Trois séances en héritage…

Le col­loque de la SPP inti­tu­lé « Trois séances, mais vous n’y pen­sez pas ! » (Novembre 2018), relance de façon appuyée le débat à pro­pos d’un inva­riant struc­tu­rel de la cure type, c’est à dire la fré­quence de ses trois séances heb­do­ma­daires, d’une durée de 45 minutes cha­cune. L’article pré­sente à par­tir de tra­vaux sur la tech­nique psy­cha­na­ly­tique de Freud (1913), et d’une pré­sen­ta­tion orale de Ber­nard Cher­vet au 25 ème congrès de la FEP (28 mars 2012), quelques pistes com­plé­men­taires pour reprendre le dia­logue à pro­pos du décou­ra­ge­ment des uns et de l’optimisme per­sis­tant des autres.

1913-Les écrits tech­niques

Si débat il y a, c’est sans doute du fait de la force du tra­vail iden­ti­taire qui tra­verse la psy­cha­na­lyse contem­po­raine confron­tée aux autres modèles psy­cho­thé­ra­piques. Qui sommes-nous et que fai­sons-nous, psy­cha­na­lystes, dans notre pra­tique quo­ti­dienne ? Simple qu’en appa­rence, cette ques­tion ren­voie au cadre et son orga­ni­sa­tion, celle dont Freud nous livrait quelques clés dès 1913 dans ses articles « tech­niques ». Entre autres, il y évo­quait la célèbre « croûte du lun­di », rela­tive à la trêve du dimanche, seul jour sans séance pour ses patients et pour lui. Lun­di, Freud en res­sen­tait les effets dans une recru­des­cence des résis­tances, tra­dui­sant ain­si la contrainte de la fré­quence en tant que garan­tie d’un tra­vail psy­cha­na­ly­tique effi­cace. La logique : « plus de fré­quence, moins de résis­tance, pour plus d’effets thé­ra­peu­tiques » a été fon­dée, pro­ba­ble­ment étayée par les autres modèles thé­ra­peu­tiques exté­rieures à la psy­chia­trie, tels la conti­nui­té des soins post opé­ra­toires, les anti­bio­thé­ra­pies dont le suc­cès dépend de leur admi­nis­tra­tion inin­ter­rom­pue, ou encore, les cures ther­males dont la popu­la­tion aisée, les Freud com­pris, jouis­saient lors de séjours plus ou moins pro­lon­gés. La conti­nui­té de la pres­sion du tra­vail pour la gué­ri­son de la mala­die, trouve sans doute sa source auxi­liaire dès les concep­tions expo­sées par Freud dans l’Esquisse d’une psy­cho­lo­gie scien­ti­fique (1895), où l’appareil psy­chique est com­pris comme régu­la­teur per­ma­nent des affé­rences exci­ta­trices. La pous­sée constante du per­cep­tif y est décrite sur les modèles du tra­vail phy­sique tel que l’enseignait le maître du prin­cipe de constance et de conser­va­tion Her­mann Von Helm­holtz, un proche de Ernst Brücke, direc­teur du labo­ra­toire où a tra­vaillé Freud pen­dant plus de six ans entre 1877 et 1883. De façon tout à fait cari­ca­tu­rale, voire lapi­daire, la pous­sée de la vapeur sur les pis­tons, ser­vait alors de model matri­ciel pour la com­pré­hen­sion du vivant et de ses alté­ra­tions.

Evo­lu­tion et diver­si­té des modèles

Un siècle plus tard, Ber­nard Cher­vet a pré­sen­té lors du Congrès de la Fédé­ra­tion Euro­péenne de Psy­cha­na­lyse (FEP) de 2012, une inter­ven­tion visant à expli­quer la spé­ci­fi­ci­té fran­çaise, appe­lée aus­si le « modèle fran­çais à trois séances » dans une période où celui-ci fut dis­cu­té par la com­mis­sion tech­nique de l’IPA (Inter­na­tio­nal Psy­cho­ana­ly­ti­cal Asso­cia­tion fon­dée par Freud en 1918). Nous ne repren­drons pas ici la tota­li­té de son argu­men­taire, essen­tiel­le­ment les aspects his­to­riques de la mise en place de ce modèle, dif­fé­rent de celui éta­bli par Max Eitin­gon  à l’œuvre au sein du reste du monde ana­ly­tique . Rete­nons, que si les 3 séances ont été une adap­ta­tion ins­ti­tu­tion­nelle contrainte par le défi­cit de l’offre ana­ly­tique après la seconde guerre mon­diale, cette déro­ga­tion au modèle offi­ciel, n’a pas été « cor­ri­gée » lorsque le rap­port de l’offre et de la demande s’est rééqui­li­bré avec le déve­lop­pe­ment démo­gra­phique de la SPP (Socié­té Psy­cha­na­ly­tique de Paris). Le modèle fran­çais s’est bien au contraire affir­mé. Ber­nard Cher­vet fait l’hypothèse, que la contrainte a pu, comme sou­vent en sciences, faire appa­raitre un inves­tis­se­ment par­ti­cu­lier des cycles pré­sence-absence du rythme fran­çais, pri­vi­lé­giant par la même le tra­vail de l’après-coup (nach­krä­gli­ch­keit) comme levier du pro­ces­sus. Le trans­fert orga­nise ain­si ce dont il a besoin : une dyna­mique qui accen­tue la for­ma­tion des résis­tances ain­si qu’un mode inter­pré­ta­tif en cor­res­pon­dance avec celles-ci, fina­le­ment au ser­vice de la mise en lumière plus évi­dente du tra­vail psy­cha­na­ly­tique.

Pour aller au-delà des consi­dé­ra­tions his­to­riques et quelque peu tech­niques du mou­ve­ment psy­cha­na­ly­tique en France, sans pour autant ren­trer dans un autre débat qui serait celui de la jus­ti­fi­ca­tion d’un rythme au dépens d’un autre, pre­nons une toute autre direc­tion, celle des cri­tiques à l’égard de cette fré­quence, « héri­tée des temps anciens ». Pour le dire autre­ment : les trois séances ne se ven­draient plus aus­si bien qu’avant…

Malaise dans la trans­mis­sion

Il ne serait pas ques­tion de s’étonner de ces réac­tions poli­ment sub­ver­sives, si à l’unanimité la pro­fes­sion ren­con­trait cette même dif­fi­cul­té. C’est jus­te­ment ce hia­tus qui nous a fait prendre la plume pour par­ta­ger notre réflexion. Bien que la psy­cha­na­lyse soit atta­quée sans égard quant à sa plu­ra­li­té, encore der­niè­re­ment dans les recom­man­da­tions de la Haute Auto­ri­té de San­té (HAS) au sujet de l’indication de l’approche psy­cha­na­ly­tique dans l’autisme, sou­ve­nons-nous que chaque époque a connu ses « Livres noirs »  et autres polé­miques qui annon­çaient le cré­pus­cule de Freud . Heu­reu­se­ment, des sons de cloche plus ras­su­rants évoquent des psy­cha­na­lystes qui conti­nuent à tra­vailler selon la visée tech­nique de la cure type à 3 séances ou plus, avec une demande qu’il faut certes tra­vailler, mais qui existe bel et bien en dépit des marasmes éco­no­miques, des modes thé­ra­peu­tiques concur­rentes, d’un quo­ti­dien inter-connec­té et accé­lé­ré… Si nous ne pou­vons res­ter sourds à ces incon­tes­tables évo­lu­tions de nos vies, à quoi tient alors le fait que des patients acceptent encore de s’engager, suf­fi­sam­ment curieux d’un pro­jet qu’ils ne sont pas for­cé­ment venu cher­cher en fran­chis­sant la pre­mière fois le seuil du cabi­net ? Qu’est-ce qui les convainc mal­gré tout à payer, en temps et en argent, une méthode qui n’annonce a prio­ri ni bon­heur, ni déve­lop­pe­ment per­son­nel à court terme ? Sommes-nous en pré­sence d’une popu­la­tion par­ti­cu­lière et spé­ci­fi­que­ment maso­chiste, ou bien y a‑t-il quelque chose à cher­cher du côté de la force inhé­rente à la décou­verte freu­dienne elle-même, ou encore chez le psy­cha­na­lyste aimant pro­fon­dé­ment son arti­sa­nat, convain­cu avant tout de la puis­sance thé­ra­peu­tique de son outil, atten­tif de ce fait au néces­saire accom­pa­gne­ment de son offre ana­ly­tique par une tona­li­té à mini­ma enthou­siaste tout en étant rigoureuse…Bien évi­dem­ment, il serait dif­fi­cile d’inventer de toutes pièces cette for­mule « opti­miste », qua­si alchi­mique, d’un pro­to­cole d’induction à la cure type, une incan­ta­tion qui à elle seule pour­rait bous­cu­ler l’organisation des résis­tances, empor­ter la convic­tion que d’entre toutes les offres psy­cho­thé­ra­piques actuelles, la cure type reste la meilleure des options. La méthode et ses agents (nous…) ne sont pas tout puis­sants, et connaissent leurs limites, peut-être même que nous en créons de sup­plé­men­taires, dans l’affolement de la fin des temps !

Et si tout com­men­çait par le début, c’est à dire par la trans­mis­sion de notre métier, tout sim­ple­ment syno­nyme de la sur­vie de la psy­cha­na­lyse en tant que telle. Sans psy­cha­na­lystes et leur pra­tique, l’invention freu­dienne serait très en risque de ter­mi­ner sur des éta­gères de biblio­thèques, ensei­gnée super­fi­ciel­le­ment dans le champ de la phi­lo­so­phie et de quelques autres sciences humaines comme une her­mé­neu­tique de plus, enfin débar­ras­sée de sa dan­ge­ro­si­té puisque éteinte en son cœur cli­nique. Les enjeux de la trans­mis­sion ont cer­tai­ne­ment été constants depuis les débuts, com­por­tant à la fois le risque de déva­luer la chose ana­ly­tique dans sa pos­ture solen­nelle légi­time, et par ailleurs mesu­rant le dan­ger de figer une pra­tique dans un her­mé­tisme déca­lé des évo­lu­tions de son époque…
Trans­mettre la psy­cha­na­lyse serait éven­tuel­le­ment tout aus­si com­pli­qué que de la pra­ti­quer, dans la lignée de ces deux autres acti­vi­tés impos­sibles citées par Freud, que sont « gou­ver­ner et édu­quer ».

« Il sem­ble­rait presque qu’analyser soit le troi­sième de ces métiers « impos­sibles », dans les­quels on peut d’emblée être sûr d’un suc­cès insuf­fi­sant. Les deux autres, connus depuis beau­coup plus long­temps, sont édu­quer et gou­ver­ner. »

« Impos­sible », bien sûr pas tout à fait, mais subis­sant des inflexions, voire des adap­ta­tions comme nous l’avons décrit plus haut dans les cir­cons­tances de son déve­lop­pe­ment en France. L’endroit le plus sen­sible de la trans­mis­sion, demeure à notre avis, le lègue indi­vi­duel pris dans son axe ver­ti­cal ana­lyste-ana­ly­sant. S’agirait-il alors d’un pro­ces­sus de resub­jec­ti­va­tion per­ma­nente de la pra­tique, puis­sam­ment liée à l’après-coup de l’analyse de l’analyste, et de l’interrelation au long cours des deux pro­ta­go­nistes, aux­quels il ne fau­drait pas oublier d’adjoindre le tra­vail de culture, pour rendre hom­mage à son pou­voir trans­for­ma­teur.
Cette pers­pec­tive ouvre sur une inter­ro­ga­tion concer­nant les éven­tuelles crises de foi de nos ana­lystes ou de nos maîtres à pen­ser, leur dés­illu­sions pos­sibles consé­cu­tives à des échecs thé­ra­peu­tiques bles­sants ? Le der­nier livre d’André Green, « Illu­sions et dés­illu­sions du tra­vail psy­cha­na­ly­tique » (2011) nous livre un témoi­gnage d’honnête homme de science au fait-peut-être plus que qui­conque d’une entre­prise qui ne fait pas l’économie de l’échec à ses « tache­rons », comme disait S. Ferenc­zi.

C’est donc d’une empreinte toute intime de l’expérience ana­ly­tique per­son­nelle qu’il s’agit, telle que nous l’avons reçue, défor­mée – comme tout objet psy­chique – puis uti­li­sée dans notre propre champ de l’expérience cli­nique.
Ajou­tons un der­nier point qui a trait à la demande d’analyse des futurs ana­lystes, nous vou­lons par­ler du cur­seur allant de la for­mu­la­tion défen­sive « je viens pour être ana­lyste un jour, mais je vais bien » jusqu’à un degré d’aveu de souf­france pour laquelle l’analyse est requise, voir indis­pen­sable. Dans ce der­nier cas de demande, nous serions logi­que­ment assu­rés de consta­ter que les résul­tats sont en congruence avec les attentes, ils ne peuvent que ren­for­cer l’efficacité d’une mise en œuvre ulté­rieure du modèle au pro­fit des patients. L’équation pour­rait être : « plus l’analyste a été un ana­ly­sant souf­frant et sou­la­gé, plus il inves­ti­rait sa méthode de convic­tion pour l’appliquer avec déter­mi­na­tion », mais nous savons qu’il n’en n’est pas tout à fait ain­si…
Même s’il doit y avoir une once de vrai­sem­blance à pen­ser que la névrose de trans­fert seule, ne suf­fit peut-être pas à don­ner au futur ana­lyste la pleine mesure des poten­tia­li­tés de l’invention freu­dienne, tous les ana­lystes n’ont pas besoin de tra­ver­ser les affres de la névrose pour y arri­ver. Néan­moins, il nous appa­rait que l’énigme du mode de pré­sen­ta­tion impli­cite de ce qu’est le tra­vail ana­ly­tique à tout pos­sible ana­ly­sant, contient à son tour les frag­ments d’incertitude et de doute qui n’ont pu être tra­vaillés dans le temps de la for­ma­tion, à com­men­cer par le divan lui-même.

Nous allons ten­ter de vous pré­sen­ter, quelques élé­ments iso­lés qui nous ont paru per­ti­nents pour pen­ser de dis­crets mais pos­sibles obs­tacles à l’engagement dans une cure type.

La part du corps, prise en loca­tion sur le psy­chique

Nous rap­pe­lons ce que pro­po­sait Lou Andreas-Salo­mé en évo­quant les zones par­tielles vagin et cloaque, pou­vant se sub­sti­tuer l’un à l’autre par le jeu des trans­po­si­tions pul­sion­nelles . Inté­res­sé par cette qua­li­té de la pul­sion dans sa rela­tion aux objets par­tiels, Freud l’utilisera dans son article sur les trans­po­si­tions des pul­sions . Il est cer­tain qu’il y a autant de trans­po­si­tions pos­sibles que d’objets et de fonc­tions pul­sion­nel­le­ment inves­tis. Nous retrou­vons cette méca­nique de trans­po­si­tion chez nos patients en cure, par­ti­cu­liè­re­ment lors de la mobi­li­sa­tion des inves­tis­se­ments cor­po­rels, à par­tir des inves­tis­se­ments de l’appareil psy­chique – rien de révo­lu­tion­naire dans ce simple constat. Mais c’est aus­si ce che­min, tra­ver­sant le cultu­rel, qui conduit sen­si­ble­ment à plus de nou­velles équi­va­lences, des loca­tions prise sur la cure, entraî­nant à leur tour de fré­quentes négo­cia­tions pour la séance « en moins », un manque tou­jours com­pen­sable, jamais dans le vif de la cas­tra­tion, mais en bor­dure de la per­ver­sion. Cette séance à rem­pla­cer, cher­che­rait et trou­ve­rait des figures de sub­sti­tu­tion mul­tiples, dont par exemple la fonc­tion mani­feste d’un trans­fert laté­ral sur un autre espace, corps com­pris, ou encore d’une ten­ta­tive de trans­po­si­tion des fonc­tions liées au registre de l’activité et de la pas­si­vi­té : bouger/animer sa pen­sée ou faire taire sa pen­sée dans une expul­sion motrice. Cure et salle de sport res­tant sou­dées par leur ori­gine, une racine qui se divise, aux effets dyna­miques récur­sifs, nour­ris­sant chez le patient – mais pas seule­ment – l’espoir d’une crois­sance psy­chique pour­tant assez sou­vent déçue. Com­ment affir­mer la pri­mau­té du psy­chique, pour pré­ser­ver l’équilibre du pro­ces­sus, alors que le « sport sur ordon­nance » bat son plein dans les poli­tiques de san­té publiques actuelles, par une mise en exergue du vivre mieux et plus long­temps, la névrose pou­vant attendre. Du côté de l’analyste, s’engage alors une lutte contre ce qu’il sait être une fuite devant les dif­fi­cul­tés habi­tuelles d’une cure, un déga­ge­ment met­tant à pro­fit toutes les solu­tions qu’apporte la réa­li­té exté­rieure pour main­te­nir une pres­sion contre-pro­ces­suelle. Tra­duire cet état de fait qui nous saute aux yeux est alors une vol­tige de haut niveau, qui a tout inté­rêt à trou­ver le bon levier inter­pré­ta­tif pour ne pas être reçu comme une recette pla­quée et dic­tée par notre sur­moi ana­ly­tique pos­si­ble­ment à court de créa­ti­vi­té.

Diver­si­té et cumul des pra­tiques…

S’ajoutant à la déflexion de l’investissement de la cure sur le sport (et sa mise en latence de la libi­do), les recom­man­da­tions ins­ti­tu­tion­nelles font de plus en plus une pro­mo­tion enthou­siaste d’une com­plé­men­ta­ri­té des pra­tiques, qua­si sys­té­ma­tique, tra­dui­sant un fan­tasme quan­ti­ta­tif : plus nous mobi­li­se­rons de soins, mieux nous rédui­rons la mala­die et ses consé­quences. Cet autre ver­sant du fan­tasme de la pres­sion en conti­nu du modèle Eitin­gon, vou­drait peut-être assu­rer au patient une cer­taine garan­tie d’attention. Ce même si les dif­fé­rents pro­fes­sion­nels tels que par exemple le sophro­logue, l’Art thé­ra­peute, ate­liers d’ergothérapie, tous convo­qués au che­vet du malade, vont jusqu’à par­fois igno­rer l’ensemble du dis­po­si­tif de la prise en charge coor­don­née. Ceci se heurte évi­de­ment à des laté­ra­li­sa­tion du trans­fert modi­fiant consi­dé­ra­ble­ment les coor­don­nées trans­fé­ren­tielles de l’espace de la cure, et sature le quo­ti­dien des patients pro­dui­sant outre les équi­va­lences : séance de psy­cha­na­lyse = séance de sophro­lo­gie = cours de Yoga, un pos­sible « sur­boo­king » ne per­met­tant plus de répondre posi­ti­ve­ment à une pro­po­si­tion de cure à 3 séances, laquelle accueille de toutes façons une gale­rie de soi­gnants plus ou moins  dif­fi­ciles à dif­fé­ren­tier selon les capa­ci­tés objec­tales du patient. Ain­si pour­rions-nous nous entendre dire : « 3 séances, avec ce que je fais déjà, vous n’y pen­sez pas ! » .

Conclu­sion
Notre petit tour d’horizon de la ques­tion des 3 séances a emprun­té des che­mins rela­ti­ve­ment connus, mais sou­vent peu expli­ci­tés au sein d’un même article. Celui-ci a été par­ti­cu­liè­re­ment sti­mu­lé par nos his­toires de cur­sus et celles de nos col­lègues, par­fois des par­cours en panne de clô­ture, à la recherche pro­lon­gée d’un patient « à trois séances », condui­sant par moments à ce qui res­semble à s’y méprendre à des « réac­tions néga­tives » dans le trans­fert avec l’institution ana­ly­tique.
Appa­raissent dere­chef diverses ques­tions, cer­taines prises au niveau du tra­vail de culture comme nous l’avons vu au tra­vers de l’exemple de la pro­mo­tion de la san­té par le sport, ou celui de l’approche cumu­la­tive des soins en « san­té men­tale ». D’autres aspects se situent à des niveaux plus intra-ins­ti­tu­tion­nels, tel que par exemple l’instauration d’un délai rai­son­nable durant lequel nous pou­vons lais­ser nos col­lègues sans patients pour leur ana­lyse de cur­sus se décou­ra­ger, consé­quem­ment décou­ra­ger les autres, sans s’interroger autre­ment que sur l’hostilité d’un monde deve­nu anti-ana­ly­tique ? En effet, une fois ins­tal­lés dans le sta­tut de Psy­cha­na­lyste, membres élus d’une socié­té, y a‑t-il une chance pour qu’ils pra­tiquent la cure type, plus confiants grâce à l’évolution de leur iden­ti­té pro­fes­sion­nelle ? C’est bien sûr envi­sa­geable, mais si nous ne pre­nons pas en compte toute la com­plexi­té du pas­sage de témoin entre les géné­ra­tions, dont le sou­hait incons­cient est aus­si de ne pas le lais­ser filer sans le rete­nir un peu, nous ris­quons tous en cœur de poin­ter ce qui se passe en dehors du train dont nous sommes pas­sa­gers, sans oser pen­ser les dif­fé­rents impé­ra­tifs de la trans­mis­sion freu­dienne.

Samir Fel­lak et Pio­tr Krza­kows­ki, Psy­cha­na­lystes membres de la SPP

Biblio­gra­phie
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Cher­vet. B., Le modèle fran­çais et les cures psy­cha­na­ly­tiques à 3 séances par semaine, confé­rence pro­non­cée au congrès de la FEP (Fédé­ra­tion Euro­péenne de Psy­cha­na­lyse) 2012.
Freud S. [1895], Esquisse d’une psy­cho­lo­gie scien­ti­fique, OCF.P, II, 2009, Paris, PUF.Freud S. [1913c], Sur l’engagement du trai­te­ment, OCF.P, XII, 2005, Paris, PUF.
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