Rôle des consultations génétiques dans le diagnostic des enfants et des adolescents atteints de troubles du spectre de l’autisme

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Arnold Munnich est pédiatre-Généticien. Créateur et chef du département de génétique médicale de l’hôpital Necker-Enfants malades de Paris. Créateur de l’institut Imagine.

Mal­gré les avan­cées de la recherche, un grand nombre de patients atteints de troubles du spectre autis­tique (TSA) n’ont pas accès aux explo­ra­tions aujourd’hui dis­po­nibles, du fait d’idées reçues, de l’insuffisance des struc­tures à même de les explo­rer et de l’i­na­dap­ta­tion des consul­ta­tions hos­pi­ta­lières à leurs troubles du com­por­te­ment. Pour amé­lio­rer l’ac­cès aux soins et au pro­grès des connais­sances, nous avons inver­sé le para­digme et offrons depuis 20 ans des consul­ta­tions de géné­tique cli­nique sur site dans les hôpi­taux de jour et les ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées de la région pari­sienne.
Depuis 1998, une équipe mobile de géné­tique médi­cale pro­pose aux patients et à leurs familles des consul­ta­tions dans leur envi­ron­ne­ment habi­tuel. L’u­ni­té mobile opère sous l’é­gide de l’hôpital uni­ver­si­taire Necker Enfants-Malades, qui leur donne accès aux ser­vices de bio­chi­mie, de cyto­gé­né­tique molé­cu­laire et de séquen­çage de nou­velle géné­ra­tion (NGS).
En vingt ans, 502 patients appar­te­nant à 26 ins­ti­tu­tions ont béné­fi­cié de consul­ta­tions sur site et d’un accès aux pla­te­formes de géné­tique molé­cu­laire. Moins de 1% des parents ont décli­né la pro­po­si­tion. Des affec­tions géné­tiques ont été iden­ti­fiées chez 71 patients pré­sen­tant un TSA : ano­ma­lies cyto­gé­né­tiques cau­sales (34/388 : 8,8 % ; de novo : 19, héri­tés : 4), X Fra­gile (4/312 : 1,3 %) et muta­tions mono­gé­niques recon­nues res­pon­sables de TSA (33/141 ; 23,4 % : de novo : 23 ; héri­tés : 10, dont 5 liés à l’X et 5 réces­sifs auto­so­miques). L’IRM céré­brale a été pos­sible chez 347 patients et consi­dé­rée comme anor­male chez 42 % (146/347). Tous les patients diag­nos­ti­qués pré­sen­taient un TSA aty­pique ou syn­dro­mique, avec défi­cience intel­lec­tuelle modé­rée à sévère. Grâce à ce mode d’intervention, un grand nombre de consul­ta­tions man­quées ont été rat­tra­pées et les familles ont pu béné­fi­cier d’une consul­ta­tion de géné­tique. Eu égard aux contraintes impo­sées par les troubles du com­por­te­ment dans les TSA, les consul­ta­tions sur site consti­tuent, pour les patients et leurs appa­ren­tés, un moyen d’améliorer l’accès aux soins et de réduire le risque de mécon­nais­sance d’une patho­lo­gie orga­nique à pré­sen­ta­tion psy­chia­trique.

Les troubles du spectre autis­tique (TSA) consti­tuent un pro­blème majeur de san­té qui touche un enfant sur 200 (avec un sex-ratio de 4 gar­çons pour 1 fille). Des pro­grès impor­tants dans la géné­tique des syn­dromes autis­tiques ont été accom­plis dans les der­nières années [1, 2]. Pour­tant, la mécon­nais­sance de ces pro­grès récents, les idées pré­con­çues sur la patho­gé­nie de l’autisme et l’absence de mar­queurs bio­lo­giques de dépis­tage dis­suadent nombre de pro­fes­sion­nels d’explorer ces enfants et les conduisent même à contes­ter la pos­sible ori­gine orga­nique de la mala­die. De nom­breuses autres rai­sons expliquent pour­quoi tant d’enfants ne font pas l’objet d’explorations sys­té­ma­tiques, notam­ment a) le manque de neu­ro­pé­diatres et de géné­ti­ciens cli­ni­ciens, b) la conges­tion et l’insuffisance des consul­ta­tions pédia­triques spé­cia­li­sées et c) la rare­té des pla­te­formes bio­lo­giques per­for­mantes. Pour offrir aux patients un meilleur accès aux soins et mieux dif­fu­ser le pro­grès des connais­sances scien­ti­fiques, nous avons inver­sé le para­digme et offrons des consul­ta­tions de géné­tique sur site dans des hôpi­taux de jour et des ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées de la région pari­sienne.
En vingt ans, 502 patients ont ain­si béné­fi­cié de consul­ta­tions sur site et d’un accès aux pla­te­formes de géné­tique molé­cu­laire. Grâce à ce mode d’intervention, un grand nombre de consul­ta­tions man­quées ont été rat­tra­pées et les familles ont pu béné­fi­cier d’une consul­ta­tion de géné­tique. Eu égard aux contraintes impo­sées par les troubles du com­por­te­ment dans les TSA, les consul­ta­tions sur site consti­tuent, pour les patients et leurs appa­ren­tés, un moyen d’améliorer l’accès aux soins et de réduire le risque de mécon­nais­sance d’une patho­lo­gie orga­nique à pré­sen­ta­tion psy­chia­trique.

L’équipe mobile de géné­tique médi­cale
Depuis 1998, l’équipe mobile de géné­tique médi­cale, qui se déplace sur site, est basée dans le ser­vice de géné­tique médi­cale de l’Hopital Necker-Enfants Malades, dans le cadre d’un par­te­na­riat régio­nal avec l’Institut des mala­dies géné­tiques-Ima­gine et la Fon­da­tion Elan Retrou­vé. La mise en œuvre du pro­gramme repose sur deux coor­di­na­trices, une neu­ro­psy­cho­logue, une conseillère en géné­tique et un géné­ti­cien cli­ni­cien. Les patients et leurs parents qui le sou­haitent sont reçus dans leur envi­ron­ne­ment fami­lier, rédui­sant ain­si l’angoisse de l’attente dans un lieu qui leur est inha­bi­tuel. L’exploration sys­té­ma­tique réa­li­sée a per­mis de por­ter le diag­nos­tic d’une patho­lo­gie orga­nique à pré­sen­ta­tion psy­chia­trique dans un tiers des cas, prin­ci­pa­le­ment dans les TSA syn­dro­miques, aty­piques, avec une défi­cience intel­lec­tuelle modé­rée à sévère.
Au total, 26 hôpi­taux de jour et éta­blis­se­ments médi­caux ou médi­co-sociaux spé­cia­li­sés ont été inclus à leur demande. Tous ont un sta­tut d’association et ont été créés dans les années 1960 à l’initiative de parents sou­cieux d’éviter à leur enfant un pla­ce­ment en hôpi­tal psy­chia­trique. Tous les patients répon­daient aux cri­tères de TSA fon­dés sur le DSM‑5 (cin­quième édi­tion du Manuel diag­nos­tique et sta­tis­tique des troubles men­taux) [3] et pré­sen­taient des niveaux cog­ni­tifs variables, du défi­cit léger aux défi­ciences intel­lec­tuelles graves ou pro­fondes. L’évaluation cli­nique stan­dar­di­sée a pris en compte les symp­tômes mul­ti- dimen­sion­nels (CARS : child­hood autism rating scale, ADOS : autism diag­nos­tic obser­va­tion sche­dule et/ou ADIR : autism diag­nos­tic inter­view-revi­sed).
Le consen­te­ment éclai­ré des parents a été obte­nu préa­la­ble­ment à la consul­ta­tion. Dans le but d’éviter les mal­en­ten­dus, une pré­sen­ta­tion de la démarche a été pro­po­sée sur site avant la consul­ta­tion avec le géné­ti­cien cli­ni­cien. Les consul­ta­tions  ont eu lieu en pré­sence de l’enfant, de ses parents, du pédo­psy­chiatre et de l’équipe para­mé­di­cale et édu­ca­tive de l’établissement. Les pédo­psy­chiatres ont étroi­te­ment  coopé­ré avec le géné­ti­cien, agis­sant en qua­li­té d’expert, se gar­dant de s’immiscer dans la ges­tion du dos­sier (pres­crip­tion médi­ca­men­teuse, ortho­pho­nie et psy­cho­thé­ra­pie). Par sou­ci de confi­den­tia­li­té, une consul­ta­tion avec le géné­ti­cien seul a été sys­té­ma­ti­que­ment pro­po­sée. Elle a été cepen­dant rare­ment sou­hai­tée. Une consul­ta­tion stan­dard passe en revue les anté­cé­dents per­son­nels et fami­liaux de l’enfant, l’arbre généa­lo­gique de la famille, l’album de pho­tos, et com­prend un exa­men cli­nique com­plet en pré­sence d’un membre de l’équipe locale. Une atten­tion par­ti­cu­lière est por­tée aux prin­ci­paux signes cli­niques de TSA syn­dro­mique. La consul­ta­tion tente de répondre aux ques­tions sui­vantes : a) le TSA est-il iso­lé ou fait-il par­tie d’un syn­drome connu ? b) le cas est-il spo­ra­dique ou fami­lial ? c) avec ou sans défi­cience intel­lec­tuelle ? et d) existe-t-il des fac­teurs de risque (âge pater­nel avan­cé, fécon­da­tion in vitro, pré­ma­tu­ri­té, consom­ma­tion de stu­pé­fiants ou inges­tion de médi­ca­ments pen­dant la gros­sesse) ? Le bilan sys­té­ma­tique com­prend, quant à lui, le cri­blage molé­cu­laire de l’expansion du gène FMR1 (fra­gile X men­tal retar­da­tion 1), l’analyse chro­mo­so­mique com­pa­ra­tive sur puces à ADN (ACPA, encore appe­lées CGH array) [4], le bilan méta­bo­lique (chro­ma­to­gra­phie des acides ami­nés et orga­niques, taux de suc­ci­nyl­pu­rine, de sia­lo­trans­fer­rine, des inter­mé­diaires de syn­thèse de la créa­tine). Lorsqu’elle est néga­tive, et avant l’analyse molé­cu­laire par séquen­çage (NGS), cette pre­mière série de tests est sui­vie d’une IRM (ima­ge­rie par réso­nance magné­tique) céré­brale avec spec­tro­sco­pie par réso­nance magné­tique nucléaire (RMN) et tomo­den­si­to­mé­trie après une brève séda­tion, ain­si que d’un élec­tro-encé­pha­lo­gramme.
Pour l’analyse NGS, les gènes connus de TSA iso­lés ou syn­dro­miques, rap­por­tés dans deux familles non appa­ren­tées au moins, sont tes­tés. Ils sont séquen­cés par­mi un panel de 445 gènes [5–9]. Pour évi­ter les décou­vertes for­tuites ou les sou­cis d’interprétation de variants de signi­fi­ca­tion incon­nue (VOUS), seuls les gènes de TSA publiés et dont la péné­trance est com­plète sont tes­tés [5–9]. Pour faci­li­ter l’interprétation, le trio parents/enfant a été ana­ly­sé simul­ta­né­ment. Cer­tains patients ont béné­fi­cié d’un séquen­çage de l’exome entier réa­li­sé dans le cadre de pro­jets de recherche. À ce stade, ni le séquen­çage com­plet du génome, ni l’analyse de poly­mor­phismes (single nucleo­tide poly­mor­phisms, SNP) pré­ten­du­ment asso­ciés aux TSA dans les grandes études d’association (genome-wide asso­cia­tion stu­dies, GWAS) n’ont été réa­li­sés. Les résul­tats et conclu­sions ont été com­mu­ni­qués aux patients et aux familles dans les six mois qui ont sui­vi l’examen, dans la même confi­gu­ra­tion que la  consul­ta­tion mul­ti­dis­ci­pli­naire ini­tiale. Obser­va­tions et résul­tats : un bilan
Les consul­ta­tions sur site étaient facul­ta­tives mais elles ont été accueillies favo­ra­ble­ment par la majo­ri­té des parents. Moins de 1 % des couples ont en effet décli­né l’offre, arguant du fait « qu’aucun béné­fice immé­diat ne s’en sui­vrait ». Au total, 451 enfants, admis dans 26 hôpi­taux de jour et ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées de la région pari­sienne, ont ain­si été inclus dans le pro­gramme. La pos­si­bi­li­té d’initier ou d’actualiser les explo­ra­tions géné­tiques répon­dait lar­ge­ment à leurs attentes, beau­coup de leurs ques­tions concer­nant la pos­sible ori­gine orga­nique des troubles étant demeu­rées sans réponse.

Seule une petite frac­tion des patients avait été vue en consul­ta­tion par un neu­ro­pé­diatre ou un géné­ti­cien cli­ni­cien avant la visite sur site au cours de cette expé­rience et moins de 5 % des dos­siers médi­caux étaient à jour, en fonc­tion des avan­cées récentes des connais­sances. Dans 95 % des cas, les exa­mens de labo­ra­toire étaient absents, incom­plets ou obso­lètes, sans consul­ta­tions hos­pi­ta­lières de sui­vi, et dans 30 % des cas, les dos­siers médi­caux étaient tota­le­ment vides, et presque tous les parents ont décla­ré que jamais per­sonne n’avait exa­mi­né leur enfant désha­billé.
L’établissement d’un arbre généa­lo­gique de la famille a par­fois suf­fi à recon­naître des formes men­dé­liennes de TSA. Des infor­ma­tions, jamais divul­guées aupa­ra­vant et pré­sen­tant pour­tant un réel inté­rêt médi­cal, ont éga­le­ment été révé­lées pour la pre­mière fois à l’occasion des consul­ta­tions (anté­cé­dents fami­liaux, évé­ne­ments médi­caux graves durant la gros­sesse, fécon­da­tion in vitro). Il est cepen­dant dif­fi­cile de dire si ces ques­tions n’avaient effec­ti­ve­ment jamais été posées, ou si les réponses des parents avaient été fil­trées selon des attentes sup­po­sées du pédo­psy­chiatre. En rai­son du manque de spé­ci­fi­ci­té cli­nique des TSA d’origine orga­nique, la consul­ta­tion de géné­tique s’est rare­ment ter­mi­née par une convic­tion cli­nique. Pour cette rai­son, les exa­mens de labo­ra­toire ulté­rieurs ont été sys­té­ma­tiques.
L’ACPA (CGH array) a per­mis de détec­ter des varia­tions du nombre de copies (CNV) patho­gènes dans 11,7 % des cas, dont 13 CNV de novo et 13 héri­tées (Tableau I). La plu­part des patients diag­nos­ti­qués pré­sen­taient un TSA aty­pique et/ou syn­dro­mique, avec une défi­cience intel­lec­tuelle modé­rée à sévère. Le bilan méta­bo­lique sys­té­ma­tique n’a guère été contri­bu­tif d’autant que le dépis­tage néo­na­tal de la phé­nyl­cé­to­nu­rie et de l’hypothyroïdie est géné­ra­li­sé à titre sys­té­ma­tique par le test de Guthrie1 à la nais­sance en France.
Pour per­mettre une inter­pré­ta­tion géno­ty­pique cor­recte, seuls les patients ayant subi une IRM céré­brale et une tomo­den­si­to­mé­trie ont été inclus pour un dépis­tage ulté­rieur par séquen­çage. L’IRM céré­brale a détec­té des ano­ma­lies mani­festes, mais non spé­ci­fiques, iso­lées ou com­bi­nées dans 24,7 % des cas [10] : il s’agissait d’hyper-intensités ponc­tuées de la sub­stance blanche (22 %), d’altérations de la dif­fé­ren­cia­tion sub­stance grise/blanche des cornes tem­po­rales (25 %) et de dila­ta­tions des espaces de Wir­chow-Robin (12 %) . Seuls 108 enfants sur 451 ont pu béné­fi­cier d’un séquen­çage par­mi un panel de 445 gènes connus pour cau­ser des TSA (90 enfants) ou d’un séquen­çage de l’exome (18 enfants). Un variant cau­sal a été iden­ti­fié dans 28,7 % des cas. La plu­part des variants étaient sur­ve­nus de novo (68 %), tan­dis que l’hérédité liée au chro­mo­some X repré­sen­tait 16 % des cas et l’hétérozygotie com­po­site 13 % des cas. Au total, 24 gènes de mala­dies dif­fé­rentes, res­pon­sables de TSA syn­dro­mique avec défi­cience intel­lec­tuelle, ont été iden­ti­fiés dans cette étude .

Les consul­ta­tions sur site ont ain­si per­mis de révé­ler des mala­dies géné­tiques mécon­nues chez 75 enfants atteints de TSA. Selon les parents, nom­mer la mala­die n’a pas été per­çu comme une « stig­ma­ti­sa­tion », mais plu­tôt comme un « sou­la­ge­ment », une « déli­vrance » qui les a aidés à com­prendre et à sur­mon­ter les épreuves, à éta­blir des liens avec d’autres familles confron­tées à des situa­tions simi­laires. Occa­sion­nel­le­ment, des couples se sont plaints que le conseil géné­tique était arri­vé trop tard, alors qu’ils avaient déjà un enfant (ou appa­ren­té) atteint, ou avaient aban­don­né le pro­jet d’avoir un autre enfant. De même, nom­mer la mala­die et stra­ti­fier la cohorte au plan étio­lo­gique a été consi­dé­ré par les pédo­psy­chiatres des éta­blis­se­ments visi­tés comme une occa­sion d’améliorer leur tra­vail, d’accéder aux publi­ca­tions per­ti­nentes et aux essais cli­niques. En l’absence de diag­nos­tic d’organicité, des ren­dez-vous de sui­vi sur place ont été pro­po­sés aux familles et l’inclusion dans les pro­grammes de recherche a été dis­cu­tée (séquen­çage com­plet du génome et de l’exome).

Dis­cus­sion
Vingt années de pra­tique nous ont appris que les consul­ta­tions de géné­tique sur site dans des ins­ti­tu- tions spé­cia­li­sées pour jeunes autistes contri­buent à l’amélioration du stan­dard de soins, per­met­tant de com­battre la perte de chance diag­nos­tique dans les TSA. Depuis 20 ans, une équipe mobile de géné­tique cli­nique se déplace dans 26 ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées où 451 consul­ta­tions ont été dis­pen­sées dans l’environne- ment fami­lier des jeunes, rédui­sant ain­si l’angoisse de l’attente dans un lieu inha­bi­tuel.
L’unité mobile de géné­tique médi­cale fonc­tion­nant sous l’égide d’un hôpi­tal uni­ver­si­taire, les plates-formes des labo­ra­toires hos­pi­ta­liers et de l’Institut Ima­gine ont été acces­sibles, notam­ment pour la cyto­gé­né­tique molé­cu­laire, le séquen­çage à haut débit et l’IRM céré­brale (révé­lant des ano­ma­lies chez 25 % des enfants). Grâce à cette orga­ni­sa­tion, un nombre consi­dé­rable de consul­ta­tions man­quées ont ain­si pu être rat­tra­pées, les enfants et leurs proches béné­fi­ciant d’une consul­ta­tion de géné­tique. Ce mode d’intervention nou­veau a per­mis d’identifier une affec­tion géné­tique préa­la­ble­ment mécon­nue chez 75 enfants atteints de TSA. Plus de la moi­tié des diag­nos­tics concer­naient des CNV patho­gènes, les autres, des variants délé­tères dans 24 gènes dif­fé­rents recon­nus res­pon­sables de TSA [5,6]. Tous les patients diag­nos­ti­qués pré­sen­taient un TSA aty­pique et/ou syn­dro­mique avec une défi­cience intel­lec­tuelle modé­rée à sévère. Si on se sou­vient que les variants de signi­fi­ca­tion incon­nue ont été écar­tés et que les gènes rap­por­tés dans une seule famille n’ont pas été inclus dans le panel de resé­quen­çage, ces résul­tats repré­sentent cer­tai­ne­ment une esti­ma­tion basse de la réa­li­té. En revanche, aucun diag­nos­tic géné­tique n’a été éta­bli dans les cas d’autisme de haut niveau. Nous sug­gé­rons donc de pro­po­ser sys­té­ma­ti­que­ment une ACPA et un re-séquen­çage des gènes connus chez les enfants atteints de TSA syn­dro­miques et/ou aty­piques pré­sen­tant une défi­cience intel­lec­tuelle asso­ciée. Bien que plus de 800 gènes res­pon­sables de TSA aient été rap­por­tés [7], notre étude montre que les muta­tions de cer­tains ont une inci­dence par­ti­cu­liè­re­ment éle­vée dans les TSA syn­dro­miques. En rai­son de l’accès limi­té aux plates-formes géno­miques et de leur coût, une stra­té­gie séquen­tielle consis­tant à tes­ter en prio­ri­té un nombre réduit de gènes chez un nombre impor­tant d’enfants atteints de TSA syn­dro­mique pour­rait être consi­dé­rée.
Avant les consul­ta­tions sur site, seule une faible frac­tion des patients avait été vue par un neu­ro­pé­diatre ou un géné­ti­cien. Envi­ron 95 % des dos­siers médi­caux se sont avé­rés incom­plets, obso­lètes ou absents au moment de la consul­ta­tion sur site, et aucune consul­ta­tion de sui­vi n’était pré­vue. Si tant d’enfants ne sont pas explo­rés, c’est sans doute la consé­quence du manque d’experts, de l’insuffisance ou de l’inadaptation des consul­ta­tions spé­cia­li­sées et de la conges­tion des pla­te­formes qui sont sous-dotées en bio­lo­gistes hos­pi­ta­liers qua­li­fiés. De plus, si les parents acceptent d’être adres­sés à un neu­ro­logue pour leur enfant, la per­cep­tion d’une consul­ta­tion de géné­tique sou­lève davan­tage d’appréhensions. La pos­si­bi­li­té de lan­cer des explo­ra­tions géné­tiques est, par contre, bien mieux accueillie ulté­rieu­re­ment quand le diag­nos­tic de TSA ne fait plus de doute, mais que de nom­breuses ques­tions concer­nant son méca­nisme se posent aux parents. L’éponyme de TSA semble recou­vrir un large éven­tail de situa­tions, dont une frac­tion impor­tante d’anomalies neu­ro-déve­lop­pe­men­tales. Eu égard aux dif­fi­cul­tés ren­con­trées pour accé­der à un éta­blis­se­ment spé­cia­li­sé, le fait d’avoir consta­té des « carac­té­ris­tiques autis­tiques » chez des enfants han­di­ca­pés peut les avoir orien­tés vers ces ins­ti­tu­tions, indé­pen­dam­ment du diag­nos­tic. Notre étude montre que les enfants admis dans ces ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées, en région pari­sienne, ont un accès limi­té aux pro­grès de la géné­tique et que les consul­ta­tions avan- cées sur site contri­buent, elles, à remé­dier à cette perte de chance pour les patients et les appa­ren­tés.
Bien que la décou­verte d’une affec­tion géné­tique n’ait pas un impact immé­diat sur la prise en charge du patient, cette infor­ma­tion est per- çue par les parents comme un « sou­la­ge­ment », « une déli­vrance », qui aide les couples à sur­mon­ter les dif­fi­cul­tés et à dépas­ser le sen­ti­ment de culpa­bi­li­té d’avoir don­né nais­sance à un enfant atteint de TSA. Les asso­cia­tions de parents confron­tés à des situa­tions simi­laires jouent ain­si un rôle d’autant plus impor­tant que la consti­tu­tion de cohortes rela­ti­ve­ment homo­gènes est un pré-requis pour les études rela­tives à l’histoire natu­relle des sous-types de TSA.
Les consul­ta­tions sur site per­mettent de for­mu­ler des pré­co­ni­sa­tions per­son­na­li­sées [11, 12] : des éva­lua­tions neu­ro­psy­cho­lo­giques ont été pro­po­sées aux patients diag­nos­ti­qués afin de mieux carac­té­ri­ser les enti­tés géné­tiques asso­ciées aux TSA, de déve­lop­per de nou­velles stra­té­gies de remé­dia­tion cog­ni­tive, et de pro­po­ser des prises en charge cog­ni­ti­vo-com­por­te­men­tales per­son­na­li­sées.
Les consul­ta­tions sur site ont éga­le­ment eu un impact immé­diat sur le conseil géné­tique, en par­ti­cu­lier lorsque des muta­tions de novo et des CNV ont été iden­ti­fiées car elles excluent le risque de récur­rence pour les parents et les appa­ren­tés. Cer­tains couples se sont plaints que ce conseil arri­vait trop tard alors qu’ils avaient déjà un deuxième enfant atteint (ou un appa­ren­té) ou avaient aban­don­né le pro­jet d’avoir un autre enfant. Omettre ou dif­fé­rer les consul­ta­tions de géné­tique médi­cale et ne pas mettre en garde contre un éven­tuel risque géné­tique peut avoir de graves consé­quences sur les formes héré­di­taires de TSA.
La sous-uti­li­sa­tion des ser­vices géné­tiques par les familles concer­nées n’est pas spé­ci­fique à la France et repré­sente un défi majeur [13]. Une étude réa­li­sée en Espagne a explo­ré l’accès aux ser­vices géné­tiques et la per­cep­tion du risque géné­tique chez les parents d’enfants autistes [14]. Elle a révé­lé une sous-uti­li­sa­tion frap­pante des ser­vices, avec seule­ment 30 % des familles ayant consul­té et 13 % des patients ayant fait le test géné­tique recom­man­dé. De même, une récente étude taï­wa­naise a révé­lé que 2/3 des parents d’enfants atteints de TSA n’avaient jamais enten­du par­ler de tests géné­tiques pour les TSA, bien que la majo­ri­té d’entre eux (71,4 %) exprime un inté­rêt pour ces tests [15].

En conclu­sion
Notre étude montre que les enfants atteints de TSA admis dans les éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés de la région pari­sienne ont un accès limi­té au pro­grès médi­cal et aux explo­ra­tions qui pour­raient leur être pro­po­sées. Nous sug­gé­rons de consi­dé­rer les consul­ta­tions avan­cées sur site comme une solu­tion per­met­tant d’améliorer la qua­li­té des soins et de réduire la perte de chance pour les per­sonnes concer­nées et leurs appa­ren­tés.

SUMMARY
Twen­ty years of on-site cli­ni­cal gene­tics consul­ta­tions for people with ASD
Des­pite advances in neu­ro­ge­ne­tics of autism spec­trum disor­ders (ASD), many patients fall through the net of inves­ti­ga­tion, owing to pre­con­cei­ved ideas, limi­ted access to gene­tics faci­li­ties and inade­qua­cy of consul­ta­tions to chil­dren with beha­viou­ral pro­blems. To improve access to ser­vices and coun­te­ract the loss of chance, we rever­sed the para­digm and deli­ve­red on-site gene­tics consul­ta­tions to ASD chil­dren of Grea­ter Paris day care hos­pi­tals and spe­cia­li­zed ins­ti­tu­tions. Since 1998, an ambu­la­to­ry medi­cal gene­tics team has been in ope­ra­tion, offe­ring on-site consul­ta­tions and ser­vices to patients and rela­tives in their usual envi­ron­ment. Because the mobile medi­cal gene­tics unit ope­rates under the umbrel­la of a uni­ver­si­ty hos­pi­tal, ser­vice labo­ra­to­ries are sha­red, inclu­ding mole­cu­lar cyto­ge­ne­tics and next gene­ra­tion sequen­cing (NGS). For the past 20 years, 451 patients from 26 ins­ti­tu­tions bene­fi­ted from on-site consul­ta­tions and gene­tics ser­vices in their usual envi­ron­ment. Less than 1% of parents decli­ned the offer. Pre­vious­ly undiag­no­sed gene­tics condi­tions were reco­gni­zed in 75 ASD chil­dren, inclu­ding patho­ge­nic CNV variants (43/366 : 11,7%; de novo : 13, inhe­ri­ted : 13), Fra­gile X (4/312 : 1.3%) and dele­te­rious variants in disease cau­sing genes (31/108 : 28.7 %; de novo : 21, inhe­ri­ted : 10, X‑linked : 5, reces­sive : 4, domi­nant : 1). Brain MRI were pos­sible in 251 patients and 24,7% were consi­de­red abnor­mal. All diag­no­sed patients pre­sen­ted atypical/syndromic ASD with mode­rate to severe intel­lec­tual disa­bi­li­ty. Thanks to such flexible orga­ni­sa­tion, a consi­de­rable num­ber of mis­sed consul­ta­tions were tra­cked and fami­lies first bene­fi­ted from medi­cal gene­tics ser­vices. Owing to constraints impo­sed by beha­viou­ral pro­blems in ASD, we sug­gest consi­de­ring on-site gene­tics ser­vices to imple­ment stan­dard of care and coun­te­ract the loss of chance to patients and rela­tives.

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