu­la­tion d’inconnues, a peut-être créé une sorte de qua­trième dimen­sion, faite d’incertitude, dans laquelle le seul point d’ancrage est comme sou­vent l’infantile, que j’ai pu déjà envi­sa­ger sous l’angle de la coex­ci­ta­tion libi­di­nale et de l’hypothèse d’un fac­teur mater­nel2  propre à la séance, révé­lés par une inquié­tante étran­ge­té dans une durée à plu­sieurs reprises pro­lon­gée par déci­sion d’État. Sou­ve­nons nous que ce qui est sup­por­table pen­dant un court ins­tant dans l’expérience freu­dienne d’Uncheimlich3,  peut être une orga­ni­sa­tion à part entière dans l’angoisse de mor­cel­le­ment qui dure et abou­tit à une explo­sion psy­cho­tique par­tiel­le­ment répa­ra­trice.

Ici point de salut dans la solu­tion psy­cho­tique, nous étions pauvres névro­sés comme dans le clin d’œil de Pierre Des­proges à la psy­chia­trie, essayant d’expliquer la dif­fé­rence entre la psy­chose et la névrose : « Un psy­cho­tique, c’est quelqu’un qui croit dur comme fer que 2 et 2 font 5, et qui en est plei­ne­ment satis­fait. Un névro­sé, c’est quelqu’un qui sait per­ti­nem­ment que 2 et 2 font 4, et ça le rend malade ! »… Ce qui rejoint le fameux « ne devient pas fou qui veut » de Lacan (1946, dans Pro­pos sur la cau­sa­li­té psy­chique ), para­doxe que M. Horo­vitz a très tôt rele­vé, sou­li­gnant, qu’après tout, les patients psy­cho­tiques sont le moins à risque de se désor­ga­ni­ser quand le monde devient si fou dehors. Les aspects d’inconnu et d’incertitude, cette qua­trième dimen­sion fai­sant vaciller le dedans et le dehors, ont natu­rel­le­ment mobi­li­sé le connu sous formes de nos amis et connais­sances, les col­lègues-frères liés par le « pacte de la crise » et l’impératif posé par le groupe d’élaborer libre­ment, avec cli­niques et rêve­ries, qui ont tenu les cer­ti­tudes à dis­tance. Celles-ci peuvent être une sou­daine ten­ta­tion de res­sai­sie du ter­ri­toire inté­rieur, néces­saire et dan­ge­reuse, sou­mise heu­reu­se­ment au dis­cours de l’autre et de son influence, sans quoi c’est la para­noïa, qui n’a pas man­qué d’habiter les afi­cio­na­dos de la science et du buzz. Les effets pro­tec­teurs de ces groupes au tra­vail sont encore plus sen­sibles sous la menace, offrant une alter­na­tive à tous les prêt-à-pen­ser ser­vis y com­pris par nos orga­nismes psy­cha­na­ly­tiques infec­tés, qui se sont vite avé­rées mal ajus­tées dans leur réponse, comme un « élé­phant dans un maga­sin de por­ce­laine » disent les fran­çais. Beau­coup d’agitation numé­rique, des conseils sous forme de mode d’emploi ou d’injonctions, ache­vaient de nous infan­ti­li­ser, alors que nous l’étions déjà bien assez par le contexte géné­ral qui res­sem­blait par sa nature, à celle des ter­reurs noc­turnes face aux­quelles cha­cun essayait de retrou­ver son apti­tude à rêver de nou­veau et de tra­vailler aus­si bien que pos­sible à l’abri des intru­sions fra­cas­santes du cau­che­mar.

Il est pro­bable, quand on est infan­ti­li­sés à ce point, que l’on puisse perdre le contact avec sa propre dis­po­ni­bi­li­té infan­tile dans le trans­fert, patiem­ment usi­née durant nos ana­lyses per­son­nelles. Infan­ti­li­sés, on se retrouve enfant « rap­pe­lés » à se laver les mains, les dents et ran­ger sa chambre, ce qui conduit au dan­ger « d’hygiéniser » son espace ana­ly­tique et attendre que quelque chose nous sorte de l’impasse… Ce quelque chose s’est incar­né dans ces quelques groupes qui ont rapi­de­ment émer­gé de la stu­peur, et qui ont essayé de pen­ser cet actuel encom­brant au poten­tiel trau­ma­tique. La stu­peur était bien com­pré­hen­sible, pour ceux qui se sont retrou­vés ne serait-ce que dans un super­mar­ché au début de la crise. Ils n’ont pas man­qué de voir que les figures grecques des Bien­veillantes (Eume­nides) qui deviennent Eri­nyes, étaient plus qu’actuelles, enten­dons que les ana­lystes ne sont pas dupes, ou ne devraient pas l’être, de l’éternel poten­tiel du meilleur comme du pire chez soi et l’Autre : être Hit­ler, ou une Madone oubliée … Le  Neben­mensch-ce pro­chain, est un deuil à faire, nous le savons tou­jours incom­plet, et ce qui nous en reste ne cesse de reve­nir dans les enjeux du quo­ti­dien. A leur tour, ces groupes ont pu pré­ci­sé­ment incar­ner ce reste avec son inté­rio­ri­té riche et mul­tiple, dés­in­car­cé­rant l’imago de sa mas­si­vi­té, sans tom­ber pour autant dans l’écueil des bons sen­ti­ments dégou­li­nants d’illusions d’amour incon­di­tion­nel.

Des témoi­gnages d’autres col­lègues indiquent d’ailleurs, qu’à l’étranger, se sont aus­si spon­ta­né­ment consti­tués nombre de groupes, réponse à l’atomisation sani­taire du cha­cun chez soi, mais aus­si sans doute dans un besoin d’écart d’avec les ins­ti­tu­tions psy­cha­na­ly­tiques « mères ». Cela a été vital que de se déga­ger ain­si des racines ins­ti­tu­tion­nelles, qui demeurent mani­fes­te­ment, quel que soient les cir­cons­tances, des dépo­si­taires et gar­diennes d’une doxa et d’une visée péda­go­gique… Or, ce n’est sûre­ment pas de péda­go­gie dont nous avions besoin à ce moment là…

« Qui a tué le Cha­cal ami de l’homme ? » (Coluche dans « le fou de guerre »)

L’ambiance de cette période char­nière satu­rée de ten­ta­tions d’un retour à l’avant et d’espoirs d’un monde nou­veau-enten­du comme meilleur, m’a fait pen­ser à une comé­die fran­co-ita­lienne de Dino Risi (1985), au titre bien évo­ca­teur de Fou de guerre (Sce­mo di guer­ra). Ce film se déroule durant la seconde guerre mon­diale dans un camp médi­cal d’arrière-garde de l’armée ita­lienne au milieu du désert Libyen. Un jeune psy­chiatre rejoint la gar­ni­son et se trouve accueilli par un chef fou ( Coluche ) et heu­reux dans les repères de la vie mili­taire, ne vou­lant rien savoir des chan­ge­ments qui se pro­duisent tout autour de ce petit uni­vers pro­té­gé au milieu d’une tra­gé­die pla­né­taire : une méta­phore très concrète de ce qu’est une oasis dans un en envi­ron­ne­ment hos­tile. Une sorte de confi­ne­ment avec ses béné­fices secon­daires et ses per­ver­sions, dont l’éventualité de la perte d’emprise de cet éco­sys­tème infan­ti­li­sant et pro­tec­teur, mena­ce­rait les conte­nants psy­chiques de for­tune. Le jeune psy­chiatre repère les folies pri­vées et publiques de ce chef dont l’absurdité des ordres et contre-ordres pour­rait bien avoir ins­pi­ré quelques annonces gou­ver­ne­men­tales du début du confi­ne­ment : dans une atmo­sphère où tout est flou, et donc un peu fou, tout ou presque est per­mis ! La fin de guerre s’impose comme un impé­ra­tif de trans­for­ma­tion plus qu’un retour à l’avant-coup, impé­rieuse néces­si­té d’une éco­no­mie à recons­truire et des morts à endeuiller. Le film rap­pelle oppor­tu­né­ment un aspect noso­gra­phique de la névrose trau­ma­tique, qui n’a pas man­qué der­niè­re­ment, c’est à dire la fixa­tion au trau­ma­tique, non pas fixa­tion à un point de déve­lop­pe­ment de la libi­do, mais au for­ma­tions actuelles, indexées sur un appa­reil psy­chique sup­po­sé avan­cé dans sa crois­sance. La seconde vague, pour­rait bien être pour le moment, celle de la nos­tal­gie des béné­fices secon­daires du confi­ne­ment, réac­ti­vant ou recons­trui­sant un sou­ve­nir infan­tile de la décep­tion de devoir reprendre le che­min de l’école, après avoir été câli­nés par maman durant les quelques jours de l’arrêt mala­die.

Si bien, qu’au lieu d’une cli­nique spé­ci­fique, c’est plu­tôt une pro­ces­sua­li­té obli­té­rée par le doute et l’incertitude (tou­jours !), gre­vée d’un deuil en cours, mais d’un type mélan­co­lique, dont l’objet échappe au Moi qui sup­porte son ombre aux contours mobiles, tout en dis­cré­tion. Comme un deuil peut en cacher un autre, nous sommes dans une confi­gu­ra­tion clas­sique où la névrose, si actuelle qu’elle soit, puise dans les objets du pas­sé et les trans­forme, elle ne crée pas du neuf, mais opère en der­nier recours face à des « objets bizarres », par ses moda­li­tés favo­rites de la ren­contre avec l’inconnu, fai­sant appel aux trans­po­si­tions et aux méta­pho­ri­sa­tions : d’un trau­ma­tisme aigu sur un moins intense, d’une logique éro­gène sur une autre, du pré­sent sur le pas­sé.

Ce peu de « scoop » est donc tout sauf éton­nant pour nous psy­cha­na­lystes : notre objet est bien la réa­li­té psy­chique, scan­da­leuse parce que sou­ve­raine dans sa façon de dis­po­ser du réel, jusqu’à un cer­tain degré il s’entend.

Samir Fel­lak avait à plu­sieurs reprises insis­té sur le maté­riel de séance éloi­gné de l’évènement covid, qu’il expli­quait par un pos­sible déni à deux, ce qui est très juste mais appelle je crois à un com­plé­ment. J’ai ten­dance à pen­ser qu’il pou­vait en effet recou­rir à un déni néces­saire, comme le sont les cli­vages fonc­tion­nels dont parle Gérard Bayle, mais pour se mettre à l’abri du risque opé­ra­toire des patients qui eux ont bas­cu­lé et ne parlent plus que de l’actualité, risque dont la durée pro­lon­gée, pour­rait être mor­ti­fère pour le pro­ces­sus. Si en effet déni il y a, ce n’est pas celui clas­sique des dénis de groupes obser­vés dans les familles ou ins­ti­tu­tions, mais un déni appar­te­nant au couple ana­ly­tique, de fait dif­fé­ren­cié et « assy­mé­tri­sé » par la règle fon­da­men­tale. Consi­dé­rons encore que s’il appa­rait néces­saire un temps, il joue le rôle de ces fils de suture résor­bables uti­li­sés en chi­rur­gie, qui se dégradent tout seuls et dis­pa­raissent, un déni donc qui por­te­rait en germe plu­tôt la for­mule de sa dis­pa­ri­tion que de sa sub­sis­tance. Si au terme des entraves exté­rieures deve­nues internes au cadre, l’analyste peut repré­sen­ter à nou­veau une récep­ti­vi­té et mobi­li­ser son acti­vi­té de rêve­rie, c’est après tout ce qui en est atten­du-même sur un mode res­tau­ré après un détour par les che­mins du déni. Néan­moins, ce prin­cipe un peu idéa­li­sé, ne me semble pas avoir une por­tée géné­ra­li­sable, à toute épreuve.

Je pense à un patient, lequel, au-delà de son obli­ga­tion de soin de 3 ans était res­té dans un cadre de cure type pen­dant deux ans sup­plé­men­taires, et qui au moment du confi­ne­ment a fait un che­min à rebours inat­ten­du. Sou­dai­ne­ment il est retom­bé dans les logiques d’une ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la situa­tion thé­ra­peu­tique au pro­fit de son obli­ga­tion légale, alors qu’une par­tie de sa cure avait ten­té d’élaborer tout ce ver­sant « for­mel », à la faveur d’une inté­gra­tion du trans­fert à des niveaux plus névro­tiques que per­vers. L’obstacle externe à valeur des­truc­trice a nour­ri son propre fond agres­sif, refu­sant d’emblée de conti­nuer à dis­tance ou au cabi­net, alors qu’il était jusque là très assi­du sans jamais man­quer une séance. Au moment du décon­fi­ne­ment, le cli­vage a cédé comme si nous n’avions jamais ins­crit dura­ble­ment le poids et la valeur de l’objet dans notre lien, insuf­fi­sam­ment du moins. J’ai le sen­ti­ment de ce retour­ne­ment en Ery­nie, désaf­fec­tée, pro­to­co­laire, n’ayant comme rési­dus de son enga­ge­ment que sa dette, qu’il a d’ailleurs payé en glis­sant une enve­loppe dans ma boite aux lettres. Pro­cé­dant avec moi, comme avec sa vic­time, délit pour lequel il avait eu cette condam­na­tion pénale, vic­time qu’il avait séduit avec un ver­sant tendre et cha­leu­reux, un autre secou­rable (Neben­mensch) de paco­tille… Sa volon­té de me payer son dû, reste tout de même un indice que sa des­truc­ti­vi­té entend davan­tage une limite, fut-ce en sec­teur, et qu’elle ne conce­vait que peu avant, délits com­pul­sifs à l’appui.

Le fou de Guerre de Dino Risi
« Le fou de Guerre » de Dino Risi

Le retour au prin­cipe de réa­li­té-quel prin­cipe et quelle réa­li­té ?

La for­mule jour­na­lis­tique qui pré­sente le décon­fi­ne­ment comme un retour au prin­cipe de réa­li­té se trompe, et ne se trompe pas…
En ce qui concerne notre champs pro­fes­sion­nel, de quel prin­cipe parle-t-on d’abord, un dogme sou­ve­rain ou un axiome mathé­ma­tique indis­cu­table ? La psy­cha­na­lyse serait-elle à l’épreuve du réel, comme un gilet est à l’épreuve des balles… Depuis le temps qu’on annonce sa mort, la psy­cha­na­lyse se débrouille pour nous faire entendre que ces consi­dé­ra­tions sont encore pré­ma­tu­rées, comme ceux qui pen­saient qu’une réa­li­té en pareil crise, hypo­thè­que­rait cette démarche sin­gu­lière, espé­rant une fois de plus que la cure se prenne les pieds dans le tapis du sani­taire « essen­tiel », et soit oubliée comme une acti­vi­té d’arrière garde, deve­nue sub­si­diaire, rejoi­gnant ain­si la pra­tique de l’hypnose que Freud qua­li­fiait de cos­mé­tique.
Et de quelle réa­li­té s’agirait-il main­te­nant, infec­tée d’un virus, bai­gnant dans le sang et dans l’argent des gou­ver­ne­ments ayant assou­pli un temps leur rigueur éco­no­mique dont on sup­pose déjà qu’elle pro­met des len­de­mains qui déchantent… Notre réa­li­té hors séance s’est affir­mée plus oni­rique, conden­sa­tion et dépla­ce­ment de l’hétérogène dans une figu­ra­bi­li­té « mono­po­li­tique » ne per­dant pas de vue l’essentiel de l’analytique tou­jours là  : c’est ain­si que Raoult contre l’INSERM, pour­rait être le repré­sen­tant d’un match OM contre le PSG, et au delà, d’une éter­nelle riva­li­té œdi­pienne dont la richesse est de revê­tir tous les masques pour s’accomplir.

Des moyens anti-trau­ma­tiques ont pris une allure infan­tile assu­mée, éclose de la passivation/régression contrainte. Nous avons vu sur les réseaux sociaux les efforts d’imagination, sou­vent aux limites de la manie, pour main­te­nir une acti­vi­té quelle qu’elle soit : faire de la musique sur les bal­cons, applau­dir à 20h les héros du moment, bri­co­ler et le mon­trer à qui veut bien voir, écrire pour qui veut bien lire… Il y avait aus­si des conte­nus plus dis­crets et moins popu­laires, puisque témoins de cou­rants plus mélan­co­liques : musique clas­sique, chant lyrique, poèmes, témoi­gnages de deuil et de souf­france phy­siques…
Le prin­cipe de réa­li­té s’est peut-être redé­fi­ni à l’image de psy­ché éten­due au corps, et qui n’en sait rien, réa­li­té oni­rique éten­due au diurne et qui ne le savait pas-le sait-elle davan­tage, et n’est-ce pas sinon notre tra­vail que de le lui faire savoir ?

Les éla­bo­ra­tions éten­dues aux groupes et leur reflux immé­diat et futur sur leurs membres, a scel­lé une expé­rience com­mune pré­cieuse, dont l’après-coup est pro­met­teur mais mal­heu­reu­se­ment jamais garan­ti …

NOTES :
  1. Le célèbre pacte freu­dien de la règle fon­da­men­tale, dans l’Abrégé de Psy­cha­na­lyse (1938, p. 41).
  2. Res­pec­ti­ve­ment dans les deux textes pré­cé­dem­ment publiés ici : « Télé­con­sul­ta­tion : vivre sur ses acquis » et « La régie psy­cha­na­ly­tique et le fac­teur mater­nel de séance ».
  3. Freud. S, Die Uncheim­li­ch­keit (1919), l’Inquiétante étran­ge­té, c’est à dire une « varié­té par­ti­cu­lière de l’effrayant qui remonte au depuis long­temps connu, depuis long­temps fami­lier ».